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RECETTE : La cuisine niçoise à la carte : Les Beignets de Pourpier de l’Abadie

Par Giordan de la Peppa et José Maria [1]

Nice possède un art culinaire particulier, pas suffisamment connu sur un plan international et parfois même par les locaux ou les visiteurs. De nombreuses recettes historiques ont été oubliées ; on se contente d’appeler « cuisine niçoise », la cuisine de la fin du XIXème siècle... Par ailleurs, Nice possède un grand patrimoine, lui aussi souvent délaissé, voire détruit. Les anciennes cartes postales dont l’âge d’or fût les années 1900-1920 sont là pour nous le rappeler. Pourquoi ne pas profiter de cet été pour en partager quelques aspects tout en se régalant avec une cuisine simple et originale ?

Les Beignets de Pourpier de l’Abadie [2]


Légende photo ci-dessus : L’église de l’Abadie au début du XXème siècle [3]

Le pourpier, la porcelena en niçois, voilà un grand oublié de la cuisine et de la culture niçoises. Les niçois, du temps des Grecs et des Romains en raffolaient. Ils en mangèrent pendant plus de 2000 ans jusqu’à l’arrivée des salades que l’on trouve aujourd’hui sur les marchés et dont la sélection s’est faite en Toscane à la Renaissance. Seuls quelques vieux niçois mélangeaient encore quelques branches de pourpier au mesclun (lou mesclun) pour le déguster en salade...

Pourtant la porcelena pousse à l’état naturel dans tout le bassin méditerranéen, pas besoin de la semer ! Si vous avez un petit jardin, elle poussera toute seule au milieu des tomates ou des autres salades. Elle peut sans problème se passer d’engrais et surtout de pesticides, elle a peu de prédateurs. Si vous n’avez qu’un balcon, arrosez quelques pots de terre pendant l’été, vous en aurez rapidement à disposition.

Plan de pourpier au bord du chemin à l’Abadie © A Giordan

Autrement, vous la trouverez en ballade, sur les collines de Nice, de Saint Pancrace à Saint Isidore, du Vinaigrier à la colline de Bellet. Cette plante s’accommode des sols les plus secs, tout en préférant quand même les terres légères et un peu arrosées. Il lui faut seulement du soleil.
Pour la reconnaître, cette plante annuelle d’été dispose de tiges dressées, ainsi que de petites feuilles rondes, très charnues, sans pétiole. Goûtez-les ; elles ont un goût légèrement acidulé.

Petite tige de pourpier © A Giordan

Non seulement, la porcelena est économe, mais en plus elle possède beaucoup de vertus diététiques. Les Crétois ne l’ont jamais abandonnée ; elle fait partie d’ailleurs de leur célèbre régime car la feuille de pourpier est très riche en oligo-éléments : potassium, magnésium et calcium. Elle a autant de vitamine C qu’une framboise fraîche, beaucoup plus qu’une pomme, sans oublier ces apports en diverses vitamines du groupe B. Prime sur le gâteau, le pourpier est réputé pour ses acides gras oméga 3 et ses composés phénoliques qui ont des activités anti-oxydantes ou anxiolytiques [4], signes de bonne et longue vie !

Les niçois, et les amoureux de Nice, se doivent de retrouver leurs racines, en mettant de nouveau sur leurs tables cette porcelena. D’autant plus qu’il est très facile de la cuisiner, et de multiples façons. Faites-en un excellent potage pour commencer. Vous pouvez également la faire sauter à la poêle (2 à 4 minutes) et la déguster comme des épinards en accompagnement d’une viande. Pensez à en faire des omelettes avec un peu de romarin, de thym ou de marjolaine.
Le pourpier peut être encore confit au vinaigre de vin, comme des câpres, toujours en accompagnement de viande ou en association avec différentes sauces. Mais pour commencer, pourquoi ne pas faire des beignets pour vos apéritifs au champagne ou mieux au rosé de Provence. Laissez tomber les cacahuètes et autres crackers !

Production sauvage de pourpier au milieu d’une culture de tomates © A Giordan

Beignets de pourpier de l’Abadie

Mon marché (pour 4 personnes)
- 100 grammes de pourpier [5]
- 50 grammes de farine
- 2 centilitres de bière
- huile d’arachide
- huile d’olive

Ma préparation : 10 minutes
Repos : 1 heure (pour la pâte)
Cuisson : 5 minutes (par série de beignets)

Je cuisine
Je prépare d’abord une pâte à beignets.
Je verse la farine, je fais un "puits" au milieu et j’ajoute 1 centilitre de bière.
Je mélange le tout et progressivement, toujours en tournant, j’ajoute le reste de bière sans avoir une pâte trop liquide.
Je laisse tomber une à une dans la pâte les branches de pourpier, coupées en morceaux de 3 à 5 centimètres.
Je les sors et je les fais frire dans l’huile d’arachide avec un peu d’huile d’olive, sans aucun autre condiment.

Les conseils de Giordan de la Peppa et de José Maria
Si vous ne connaissez pas cette salade, commencez par la goûter en petite quantité et très rapidement vous l’apprécierez.

Salez très peu, vous y perdriez le goût propre à cette salade.
Vous pouvez ajouter un œuf dans la pâte, mais ce n’est pas indispensable. Si vous n’aimez pas la bière, la pâte peut être faite avec de la farine, de l’eau et de la levure alsacienne (ou du bicarbonate tout simplement).
Deux points toujours importants :
- bien laisser reposer la pâte,
- plonger le pourpier avec sa pâte dans l’huile très chaude, mais pas dans l’huile d’olive. Elle supporte mal la chaleur (pas bon sur le plan diététique). Prendre plutôt de l’huile de colza ou d’arachide, et mettre un filet d’huile d’olive pour la saveur.

La vallée du Magnan (la Madeleine) et la colline de Bellet

Pour en savoir plus : à sortir en octobre 2013

(1) Giordan de la Peppa et José Maria sont deux niçois de longue souche, fins connaisseurs de la cuisine niçoise en particulier, mais pas seulement… de la culture et du patrimoine de Nice en général. Ils ont publié notamment Et vive la cuisine niçoise ! Et vive le pilou ou encore Nice à la Belle époque et animent avec d’autres passionnés de Nice l’association Nissa Pilo.
(2) Binhetas de porcelana de l’Abadia. L’Abadia, (l’Abadie ou l’Abbaye en niçois) fut une colline longtemps délaissée, depuis la Révolution française, entre l’Observatoire et Rimiez. Quatre communes se partagent son territoire : Nice, Saint André de la Roche, Tourrette Levens et Cantaron. Aujourd’hui, elle retrouve son lustre du Moyen-âge, du temps où elle était une puissante abbaye, dépendance de l’Abbaye de Saint Pons. Par sa proximité avec l’autoroute et Monaco ou Sophia-Antipolis, de magnifiques habitations s’y implantent de nos jours. Il reste encore un petit effort à faire pour harmoniser les clôtures et fleurir les alentours…
(3) Toutes les cartes postales de cette série de recettes proviennent de la Collection José Maria, par ailleurs président du club cartophile de Nice et des Alpes-Maritimes.
(4) Elle peut même jouer un rôle dans la prévention du diabète de type 2.
(5) Si vous n’osez pas aller le ramasser, vous pouvez en trouver maintenant au marché de la Libération à Nice. Depuis 20 ans, nous nous battons pour faire connaître aux niçois cette salade par nos conférences, nos dégustations ou nos livres. Quelques agriculteurs nous ont suivis.

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