| Retour

CINEMA : Mystery - De Lou Ye

Sortie en salles le 20 mars 2013

Après cinq ans d’interdiction, à la suite de la présentation à Cannes d’Une jeunesse chinoise, histoire d’amour sur fond du massacre de la place Tiananmen, Lou Ye peut à nouveau tourner en Chine, loin du Paris de Love and Bruises. C’est donc dans son pays qu’il a réalisé Mystery, seul film chinois de la sélection officielle au dernier festival de Cannes. L’histoire, déjà tarabiscotée, est racontée de façon à obliger de s’accrocher pour reconstituer le puzzle de l’intrigue.

Liu Jie est loin d’imaginer que son mari Yongzhao mène une double vie, mais, un jour, de la fenêtre d’un salon de thé, elle le voit entrer dans un hôtel avec une jeune femme. La vie de Liu Jie s’effondre alors, et ce n’est que le début des découvertes des infidélités conjugales. En fait, le film a commencé comme un violent thriller par une scène d’accident sur une route battue par une pluie diluvienne où une jeune femme meurt renversée par la voiture de jeunes gens friqués qui sortent de boîte. Il faudra un certain temps au spectateur pour comprendre que cette mort pourrait être liée à la découverte de l’adultère. Le policier en charge de l’affaire, lui, fait le rapprochement et refuse à croire à un accident. Car il connaît l’histoire dans sa chronologie, tandis que nous, pauvres spectateurs, devons-nous repérer la mise en place des événements entre les différents personnages et les rapports des uns aux autres. Le mystère reste anecdotique et n’intéresse pas, étant au service d’un « film-esbroufe ». Le cynisme est de la partie, que ce soit celui de l’élégant mari séducteur, ou celui des femmes – épouse et maîtresse – qui se réuniront avec leurs enfants pour « coincer » l’infidèle dans une scène carabinée, à la fois tragique et comique. Sans doute, le réalisateur a-t-il voulu reproduire, dans son film (non ordonné ou mal ordonné), le désordre de la vie des mégapoles en pleine expansion de la Chine actuelle, telle Wuhan où se passe l’action. Tout semble compliqué dans cette nouvelle bourgeoisie occidentalisée trop liée à l’apparence et aux signes extérieurs de richesse sans savoir mettre des limites. Lou Ye non plus n’a pas de limites, n’hésitant pas à souligner le mystère de l’intrigue par une musique omniprésente qui fait concurrence au bruit chaotique de la ville. Perdus dans trop de confusion, tous les personnages deviennent peu à peu hagards. A craindre que ce soit aussi le sort de chaque spectateur à la fin de la projection, sauf s’il conserve son indulgence d’inconditionnel du cinéma de Lou Ye.

Artiste(s)