Véritable personnage et point d’ancrage du récit, « Aquarius » est le nom de l’immeuble où vit Clara, journaliste musicale à la retraite.
Seule dans un vaste appartement du bord de mer à Récife, elle y a accumulé, outre sa multitude de souvenirs dans ce lieu, une innombrable quantité d’objets, de disques et autres traces inertes et cependant vivaces de l’existence qu’elle y a menée.
L’immeuble est vide, seule cette femme résiste en lutte contre des promoteurs immobiliers bien décidés à la chasser de la résidence dont elle est la dernière habitante. Leur but est d’ériger à la place d’Aquarius une tour d’habitation grand luxe dont raffolent les rivages des grandes villes brésiliennes. Aussi Clara doit-elle subir les assauts insidieux d’un capitalisme sans valeurs morales, avec les visites à répétition d’un cynique et arrogant homme d’affaires qui perd toute notion de savoir-vivre et se comporte comme une bête affamée en utilisant les méthodes les plus douteuses.
« Aquarius » est un beau film de résistance, de révolte et de colère politique.
Une histoire de lutte jusqu’à la folie contre la caste de politiciens corrompus, de propriétaires, de promoteurs qui détruisent le Brésil, sa culture et son décor, au profit des plus riches.
Révélé il y a trois ans avec son merveilleux premier film « Les Bruits de Recife », Kléber Mendonça Filho se montre sensible à l’attachement à un lieu d’habitation.
Le déracinement est une épreuve rarement évoquée à cause de la difficulté à exprimer ce qui peut être alors ressenti. Tout est évocation pour Clara qui se retourne sur des moments de sa vie : l’ablation d’un sein à la suite d’un cancer, ses enfants lorsqu’ils étaient petits, et qui aujourd’hui la poussent à vendre et à aller en maison médicalisée. Mais elle ne se laisse pas bousculer, elle veut vivre pleinement et ne voit pas pourquoi elle quitterait le cadre de vie qu’elle aime.
Super star sexagénaire du cinéma brésilien, toujours aussi fascinante et magnétique avec sa beauté mûre, Sonia Braga est omniprésente à l’écran.
Elle s’impose dans une composition particulièrement spectaculaire de femme dure et intransigeante qui reste seule debout dans cet immeuble.
Comme son personnage, le cinéaste pense que la lutte doit continuer à tout prix pour éviter la désagrégation du lien social et les contrecoups violents du despotisme de l’argent. Le film avait commencé par la présence fantomatique de Recife en montrant des photos de la ville qui change en permanence avec la spéculation immobilière qui s’est emparée du Brésil ces dernières années. La destruction vient avec la question de la construction.
Le film s’achève sur un effet choc réjouissant pour le spectateur. Nous vous en laissons la surprise !