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Portrait d’artiste : Dominique Landucci

Sa famille originaire d’Ombrie et de Toscane en plein cœur de l’Italie arrive en 1952 à Carros village chez une tante mariée au facteur du village. Dominique naît en 1955, son père, alors ouvrier agricole, se spécialisera ensuite dans la culture de l’œillet niçois.

Depuis l’enfance, Dominique adore dessiner. À l’âge de sept ans, après avoir eu une rougeole, il tombe malade d’une jaunisse (autre maladie de peintre), l’obligeant à rester à la maison plusieurs semaines. Il met à profit ce premier confinement pour recopier tous les animaux du dictionnaire « Petit Larousse Illustré » en pages centrales.

©Landucci

Les bateaux, pourtant très loin de son univers, l’inspirent. Récemment, il a retrouvé un dessin d’un beau bateau à voile réalisé à l’école maternelle. «  La mer, dit-il, est l’élément horizontal, le mât, le vertical et la voile, la courbe ». Tous les ingrédients du dessin et de la composition se retrouvent dans la verticale, l’horizontale et la courbe qui crée le mouvement.
La musique aussi fait partie de son univers. Dans sa famille de musiciens populaires, il apprend à jouer de la guitare, du violon, de l’accordéon, de la guimbarde. Pour lui, la musique et la peinture se répondent, se complètent : silences, harmonies parallèles, tonalités, dissonances, pause, demi pause et autre contrepoint. La peinture, comme la musique, doit sonner, avoir un rythme. Il passe aisément d’une activité à l’autre, quelquefois pour dépasser des blocages momentanés.

Lors de ses études au lycée des Eucalyptus à Nice, il est sensibilisé à l’art et découvre les univers picturaux de Riopelle, Hartung, Karel Appel, des peintres aux marges de la figuration qui l’intéressent. Il visite aussi la Fondation Maeght à Saint Paul de Vence qui vient d’ouvrir.

Jeune homme très actif, travailleur, pour être indépendant, il se fait musicien de rue, manutentionnaire et déménageur.

Ce dernier métier lui fait rencontrer Picasso pour lequel son employeur, la Compagnie Générale des Transports, travaille, expédiant ses œuvres pour des expositions comme celle du Palais des Papes à Avignon en 1972. À cette occasion, il participe à l’emballage et au transport des œuvres de cette exposition. Picasso lui fera deux révélations inattendues : « la meilleure école est de copier tout le monde » et «  si j’étais plus jeune je ferai de la bande dessinée ».

Sa passion de l’écriture et de la peinture le poussent vers les Beaux-Arts, mais pour son père, devenir peintre n’est pas un métier, aussi il s’inscrit à l’Ecole d’Art et d’Architecture de Luminy à Marseille.
Au décès de Picasso mort en 1973, il participe toujours en tant que déménageur à l’inventaire de l’héritage sous les ordres de Maître Rheims, à qui il montre une de ses premières peintures. Maître Rheims l’encouragea à continuer.

Dans l’atelier de Picasso, il comprend qu’être peintre est une façon de vivre et c’est ce qu’il veut, et tout de suite.

©Landucci

Il décide de tout quitter pour faire de la peinture au grand désespoir de ses parents, de son père surtout qui ne le comprend pas.
Il réunit quelques affaires et dit à son frère : « Je m’en vais peindre ». Avec sa boîte de peinture et un violon qu’il vient d’acheter, il n’a besoin de rien d’autre.

