| Retour

Fin de cet événement Août 2020 - Date du 5 août 2020 au 30 août 2020

En salles : L’INFIRMIERE, de Kôji Fukada

« L’infirmière » commence par une scène dans un salon de coiffure où la cliente coiffée dit être aide-ménagère, alors que, en fait, Ichiko travaille comme infirmière et s’occupe avec une extrême attention et des gestes prévenants d’une grand’mère grabataire dans une famille qui ne réunit que des femmes : la mère et ses deux filles adolescentes qu’Ichiko aide dans leurs études. Aussi, très appréciée, est-elle considérée comme un membre de la famille.

La cadette des deux filles est enlevée. Bien malgré elle, Ichiko va être mêlée à ce drame dont les médias gonfleront l’importance en harcelant l’infirmière modèle jusqu’à nuire à toute son existence, aussi bien professionnelle que personnelle. Car cet événement imprévisible va apporter trouble et désordre dans sa vie bien rangée entre son travail et son mariage prévu prochainement avec un médecin.

Comme dans « Harmonium », son film précédent sorti il y a 3 ans, le Japonais Kôji Fukada réussit un véritable thriller psychologique à la violence sourde, parfois à la frontière du fantastique dans certaines scènes auxquelles s’ajoute la nuisance des médias quand ils s’acharnent sur un fait-divers jusqu’à devenir d’authentiques bourreaux.

Le réalisateur entretient un suspense insolite et indéfinissable, mené pas à pas dans cette histoire où règne tout au long une atmosphère malsaine, délétère. Ichiko est-elle victime ou manipulatrice ? Comment peut-elle être reliée à cette surprenante affaire où chacun cherche à se venger à sa manière. Comme dans « Harmonium », une certaine ambiguïté plane et des zones d’ombre persistent tout au long de ce film palpitant et tordu, avec des surprises sur des comportements étranges et inattendus de la part de cette parfaite infirmière.

Le cinéaste a lui-même écrit cette histoire tarabiscotée, à la violence sourde, révélant des rancoeurs qui se manifestent de façon tragique. On conserve jusqu’au bout notre empathie pour cette infirmière maltraitée par la société et par d’effroyables rancoeurs, telle celle de la fille aînée qui semble avoir une attirance excessive pour Ichiko avec laquelle elle souhaiterait cohabiter. Lors d’un refus radical après avoir exprimé sa demande, elle a un comportement vengeur irresponsable dont les conséquences seront dramatiques dès lors que les médias s’en emparent. Plus que partout ailleurs, le cinéma japonais se veut le témoin de l’importance cruciale de la cellule familiale dans la société nippone et on n’aime pas que qui que ce soit mette à mal la quiétude en semant le trouble dans le confort d’une famille. Même s’il s’agit de s’interroger sur la fragilité de la vie liée à certaines circonstances.
Avec une suite de plans fixes et de travellings aptes à suggérer l’atmosphère d’oppression dans ce jeu de méfiance et de séduction, Kôji Fukada s’approche de la noirceur des coeurs des hommes sans basculer dedans pour garder conscience du regard porté sur les tréfonds de l’âme.

Déjà remarquable dans « Harmonium », l’actrice Mariko Tsutsui porte magnifiquement le film de bout en bout, donnant l’image de la perfection de cette infirmière qui, meurtrie, peut avoir des pulsions malsaines. Elle est entourée de comédiens tous parfaits, chacun dans son rôle.

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Copyright Arthouse

Artiste(s)