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CHAPITRE 26 : Madi, Mouvement initiatique ? - Chronique réalisée par France Delville pour Art Côte d’Azur

Michel Jouët, le seul artiste cholétais faisant partie de l’exposition « Madi, Carmelo Arden Quin & Co »

couverture du catalogue de l’exposition

au Musée d’Art et d’Histoire de Cholet dont le vernissage a eu lieu ce 16 juin dernier m’a avoué avoir être frappé par l’ambiance particulièrement chaleureuse et passionnée de la manifestation, une sorte de complicité régnant autour d’un état d’esprit qui s’appelle « madi ».

C’est aussi à cause de nombreuses retrouvailles, des « gens de madi » éparpillés géographiquement qui se trouvaient réunis, échangeaient des impressions et des documents. ainsi Michel Jouët, dont l’atelier sera montré dans le chapitre 27, et Piergiorgio Zangara, madiste milanais, se sont particulièrement réjouis de la présence d’Alexandre de la Salle, qui, dans sa galerie des Alpes-Maritimes, à partir des années 70, a accueilli Carmelo Arden Quin et MADI, pour relancer leur éclat. Et ils se sont réjouis tout autant de la présence de Catherine Topall, directrice du Centre Orion (Paris) qui fut le dernier « Centre d’Etudes et de Recherches MADI », pour le plus grand bonheur d’Arden Quin. Même Bolivar était présent, ce jour-là il n’était pas en Argentine auprès de Sofia Arden Quin, la dernière épouse de Carmelo, pour l’aider à refonder un mouvement Madi argentin. Bolivar est l’un des garants vivants de l’esprit MADI, ayant vécu ces dernières décades auprès d’Arden Quin, jusqu’à la fin.
Et c’est un tableau de Bolivar

tableau de Bolivar dans le catalogue de l’exposition de Cholet

qui illustre le texte de Matteo Galbiati dans le catalogue de l’exposition, texte que le critique d’art italien avait écrit pour l’exposition « Le teorie del Madi » organisée par l’Association « Arte Madi Italia » à « Scoglio di quarto », Milan, sous la direction de Gabriella Brembati en 2008, et dont j’ai donné un témoignage filmé dans un chapitre précédent, j’en profite pour dire que le film « Le teorie del Madi » est de Ennio Gilardi et non de Matteo Galbiati lui-même, comme je l’avais cru..

Bolivar

Le soir du vernissage à Cholet, Bolivar est venu me trouver en disant : « Je suis trop ému par cette exposition pour parler, et je voudrais exprimer les choses autrement, je voudrais les mimer ». Alors bien sûr j’ai dirigé ma caméra vers ce qu’il s’est mis à faire, silencieusement, et puis je me suis souvenue du titre d’un texte de Claude Dorval dans le catalogue de l’exposition « Bolivar, vers une nouvelle rationalité » à la galerie Arte Struktura de Milan en mars 1994. Claude Dorval, sa galeriste parisienne avait titré : « Bolivar, le secret de ces non-dits ». Bolivar et le secret, Bolivar et le silence m’ont encore menée plus loin, vers les rives premières de Madi, vers les danses Madi que des danseuses, Renate Schottelius et Paulina Ossona, avaient dansées, chorégraphiées par Arden Quin. Mais j’y reviendrai. Le texte de Claude Dorval a le mérite supplémentaire de faire résonner une fois de plus cette bi-polarité que l’on retrouve presque emblématiquement dans la filiation Torres-Garcia/Arden Quin/Bolivar, et qui tournerait autour de l’idée qu’ils sont trois « êtres de la Frontière ». Elle écrit : « A mi chemin entre deux mondes, à cheval entre deux civilisations, Bolivar est né en Uruguay en 1932 à un moment où les peuples préservaient encore jalousement leur identité. De sang mêlé, indien et européen, Bolivar porte en lui la trace de ses ancêtres en une expression aujourd’hui inscrite dans la modernité. Ses structures sur bois en particulier, miniatures aux couleurs chaudes et denses, comme repliées vers l’intérieur, renferment en elles un certain silence,