©Landucci

Il part dans en Vendée retrouver Martine en octobre 1974, sa petite amie rencontrée quand il chantait dans un bar à Villeneuve Loubet alors qu’il faisait la manche pour mettre de la margarine dans les épinards. Son contrechant l’avait séduit. Jeune professeur d’éducation physique demandant le sud de la France, elle avait été proposée pour un poste en sud Loire en pleine Vendée profonde.
L’arrachement, l’éloignement sont très forts, il souffre, mais il n’a pas le temps de pleurer. Il se consacre à l’art, un Art total, mêlant musique, animations, peinture.
Il survit difficilement, peint des toiles expressionnistes à la manière de Van Gogh, des paysages avec des vaches, des foins. Ses toiles sont couvertes d’éclats, d’éclaboussures, de scintillements de couleurs, la peinture dominant toujours la forme.
Sa série sur les animaux de ferme et ses dessins des vaches plaît. Le Crédit Agricole de Vendée devient son sponsor. En 1983 Le Crédit Agricole distribue gratuitement à 42 000 exemplaires un calendrier géant où sont reproduites six toiles de Dominique de sa période vendéenne et rurale. Cette série est exposée dans les locaux de nombreux Crédits Agricoles de l’Ouest et le fait connaître.
A partir de cette année-là, les propositions d’expositions se multiplient.

Il vit avec Martine, s’enracine, l’enfant du « païs nissart » devient Vendéen, il prend l’accent du pays. Il est adopté, intégré.

À partir des années 80, de nouvelles séries naissent : Chantiers, Cafés, Scribes, Jazz, puis une belle série de Saint Georges terrassant le dragon, chacune racontant nécessairement quelque chose de sa vie. Elles se succèdent tous les dix à dix-huit mois. Elles ont en commun une vivacité colorée où l’énergie, la musicalité, le rythme dominent. Elles s’épuisent quand des rencontres et des envies nouvelles lui ouvrent de nouveaux horizons de nouvelles pistes de nouvelles voies inattendues.

Après dix ans en Vendée, le besoin de retour aux sources se fait sentir.

En 1985, il revient à Carros avec Martine et ses deux enfants encore très jeunes. Martine, professeur de Gymnastique, obtient un poste à Nice, au collège Port Lympia.
Il renoue avec ses parents, son père qui a fini par accepter son « devenir peintre » lui propose même de l’aider si nécessaire. Dominique s’autorise alors à signer de son nom et non plus de Doumé, son pseudo d’artiste de jeunesse.
Il achète un atelier à Carros, revisite la Figuration Narrative avec des peintres comme Klasen Arroyo, Télémaque, Cremonini. Des galeries s’intéressent à lui : Katia Granoff à Paris et Carpe Diem le prennent en contrat. Il rencontre Madame Germain, responsable de la Galerie AO à Antibes où il expose à partir de 1986. On l’associe à Adami, Velikovitch, Ozenfant.

©Landucci

Les séries se poursuivent : La Suite Anticyclonique de 1989 lui fait rechercher, dans la physique quantique, l’importance du vide et de ses interactions et donc, dans sa traduction picturale, l’importance du rien. Le blanc s’impose alors dans sa palette : ses toiles blanchissent, le sujet s’efface.
En 1990, il se brûle au sujet et brûle carrément le sujet avec sa nouvelle série des « Mythes du Feu » inspiré par Gaston Bachelard. Ses poumons fatigués par les vapeurs de la peinture à l’huile, il doit passer à l’acrylique.

Après le feu, l’eau : dans sa série « l’Onde des Jours » de 1991, la matière s’allège, devient plus liquide et transparente.

Une visite d’une exposition de Kandinsky et de Miró à Paris en 1993, va donner à sa peinture une nouvelle direction plus libre et abstraite, plus colorée et jubilatoire, plus radicale et matiériste.
En 1992, Il prend un grand atelier de 400 m2 dans la zone industrielle du Broc, se diversifie en réalisant des décors de théâtre, des fonds de scène pour des festivals, des commandes pour l’événementiel.
Parallèlement, il continue ses séries de peintures toute la dernière décennie du siècle dernier : « Monts de Vénus - 1992 », le « Nombrilades – 1993 », les « Apparitions -1993 », « Chrysalides -1994 », « TOR Victor » et la « Fé di biou » en 1996-97-98 autour du thème de la tauromachie, des traditions camarguaises.

