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CINEMA : Mud, sur les rives du Mississippi

Sortie en salles le 1e mai 2013

Projeté le dernier jour de la compétition cannoise 2012 – alors qu’on a déjà l’humeur dans celle de 2013 ! – Mud, pourtant très acclamé, n’a pas figuré au palmarès, alors que le film de Jeff Nichols était parmi les plus attendus du Festival. Take Shelter, son film précédent, avait remporté un grand succès après avoir été justement primé en 2011 à la Semaine de la Critique. Quoique plus classique, Mud confirme son talent.

Deux gamins de 14 ans découvrent lors d’une de leurs escapades quotidiennes sur une île au milieu du Mississipi un vieux bateau suspendu dans les arbres. Ils rêvent aussitôt de le transformer à leur idée, mais un inconnu nommé Mud (Matthew McConaughey) s’est déjà octroyé le rafiot pour s’y cacher. Qui est cet homme ? D’où vient-il ? Pourquoi est-il là ? Toutes sortes de rumeurs vont vite courir sur lui. Les deux garçons, admiratifs et intrigués, ne peuvent que constater qu’il a une dent en moins, un serpent tatoué sur le bras, un flingue, des bottes qui laissent des empreintes en forme de croix et une chemise porte-bonheur. De quoi auréoler le personnage de mystère, d’autant plus qu’il leur est difficile de déceler le vrai du faux dans ses paroles qui parlent d’un amour impossible et de chasseurs de primes à ses trousses. Pourtant ils décident de l’aider, de lui apporter à manger et de quoi bricoler le bateau. C’est ainsi que le trio se lie d’amitié. Du moins jusqu’à l’arrivée d’une mystérieuse jeune fille (Reese Witherspoon) dans la petite ville voisine. L’amour bousculera tout, entraînant l’initiation à la vie des deux garçons confrontés aux mensonges des adultes. Tout se complique dans la moiteur des bayous du Sud profond de l’Amérique qui incite à l’inertie dans ce bout du monde perdu de maisons flottantes menacées de démolition. « Mud » ce serait aussi la boue de ce delta marécageux.

Nichols a une manière très subtile d’osciller entre le thriller et le film d’initiation. Ces aventures fluviales ne sont pas sans évoquer l’univers de Mark Twain avec lequel le réalisateur semble avoir eut un profond compagnonnage sur les grands idéaux dont tout jeune adolescent est friand : se construire un monde hors de celui des adultes familiaux, l’attraction du hors-la-loi, l’amour transcendé ou fantasmé, la fuite devant les « méchants », la planque secrète, le souffle romanesque où s’accroche l’imaginaire des ados... Chaque personnage, même le plus secondaire, aidera dans le combat final à maintenir la construction d’une fable, portée à bout de bras sur un ton grave jusqu’à la fin. Nichols réussit un coup de maître !

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