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EXPOSITION : Misia, reine de Paris

Adaptée à l’espace du Musée Bonnard, l’exposition Misia, Reine de Paris, présentée cet été au musée d’Orsay, est reprise jusqu’au 6 janvier 2013 au Cannet.

C’est la première fois qu’une exposition est consacrée à une muse des temps modernes qui n’a laissé que son prénom à l’histoire. Misia Godebska (1872-1950), jeune polonaise, lancée à la conquête de Paris à moins de vingt ans, n’a rien créé elle-même. Pourtant, elle s’impose à une époque où la célébrité s’inscrit au masculin et, pendant une longue période, elle présida aux destinées de l’art, du goût et de la mode.

Pierre Bonnard, Affiche pour la Revue blanche, 1891, Le Cannet, Musée Bonnard
© Adagp, Paris 2012 © Yves Inchierman


Personnage avant-gardiste et subversive, Misia possède le don de faire tourner les têtes de tous les hommes qui l’entourent. Dès sa jeunesse, elle avait envisagé sa vie sous le signe de l’audace, de l’émotion et de la passion. Libre, charmeuse, dominatrice et magnétique, Misia a été l’amie et la muse de nombreux peintres et personnalités du monde des arts, faisant aussi autorité dans les domaines musical et littéraire. Le rôle artistique et culturel qu’elle joua, dans le Paris de la Belle Epoque et des années folles, fut si important qu’elle acquis ce glorieux titre de « reine de Paris », titre repris par l’exposition.
Dès son premier mariage, en 1893, avec Thadée Nathanson, directeur de la Revue Blanche, Misia a pu mesurer son ascendant d’égérie sur les créateurs familiers de son salon parisien. Régentant une cour de peintres que sa beauté sensuelle subjugue, elle joue la coquette en se refusant. Elle a fasciné, inspiré et soutenu des artistes tels que Renoir, Valloton, Toulouse-Lautrec, Bonnard,.... C’est Vuillard, timide et très amoureux d’elle, qui en a le plus souffert de son rejet. Nombreux sont les peintres qui la prirent pour modèles, ainsi fut-elle certainement le femme la plus « portraiturée » de son temps.

Édouard Vuillard, Misia dans un bois, Paris, collection Anisabelle Berès-Montanari
© RMN (musée d’Orsay) / Patrice Schmidt


Sa personnalité et son charme irrésistible ont conquis aussi bien des peintres que des écrivains comme Mallarmé, Cocteau, Reverdy ou Paul Morand auxquels elle inspira des personnages littéraires. Elle-même pianiste de talent, - Liszt a encouragé ses dons et elle fut l’élève de Gabriel Fauré – Misia s’entoure aussi de musiciens. Ravel, Poulenc, Satie, Stravinsky furent ses amis et elle aida généreusement Diaghilev pour les Ballets Russes. Mais sa plus fidèle amie fut certainement Coco Chanel qui lui resta fidèle jusqu’à sa mort. Son influence et sa prodigalité furent telles, pour le développement des arts, qu’elle était devenue une vraie « magicienne » qui « fait et défait » les artistes.
Son second mariage, avec un magnat de la presse, Alfred Edwards, la rendit richissime, ce qui lui permit cette générosité, enfin elle se maria, après douze ans de vie commune, avec José Maria Sert, peintre catalan reconnu. Mais restée seule, après son troisième divorce, elle erra chaque hiver à Venise à demi aveugle, adonnée à la drogue, avant de s’éteindre à Paris avec, seulement, Coco Chanel auprès d’elle.
C’est à travers des correspondances, des photographies et de magnifiques peintures, que l’exposition du musée Bonnard retrace sa vie de femme d’influence. Une partie est consacrée au cercle de la Revue Blanche, et une autre met l’accent sur la Belle Epoque et les nombreux d’artistes qui l’entouraient. Depuis un siècle, Misia fait rêver par les portraits et les partitions uniques qu’elle inspira aux peintres, écrivains et musiciens de son époque. « Reine de Paris », certes, mais sans doute aussi, au moins un temps, « reine du Cannet ».

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