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BOULEVARD De Dito Monteil

Employé de banque modèle, Nolan (Robin Williams) a un bon boulot, obtient même une promotion, cherche à faire plaisir à son entourage et entretient avec ses collègues des relations conviviales, sinon amicales. Mais même le plus complice n’est pas un véritable ami à qui il pourrait se confier en toute intimité. De plus, avec sa femme, Nolan mène une vie d’habitudes et d’affection, tout en faisant chambre à part, depuis longtemps semble-t-il.

De fait, il n’est pas si heureux que cela. Rien ne semble pouvoir combler le vide de son existence, jusqu’à la rencontre inattendue avec un jeune prostitué. Soudain Nolan retrouve un sens à la vie qu’il semblait traverser comme un fantôme. Il décide de ne plus se mentir. Après s’être censuré et avoir réprimé ses sentiments toute sa vie, il est en quête de relations authentiques. Le jeune garçon incarne pour lui la possibilité de repartir à zéro, même si ce choix est douloureux.

S’installe dès lors l’histoire de ces deux êtres brisés par la vie, chacun à sa manière, que ce soit Nolan, prisonnier d’une relation conjugale plan-plan et d’un rôle social qu’il s’est lui-même imposés, ou Léo (Roberto Aguirre, un nouveau venu), le jeune homme écorché, ne vivant que dans l’instant et restant renfermé sur lui-même sans comprendre ce qu’il peut représenter pour Nolan (un amant ? un fils ?). Ce dernier lui donne de l’argent, simplement pour lui arracher un semblant d’affection. Après s’être toujours censuré, soudain il est prêt à tout lâcher pour ce garçon tabassé par son proxénète. On ne peut toujours composer, ni faire abstraction de ses émotions et de son désir.

Cependant, avec le temps et des habitudes bien ritualisées, il est de plus en plus difficile de tout remettre en question pour s’assumer et changer tout ce que Nolan a construit : son couple, sa situation matérielle, son cadre, son entourage... L’importance du lâcher prise est peut-être l’essentiel du film, plutôt que la révélation d’une homosexualité refoulée. Sa femme (Kathy Baker toute en nuances) ne jouera pas la victime, ni ne s’épanchera en réprimandes. A la fois forte et vulnérable, elle s’accroche désespérément à son passé pour que rien ne change. Mais, impossible de faire machine arrière.

Il n’y a pas de méchants dans cette histoire, mais des situations complexes découlant d’un refus de donner une certaine image sociale propre au siècle dernier. En ce sens, le film est un peu dépassé. Aujourd’hui, malgré nombre de regards réfractaires, l’homosexualité est mieux assumée : il semble « ringard » qu’il puisse encore être question d’une telle hypocrisie.

Dans son dernier rôle, avant son suicide en 2014, Robin Williams incarne de façon touchante le déchirement intérieur de ce personnage dans une existence mensongère. Il joue en retenue et son énergie habituelle implose intérieurement. Son sourire triste traverse le récit de part en part et procure sa part d’émotion au film, dont la trop sage mise en scène de Dito Monteil donne un aspect aussi « rangé  » que la vie de Nolan. Ce « Boulevard » manque de relief.

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