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Djeca – Enfants de Sarajevo - De Aida Bejic

Sortie en salles le 20 mars 2013

Deuxième long métrage de l’auteur de Premières neiges (Grand Prix de la Semaine de la critique à Cannes en 2008), Djeca a obtenu une mention spéciale du Jury d’un Certain Regard l’an dernier. Si Premières neiges se déroulait pendant la guerre en ex-Yougoslavie, par contre Djeca (« enfants » en bosnien) se situe après. Cependant, à Sarajevo, la lutte pour survivre est toujours aussi dure.

Orpheline de guerre de Bosnie, Rahima (Marija Pikic), jeune fille à la beauté austère, travaille dans les cuisines d’un restaurant chic de Sarajevo. Récemment convertie à l’islam qui lui apporte un certain réconfort, elle s’occupe tant bien que mal de son jeune frère Nedim, petit délinquant bagarreur, dans une société qui a perdu toute compassion pour les enfants de ceux qui sont morts pendant le siège de la ville. Avec son foulard qui cache ses cheveux, elle sait garder à distance les hommes et pour cela ne manque pas de réparties avec un langage ordurier teinté d’un humour féroce. Marija Pikic a su s’emparer de son personnage tourmenté au regard dur avec un talent admirable, misant à bon escient sur l’énergie de son âge plus que sur sa fragilité.

Prouvant un sentiment d’impuissance et une incapacité à envisager le futur, la Bosnie semble maintenue dans une période de transition. Le présent reste infini – depuis dix-sept ans déjà !– sur un terreau propice à la corruption et à la violence. Certains sont devenus riches trop vite, et d’autres, qui n’acceptent pas les nouvelles normes sociales, restent au bord du chemin. Ex-punk, Rahima rassemble tous les contrastes de cette réalité complexe. Il faut la suivre à travers ses émotions dans la ville de Sarajevo toujours meurtrie. Très bien intégrées à la fiction, des images d’archives montrent le chaos laissé par la guerre où Sarajevo fut le cadre de toutes les horreurs avec tirs de snippers et bombes à l’aveugle. Aujourd’hui, il ne reste qu’abus de pouvoir, marché noir et trafics de toutes sortes, avec l’intention d’une reconstruction sans cesse retardée.

Djeca est un film sombre, sous un ciel gris, dans une ville grise qui ne semble pas réussir à se relever d’une guerre omniprésente. Ainsi, l’action se situant entre Noël et le jour de l’An, les pétards de la fête évoquent les bruits de tirs comme si la guerre n’en finissait pas. L’après-guerre, en tout cas, semble infinie. A la fin, le frère et la soeur pénètrent dans un tunnel envahi d’une brume qui, sans doute, symbolise l’opacité de leur futur dans une société indifférente à leur sort.

Roulant sur les rails des frères Dardenne, la jeune réalisatrice, Aida Bejic, a tourné ce beau portrait de femme en plans-séquences, avec des interprètes non professionnels et des comédiens débutants à l’écran. Victime de la crise du cinéma bosniaque, elle travaille actuellement sur un documentaire.

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