
En parallèle, le film s’attache à une adolescente amoureuse, élève dans le très patriotique pensionnat de la Légion d’honneur de la région parisienne. Toutes les nuits, elle rejoint en douce sa bande de copines dans la salle d’arts plastiques pour comploter à la lueur de bougies et se raconter d’étranges histoires. C’est elle qui introduira dans ce clan secret une Haïtienne, petite fille de Clairvius Narcisse, qui vit à Paris chez une tante, prêtresse des rites de vaudou. Notre jeune ado n’aura de cesse de pouvoir la rencontrer pour être libérée de cet amour envahissant, car elle se sent possédée par l’esprit du garçon qu’elle aime.
Réalisateur de « L’Apollonide » (2011), de « Saint-Laurent » (2014) et de « Nocturna » (2017), Bertand Bonello, que l’on suit avec attention, propose ce récit complexe et dense pour en faire un film surprenant.
Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du récent Festival de Cannes. « Zombi Child » venait donc s’ajouter à la longue liste de films avec zombis, fantômes et morts-vivants. Mais malgré le fil conducteur fictionnel, Bertand Bonello s’est attaché à un aspect documentaire ethnographique en revenant aux origines du mythe du vaudou. En fait, il a tenu à tourner à Haïti, sur les lieux mêmes de l’action, ne voulant pas recréer une cérémonie vaudou ailleurs. Il désirait aborder sa magie comme une vérité sans question de remise en cause de la réalité. Cette religion se construit sur un mélange de divers cultes animistes africains mêlé à un peu de christianisme, mais polythéiste comme chez les Grecs de l’Antiquité.

Parlant de l’esclavage, qui est aussi une façon de posséder l’autre, cette histoire de dépossession est donc politique, d’autant plus que la traite des Noirs a favorisé le capitalisme. Bertand Bonello n’en parle pas directement dans « Zombi Child » mais le colonialisme est là en pointillé.
Dans ce film sans star, bravo à Louise Labeque qui cherche à exorciser son douloureux chagrin d’amour, à Wislanda Louimat, la copine haïtienne et les autres qui interprètent admirablement la complicité entre filles à l’adolescence. Bravo aussi à Katiana Milfort qui incarne avec justesse la tante officiant ce rituel de dépossession vaudou qu’elle élimine avec des chants incantatoires.
Un film ensorcelant, et bien sûr envoûtant !
Caroline Boudet-Lefort