Bolivar, 1999

le secret de ces non dits qui, à travers le temps, recèlent le culte du sacré. Par ailleurs, l’œuvre de Bolivar se situe dans une modernité rationnelle, émanée d’une société industrielle et technologique. N’est il point, au sein du « Mouvement MADI » l’un de ses membres les plus actifs ? L’un de ces artistes qui ont su réaliser en art ce qu’il est convenu d’appeler l’expression de la liberté. Liberté de rompre avec la tradition classique de la peinture circonscrite à l’intérieur du carré ou du rectangle. Cette vision, orientée vers le futur, prenant pour fondement la modernité, incite à l’expansion de l’œuvre, à l’aménagement dans l’espace de structures monumentales. Peintures sur bois ou sur toile, reliefs et sculptures s’organisent selon des critères de rigueur avec, en plus, une approche empreinte de mémoire, donnant libre cours à l’invention. Sensibilité et vigueur, authenticité et personnalité se côtoient avec audace dans la mise en œuvre de nouveaux rapports de plans décalés et de couleurs quasi tectoniques. Ses investigations, toujours plus avant, tendent ardemment, dans un esprit de simplification, vers de nouvelles richesses de langage où lignes et couleurs, plans et organisation sont les facteurs essentiels d’une forme attachée au traitement de la spatialité. (Claude Dorval, Paris, janvier 1994).

Bolivar : vers une nouvelle rationalité ?

Marcel Galerneau avait écrit l’année précédente, sous le titre « Bolivar : au-delà du carré »,

couverture d’un catalogue pour les expositions Bolivar à la « Durban Segnini à Miami et à Caracas en 2005

un texte qui débutait par une nécessaire poésie tellurique : « Salto Uruguay, là où la terre joue de toutes les nuances de l’ocre, ou les façades éclatent de blancheur, où les lignes indigo, aux fenêtres, flottent. Là sont les couleurs et l’harmonie, sans anecdote, sans nostalgie, pour le simple plaisir de l’œil. Les terres : tous les ocres, les outremer, les noirs, et l’espace candide ; la présence, rendue plus sensible par les tons assourdis, et l’aérienne absence ; des quadrilatères, dont les conjugaisons défient toute la rigueur des normes picturales. Tel est le monde, telle est l’œuvre de Bolivar, dans sa joie austère, dans sa liberté fille d’une stricte discipline. Une œuvre forte, car Bolivar a été à la bonne école. Torres Garcia, MADI, voilà des références, des rencontres, qui permettent à un créateur de pousser très loin, et hardiment, sa recherche. Par Torres Garcia, dont il a suivi l’enseignement, il est entré dans la modernité. De MADI, il a appris le refus de considérer la toile comme une simple fenêtre à travers quoi apparaît le fait pictural. Sa toile faite forme, fait pictural en soi, par des plans subtilement décalés, des oppositions de couleurs, de plein, de vide, et la mise en œuvre de nouveaux rapports. Riche de tout ce savoir, Bolivar choisit, dès ses trente ans, de venir en France. Tout en exposant régulièrement, il s’essaie à maintes expériences, maintes recherches, socle indispensable à ses avancées de plasticien. Il n’est pas étonnant qu’il s’inscrive aujourd’hui dans le mouvement MADI, et que sa volonté novatrice s’y exerce sans entrave. Aller au delà du carré, au-¬delà de la toile, Bolivar y songeait depuis bien longtemps. Il a sauté le pas, et ouvert de nouvelles pistes. Au delà du carré, au delà de la toile, dans la jubilation de l’acte de peindre, l’œuvre de Bolivar est novation, et beauté, certitude, et expérimentation inces¬sante. Elle est forte de l’ancrage à sa tradition et de la sensibilité contemporaine, la vraie, celle qui voit toujours quelques pas en avant. (Marcel Galerneau, Paris, avril 1993).

