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Fin de cet événement Décembre 2015 - Date du 28 octobre 2015 au 1er décembre 2015

Notre petite soeur

De Hirokazu Kore-eda

Inspiré par un manga d’Akimi Yoshida , « Notre petite soeur » du cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda est une chronique familiale qui se déroule sur quatre saisons. Vivant dans la souffrance de l’abandon de leurs parents à l’adolescence, trois soeurs adultes recueillent, à la suite du décès du père, une jeune demi-soeur inconnue de 14 ans.

Héritier désigné d’Ozu, Hirokazu Kore-eda s’est toujours intéressé à la famille et plus particulièrement à l’enfance. Depuis une vingtaine d’années, il s’attache à montrer le quotidien de situations familiales complexes ou désespérantes, obligeant souvent les enfants à se prendre en charge face à des adultes démunis. Avec une grande douceur et des silences qui en disent long, il parle de personnes endeuillées, de familles recomposées, d’enfants abandonnés ou même cloîtrés. Il décrit avec finesse la vie de tous les jours et s’il ne résout pas les problèmes du quotidien, il les accepte avec humilité.

Dans ce nouvel opus, Hirokazu Kore-eda ne parvient pas à égaler « Still Walking ou « Nobody Knows » que nous avions particulièrement aimé, ni même « Air Doll ». En fait, tout le cinéma de ce réalisateur est passionnant et il faudrait citer chacun de ses films qui nous ont tant émus. Peut-être cette fois-ci s’est-il laissé piéger par un sentimentalisme tranquille avec une mise en scène sage et posée. Il prend le temps de dérouler son fil et de poser les uns à côté des autres les différents visages, les différentes silhouettes, les différentes vies. Pas d’esbroufe mais un fourmillement de détails justes qui se fondent avec l’ensemble présenté sous forme épurée. Rien n’est vraiment dit, mais certains regards et gestes minimes expriment un sentiment fort : une caresse fugitive, une main saisie... Les secrets refont surface et les rapports sont parfois difficiles dans ce film délicat et sensible qui questionne le poids de l’inné et de l’acquis.

Par sa venue, par sa présence, la « petite soeur » réunit la famille désunie. C’est son acceptation qui fournit l’essentiel du scénario sur ce groupe féminin replié dans un « entre soi » cotonneux qui, par sa fermeture au monde extérieur, ne laisse pas place aux hommes. Le mouvement narratif exprime le sentiment que l’auteur nourrit à l’égard de ses personnages et la mise en scène accompagne en douceur ce cheminement en donnant la sensation de la patience, du courage, de l’épreuve et de l’espoir.

Hirokazu Kore-eda est le cinéaste intimiste de la vie de famille et des changements de saisons. Il renonce à l’excès de drame et à l’excès d’action, pourtant il se dégage une tonicité de ceux qui sont parfaitement maîtres de leur art. On est sensible aux cadrages, aux couleurs et aux détails de ce portrait à quatre femmes toutes très belles et dont la grande dignité dans leur apparence physique semble faire partie de la beauté du paysage en s’y accordant à merveille.

Quelques personnages secondaires intéressants complètent le tableau et permettent d’assister à l’émergence de certaines vérités jurant avec les codes de politesse japonais. Le film est aussi l’histoire du père, de la mère de la « petite soeur », de la grand-mère et de tous ceux qui ne sont plus là, sinon dans l’évocation de leur souvenir à travers les dialogues. Comme l’une des soeurs va devenir mère, elle devient enfin capable de pardonner à leur mère qui a quitté le foyer familial pour mener une vie à batifoler entre deux rares retours éphémères.

Une douce mélancolie et les cerisiers en fleurs montrent des emblèmes d’une certaine idée du Japon de province à l’opposé de l’agitation de Tokyo. Sans doute est-ce un peu trop stéréotypé – ou idéalisé – pour la subtilité habituelle de ce réalisateur qui, cette année, est reparti de Cannes les mains vides. Habitué de la compétition cannoise, Hirokazu Kore-eda y a déjà obtenu le Prix du jury en 2013 pour « Tel père, tel fils » et le Prix d’interprétation masculine en 2004 pour « Nobody Knows » donné au plus jeune lauréat à qui le prix fut attribué.

Sortie en salles le 28 octobre 2015

Photo de Une : © Le Pacte

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