Le palmarès est également teinté de politique
Tout d’abord, la Palme d’or a été attribuée à Un simple accident de Jafar Panahi. Avant même que ne commence le festival, il était tentant de supposer que le réalisateur aurait la plus haute récompense, car Juliette Binoche, présidente du jury cette année, n’est pas insensible à la politique et que, d’autre part, elle a tourné en Iran Copie conforme avec Abbas Kiarostami, qui fut le maître et le modèle de Jafar Panahi. Et Jafar Panahi a un talent certain, salué par une immense ovation à la fin de chaque projection d’Un simple accident. De plus, le réalisateur a fait de la prison en Iran et a dû tourner son film en catimini : il y attaque le régime des mollahs et sa politique de sévices.
Le Grand Prix est revenu à Valeur sentimentale du Norvégien Joachim Trier, où un réalisateur (Stellan Skarsgård) propose un rôle à sa fille (Renate Reinsve), comédienne de théâtre, alors qu’il ne l’a pas vue depuis longtemps. Le dispositif de double temporalité du film dans le film permet un bon nombre de thématiques passionnantes.
On supposait fortement voir figurer au palmarès Sirât d’Oliver Laxe, prouvant combien les spectateurs avaient été séduits par ce film insolite, où un père (Sergi Lopez) et son fils recherchent leur fille et sœur lors de rave parties dans les profondeurs du désert saharien. Il a obtenu le Prix du Jury ex aequo avec Sound of Falling de l’Allemande Mascha Schilinski, film dans lequel quatre filles, issues de quatre décennies différentes, grandissent ensemble dans une ferme et semblent liées les unes aux autres malgré les années qui les séparent.
Après avoir déjà présenté à Cannes Aquarius et Bacurau dans les dernières années,
Kleber Mendonça Filho est venu cette fois avec L’Agent secret, un chef-d’œuvre très apprécié, tant du public que du jury, se déroulant au Brésil en 1977 pendant la dictature militaire. Il a donc obtenu le Prix de la mise en scène. Puis le Prix d’interprétation masculine est revenu à Wagner Moura qui, par son jeu subtil et magistral, a largement contribué à faire un chef-d’œuvre de ce film. Le Prix d’interprétation féminine a été attribué à une nouvelle venue, Nadia Melliti, 23 ans, héroïne de La petite dernière, réalisé par la comédienne Hafsia Herzi. Cette interprète débutante illumine le film en lesbienne musulmane. Le film a d’ailleurs également obtenu la Queer Palm.
Un Prix spécial du Jury a été donné à Résurrection du Chinois Bi Gan, qui a réalisé un si insolite et si riche conte post-apocalyptique sur la mémoire qu’il semblait difficile à classer dans la hiérarchie des films.
Les frères Dardenne sont comme toujours au palmarès, 26 ans après Rosetta et la découverte d’Émilie Dequenne (décédée à la suite d’un cancer en mars dernier). Cette fois, ils obtiennent le Prix du scénario pour Jeunes mères, émouvant film choral sur la maternité précoce d’adolescentes dans une structure communautaire belge. Ce film montre avec délicatesse le désarroi de ces jeunes filles démunies et naïves face aux difficultés de leur vie à venir.
Comme toujours, le Festival de Cannes avait une passionnante programmation de films très diversifiés. Ce qui contribue à en faire le plus prestigieux festival de cinéma du monde !
Caroline BOUDET-LEFORT