Et Jean Claude Marcadé, historien d’art, à Paris, en mars 1989 avait déjà prononcé à propos de Bolivar le terme de « secret », alors que le titre « La gravité de Bolivar » en rajoute avec une idée de « poids », poids alchimique, densité plutôt que « tristesse », encore que le visage de Bolivar durant son « Hommage à Arden Quin » ait été empreint d’une belle mélancolie, mais le deuil fait partie du culte des ancêtres, qui n’est pas une partie de plaisir, qui a l’avantage de remettre en ordre les « forces ». Madi serait-il étranger aux rites de passage ? Sûrement pas. Alors Jean-Claude Marcadé aussi nous faisait faire un voyage d’initié dans les arcanes bolivaresques : « A un moment où les nouveaux philistins mettent en accusation l’Abstraction, sous prétexte de s’attaquer à une « modernité » ou à une « avant garde » dont ils feignent d’ignorer ce qu’elles sont ou ont été face aux sirènes sempiternelles de l’hédonisme individualiste petit bourgeois, il est plus courageux que jamais de fuir l’anecdotique, l’apparence, l’imageaille pour ne faire vivre que la nudité des structures colorées, des plans ordonnés, en somme le pictural pur. Mais dure est la condition de l’artiste qui ne dévie pas de cette voie royale où le monde se manifeste dans son être ; le plus secret, dans ce Rythme aux mille facettes dont tout est fait. Le rythme de Bolivar est tout de gravité. Ses toiles, ses aquarelles, ses bois aux combinaisons de formats inédits, sont des constructions de monochromes. Chaque unité colorée est traitée avec une science raffinée qui évite tous les écueils de l’illusionnisme esthétisant pour ne faire apparaître que des teintes aux nuances colorées complexes. Ce rythme là est comme le repos qui succède aux combats, le lieu où se concilient les batailles de couleurs. Un site de paix, un havre. Et l’on ne dira pas en voyant de telles œuvres que l’Abstraction est de « l’art pour l’art » : si elles ne font aucune autre référence qu’au pictural lui même, celui ci ¬n’a t il pas, dans son rythme même, des connivences évidentes avec le rythme de notre corps, de la vie, du monde ? Simplement ces œuvres ont l’ambition de saisir ces mouvements les plus essentiels sans les intermédiaires d’un sensible terriblement grevé d’inauthenticité. La pureté que l’abstraction de Bolivar fait sourdre est celle que l’on rencontre dans l’art populaire de l’Amérique du Sud, en particulier de son pays l’Uruguay. La gravité de l’art de Bolivar vient de cet art de probité et de candeur. Et comme la gamme colorée alternant les blancs lumineux et les teintes rauques de terre est proche des tissages sud américains ! Ainsi, en Bolivar se conjuguent la tradition la plus moderne qui soit, celle de la peinture construite (dont Cézanne est l’ancêtre dans la peinture européenne « civilisée »), celle du cubisme, du suprématisme et du constructivisme, celle aussi de ses compatriotes Torres Garcia et Arden Quin et les impulsions de la création la plus instinctive. Je vois même dans la façon dont Bolivar distribue les unités colorées sur la surface de ses tableaux ou combine les formes quadrangulaires monochromes dans ses tableaux objets, une gestualité semblable à celle de ses ancêtres assemblant en un tout harmonieux les éléments les plus divers pour tous les objets de l’environnement quotidien. Si dans le milieu parisien où se déroule l’œuvre si cohérente et déjà si magistrale de Bolivar la fonctionnalité utilitariste des arts populaires n’a pas de raison d’être, en revanche chaque objet peint par lui a une fonction de pacification de tout l’être. Refusant toute gesticulation et agitation, l’œuvre de Bolivar se recueille et nous appelle à une ascèse rigoureuse et sans complaisance de la vision. (Jean-Claude Marcadé, Paris, mars 1989).

Bolivar dans « MADI/maintenant », à Saint-Paul

Quant à Bolivar lui-même, exposé à la Galerie Alexandre de la Salle à partir des années 80,

exposition à la Galerie de la Salle, tableau de Bolivar avec sculptures de Presta et Piemonti

il écrivit, à Savigny-sur-Orge, chez Carmelo Arden Quin, le 5 février 2000, à propos du fait qu’Alexandre de la Salle se séparait de sa galerie : « Dommage. Car nous nous étions habitués à un lieu de rencontres, point de convergence heureuse entre objet qui sort de l’atelier et regard de l’amateur, vitrine rond-point vers laquelle nous allions pour montrer mais aussi pour découvrir. Un site, un lieu de communication, d’amitié au sein de la profession, lieu de savoir-faire aussi, tout simplement, dans le quotidien de l’art. Alex n’est pas un marchand à proprement parler : je dirais plutôt qu’il est un alchimiste des temps modernes, qui, avec beaucoup de zèle, fort de son odorat et de son regard perçants, subodore l’authenticité et repère l’objet à sa vibration dans l’espace. Alex est le fier défenseur d’un art issu de la connaissance faisant appel à la réflexion et, peut-être pour cela même, plus lent mais plus fort et plus sûr. C’est-à-dire en général l’art géométrique, l’art abstrait, concret, construit, et tout particulièrement l’art MADI, chemin difficile mais plein d’avenir, car nous ne sommes qu’au début d’une longue aventure appelée à devenir séculaire. Je ne peux que souhaiter à Alex que de nouveaux lieux confirment les prémisses qui ont orienté sa démarche jusqu’ici sur un tracé qui s’est avéré juste dans son choix. (Bolivar, Savigny-sur-Orge, 5 février 2000).

