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Fin de cet événement Juin 2015 - Date du 27 mai 2015 au 30 juin 2015

L’ombre des femmes

La Quinzaine des Réalisateurs a fait son ouverture cette année à Cannes avec le nouveau film de Philippe Garrel, « L’ombre des femmes ». Il n’aurait pu être dans aucune compétition, risquant fort d’écraser toutes les autres oeuvres présentées.

L’OMBRE DES FEMMES - De Philippe Garrel

C’est un film parfait, efficace, court (1 h 13), pas une image en trop, pas un bla-bla inutile dans ce qui fut notre film préféré de tout le festival.

Soulignons aussitôt la beauté de l’image dans un superbe noir et blanc éclairé par Ronato Berta, la musique discrète de Jean-Louis Aubert comme une chanson sans paroles et la qualité de l’interprétation de trois acteurs magnifiques : Clotilde Courau, Stanislas Merhar et Lena Paugam, une nouvelle venue. L’utilisation de la voix off, souvent adoptée par Truffaut et Godard, ajoute un côté Nouvelle Vague, ici celle du comédien Louis Garrel, fils du réalisateur.

« L’ombre des femmes » est l’histoire d’un jeune couple vivant chichement dans un petit appartement parisien.

Lui est cinéaste documentariste (Stanislas Merhar, excellent en renfrogné égoïste), elle est son assistante (Clotilde Courau, épatante) et tous deux font des petits boulots alimentaires. Ensemble, ils travaillent à un film sur un ancien résistant qu’il interviewe tandis qu’elle est à la caméra. Par hasard, il fait la rencontre d’une charmante jeune femme (Lena Paugam, très bien), ce qui entraîne une relation charnelle clandestine le conduisant à s’embourber de plus en plus dans des mensonges. Il ne veut pas quitter l’une pour l’autre. Pour lui, le problème du choix ne se pose même pas. Il lui semble normal d’avoir une double vie, ce qui cause pourtant l’enlisement du couple.

Lena Paugam, Stanislas Merhar © SBS Distribution

L’ombre du titre serait-elle le rôle imposé aux femmes par les hommes ?

Celui d’assistantes, de mises en retrait dans la pénombre, d’effacement face au machisme latent qui perdure ? Ainsi, le résistant est un faux patriote qui s’est construit une vie héroïque. Une mystification qui ajoute encore une louchée sur le besoin qu’ont les hommes d’avoir une suprématie ou une reconnaissance valorisante à leurs yeux autant qu’à ceux des autres.

Les femmes, consciemment ou inconsciemment, ne sont pas dupes sachant supposer les comportements masculins : la vantardise du résistant est barrée par sa femme qui offre résolument des biscuits pour interrompre son récit qu’elle sait être faux. Ou encore l’épouse incarnée par Clotilde Courau qui affirme qu’il y a infidélité sous roche quand un mari offre des fleurs à sa femme, ce qui est le cas du sien. Sans maquillage ni bijou, cette actrice, devenue fort rare, est lumineuse, changeante, surprenante. Elle apporte quelque chose de très vif, de très vivant à son personnage.
Pour la première fois chez Garrel, il y a un suspense psychologique grâce à un scénario qui l’éloigne de toute improvisation. Pour l’écriture, il s’est adjoint Jean-Claude Carrière avec l’appui de deux femmes, Arlette Langmann et Caroline Deruas, ce qui a donné une égalité entre le personnage masculin et le personnage féminin quoiqu’en définitive le film soit en défense de la femme et à charge contre l’homme.

Stanislas Merhar © SBS Distribution

Le spectateur ne peut s’empêcher de rire en regardant ce film à la fois léger et amer sur la lâcheté masculine, sur l’homme qui trouve naturel de tromper sa femme sans même supposer - et surtout ne pas accepter - la réciproque.

C’est là que perdure une contradiction : les hommes et les femmes ne se parlent pas à égalité. Le cinéma est-il prêt à prendre cette question en charge ?

Sortie nationale en salles le MERCREDI 27 mai 2015

Photo de Une : Clotilde Courau, Stanislas Merhar © SBS Distribution

Artiste(s)

Philippe GARREL

Né le 6 avril 1948 (Paris - France) Fils du comédien Maurice Garrel, le jeune Philippe est très créatif durant son enfance. S’ennuyant à l’école, Garrel réalise à 13 ans son premier court métrage, Une plume pour Carole, qu’il détruit aussitôt. En 1964, il fait ses vrais débuts avec Les (…)

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