Avec les Corridas sanglantes, sa peinture est au cœur de la couleur et du scintillement de la lumière.
Réapparaissent alors les animaux : les vaches et les charolais vendéens ont cédé la place au taureau et aux vachettes camarguaises. Le taureau sort toujours vainqueur de ses combats comme dans la chanson de Cabrel qui l’inspira. « Ce monde est-il sérieux ? ».
Dominique conclura ce millénaire sans se prendre au sérieux avec cette dernière série « Les Epourails - 1999/2000 » (des épouvantails en parlange vendéen) peints pour chasser toutes les peurs de fin de siècle.
Avec cette série très ludique et très lucrative car elle plait beaucoup, il fait « l’Inventaire de tout ce qu’il sait faire en peinture ».
En 1998, après la Coupe du Monde, le marché de l’Art qui s’était effondré, curieusement comme tous les autres secteurs de l’activité économiques, reprend. Il expose à Lunel, en Camargue, aux Sables d’Olonne, à New York, à Montréal, à Chartres, en Suisse, en Allemagne, en Hollande, en Inde, au Haut Karabakh entre autres.
Les formes, les styles de ses dernières séries « Les chimères - 2001 », les « Rêveries et Rivages - 2003 », les « Passages - 2005 », les « Ecrimages - 2008 » les « répétitions - 2010 », sont autant de jalons sur sa longue route qui est plutôt un large chemin de campagne, un sentier de montagne, un routin hors de routines, des chemins de traverse hors des sentiers battus. Landucci est un peintre de grands chemins.

L’année 2005, il obtient la consécration de son village : une exposition rétrospective est organisée au CIAC - Centre International d’Art Contemporain - dans le superbe château de Carros qui vient d’être complètement réhabilité et essentiellement destiné à l’art contemporain.

Alors que les ateliers pour enfants, le théâtre de rues, la musique, les performances, les grandes fresques murales s’enchaînent, une rencontre importante se fait avec le numérique au début de ce nouveau millénaire. Comme pour toutes ses activités, il se donne à fond, apprend à se servir de logiciels complexes. Il devient scénariste, concepteur de spectacles grandioses comme « LUX SALINA » à la Saline Royale d’Arc-et-Senans entre Doubs et Jura en pleine Franche Comté. Ce spectacle visuel fait d’images, de musique et de théâtre retrace les différentes périodes de l’histoire de la Saline Royale (du dix-huitième siècle à nos jours) en sept tableaux vivants. Ce grand spectacle poétique et décalé rassemble tous les soirs plus de cent figurants à chaque représentation. Ce spectacle initié en 2016, avec la participation de Bruno Coulais pour la musique, création originale, et de Daniel Mesguich dans le rôle de Claude Nicolas Ledoux l’architecte concepteur de la Saline Royale, continue tous les étés à être représenté tous le mois de Juillet et août en nocturne.
Performance peinture accompagnant la IXème symphonie de Beethoven interprétée en plein air dans la cour de la Saline Royale par l’orchestre des Nations dirigé par Jordi Saval et le Chœur de Franche Comté. Les œuvres de Dominique ont été projetées en grand sur la façade de la Saline Royale en mapping images et vidéos le 28 aout 2021.
Exposition de ses œuvres a eu lieu tout l’été à la Galerie du Carré Claude Nicolas à Arc et Senans dans le Doubs.

En dehors des dogmes, des routines, des habitudes, des écoles et des mouvements (même s’il suit de très près tout ce qui se passe dans le domaine de la création contemporaine et de l’art en général) Dominique Landucci poursuit son rêve d’un art total et généreux, si cher à Jean Vilar, accessible et s’adressant à tous, d’un art qui, à son image, excède ses propres limites pour créer le tourbillon et le vertige comme extase suprême pour tenter l’essentiel et échapper à l’insignifiant. Il répète souvent que « Sans instant magique, la vie n’est que quotidien ».

Il a fait de son art en quarante-cinq ans, une manière de vivre magique, qui se voit sans être décrite.

Ses œuvres sont visibles à son atelier de la FORGE à l’entrée du village de Carros.
Visiter son site : www.landucci.fr
Prendre rendez-vous au 06 10 26 54 42

©Landucci

Photo de une (détail) ©Landucci

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