En 1989, Arden Quin lui-même avait écrit pour l’exposition Bolivar au Centre Latino-Américain de Paris : « Si l’on veut ouvrir de nouvelles voies à la géométrisation picturale, peut-on continuer à subir la contrainte du support orthogonal ? Et bien c’est là qu’intervient la principale des prémisses Madi, et c’est là où prend corps la nouvelle démarche plastique de Bolivar, qui l’amène à réorganiser la couleur sur d’autres surfaces que celle classique de l’unité-rectangle. La surface, il la bouleverse, la diversifie, et cela peut se faire à l’infini, ne serait-ce qu’en déplaçant d’un degré à chaque fois les rapports de proportions des formes. (...) Un second aspect de sa plastique, ce sont les valeurs ; il amoindrit ou rehausse les tons pour mieux les harmoniser avec les teintes des plans voisins, le tout servi par la rigueur et la sobriété de la juxtaposition (...) Un autre aspect encore est celui qui touche au problème de la monochromie. (...) Bolivar avec ses formes planes, blanches, unicolores, pose le problème autrement, et l’on peut dire que maintenant oui le monochrome prend forme. Pour cela la démarche de Bolivar est exemplaire. (Arden Quin, 1989). Et Avida Ripolin : … Chez Bolivar, les plans s’organisent à leur guise, dépassent, glissent, insultent les habituels équilibres. Où donc est l’intérieur, l’extérieur ? Grenades à l’intérieur d’un gant de velours, décapantes formes lovées sous un matériau d’une richesse de minerai poli. Discrétion des riches couleurs, tamisé des contrastes, maîtrise des valeurs, finesse du poser, poli de cire, subtilité lisse. Au-delà d’une recherche d’objectivité, l’art peut-il éviter le « corps-à-corps avec l’expression » ? Et sur ce thème, du sens inévitable, qui est celui d’un rapport profond à l’objet (ces objets forment un cercle éblouissant, la conscience), qui est la visée d’un dire sur « l’autre », à quel objet secret, connu de lui seul, semble se rattacher la danse de Bolivar ?
Si l’on se réfère au Catalogue raisonné des œuvres de Carmelo Arden Quin (1935-1958) édité par Alexandre de la Salle, les documents mentionnent les danseuses Renate Schottelius et Paulina Ossona participant aux événements en train de fonder MADI au début des années 40. MADI s’est cherché, il y a fallu des ajustements successifs : l’été 44, la revue Arturo fixe les intentions d’un groupe d’artistes autour de Carmelo Arden Quin qui s’est battu plusieurs années pour la réaliser (et l’a payée de ses deniers), et, dans la foulée, Arden Quin, Lydi Prati, Espinosa, Hlito, Benicio Nunez et Maldonado montrent une quinzaine de formes découpées à la Galerie Conte, calle Florida, propriété d’Ignacio Pirovano, un des premiers collectionneurs d’art concret en Argentine. Exposition « Arturo », organisée par Tomás Maldonado, que certains considèrent comme une exposition « pré-MADI ». Rothfuss va bientôt se joindre à eux. Ils se réunissent au café La frégate, rue Corrientes, et c’est à l’une de ces réunions qu’Arden Quin commente, avec démonstration, les jouets articulés de Torres-Garcia. Une semaine plus tard Kosice arrive avec une pièce articulée, Röyi, « réalisation exemplaire », selon le témoignage d’Arden Quin. Mais pour éviter toute confusion avec le « créationnisme » considéré comme poésie cubiste, ils adoptent le concept d’Invención qui clôt le « Manifeste d’Arturo ». Et des dissensions vont apparaître : Antonio Berni ayant fait connaître à Maldonado le numéro unique d’ « Art concret » (1930) de Van Doesburg, Maldonado propose ce nom pour leur Mouvement. Soucieux de rassemblement, Arden Quin propose « Art Concret-Invención », qui est accepté. Mais Maldonado commence à former un groupe à part, qui tend à abandonner la polygonalité et à retourner au format rectangle. Bayley, Espinosa et Prati suivent Maldonado. Kosice reste avec Arden Quin. De relire le manifeste du 3 août 1946 (lu deux ans plus tard par Arden Quin à l’Institut des Hautes Etudes de Buenos Aires, et qui fondera le mouvement MADI) éclaire sur les raisons d’Arden Quin de faire scission, car il proclamera : « Avec l’art dit concret, lequel, en réalité, n’est qu’une branche plus jeune de cette tendance abstractionniste, commence la grande période de l’art non figuratif où l’artiste, prenant l’élément et son support correspondant, crée l’œuvre dans sa pureté essentielle. Mais l’Art Concret a péché par manque d’universalité et de cohérence organisatrice. Il a sombré en de profondes et insurmontables contradictions, tout en conservant les atermoie¬ments et les incertitudes de l’art ancien et celles de ses ancêtres immédiats : le suprématisme, le constructi¬visme, le néo plasticisme. Par exemple, il n’a pas su écarter de la peinture, de la sculpture, de la poésie, respec¬tivement la superposition, le support rectangulaire classique, l’athématisme, l’imagerie créationniste ou surréali¬sante… » etc.
Et en octobre 1945, c’est après la scission qu’ont lieu, pour le groupe « Art concret invention », une exposition chez le Dr. Enrique Pichon Rivière où Arden Quin lit son 2e Pré-Manifeste « El Movil », et son rêve éveillé Pedro Subjectivo, et, le 2 décembre la « Segunda Muestra Arte Concreto Invención » chez la photographe venue du Bauhaus, Grete Stern. Au programme, peinture, sculpture, dessin, dessins d’enfants, littérature, musique, et danse avec Renate Schottelius qui improvisera dans le silence. Elle deviendra la plus grande danseuse argentine, elle est considérée comme une pionnière.

Renate Schottelius dansant chez Grete Stern

Paulina Ossona, elle

Paulina Ossona dansant « Une femme danse ses rêves »

exécutera une danse MADI le 5 août 1946 à l’Institut Français d’Etudes Supérieures de Buenos Aires, danse chorégraphiée par Arden Quin et inspirée par le poème de Huidobro « Une femme danse ses rêves ». Elle dansera également le 23 octobre 1946 lors du vernissage de l’exposition « Arte Madi », au Salon Altamira de l’Ecole d’Arts Plastiques de Buenos Aires, organisée par Lucio Fontana. La manifestation fut filmée par « Argentine Newsreel ». Avec Arden Quin étaient présents Rhod Rothfuss, Martin Blasko (sic), Gyula Kosice, Valdo Wellington, Elisabeth Steiner, Paulina Ossona, Raymundo Rasas Pet, Ignacio Blasko, Aldo Prior, Dieudonné Costes, Sylwan-Joffe Lemme. Dans le « Programma de Actos », le 14 octobre à 19 heures était annoncée l’inauguration de la seconde exposition ARTE MADI, le lendemain, c’était : musique moderne par Juan Eitler, et le 23 octobre à 19h30, « Danses MADI », par Paulina Ossona.

Bolivar, le 16 juin au Musée de Cholet aurait-il « dansé son rêve » ?

Bolivar, le 16 juin au Musée de Cholet aurait-il « dansé son rêve »,

danse de Bolivar le jour du vernissage à Cholet

rêve qui de plus pourrait être interprété comme la nécessité d’incarner en toute rigueur et audace l’une des « leçons » de MADI ? Sa danse somnambulique devant le fantôme d’Arden Quin logé au plafond du côté de ses « mobiles » serait-elle la mise en acte d’un passage du second Manifeste, « El movil », lu par Carmelo Arden Quin chez Enrique Pichon Rivière à Buenos Aires le 8 octobre 1945, et qui, à un moment spécifie : « Affirmer la Pluralité et la Ludicité, travailler avec des angles de toute espèce, employer la masse et le vide en un jeu dialectique ; l’éclat ; la transparence ; le mouvement réel. Il est de mon devoir de rappeler ici les jouets de Torres-Garcia, jouets qui s’articulent et changent de position à volonté. Les jouets sont figuratifs, par exemple on peut voir un animal ou une personne couchés, assis ou debout. Parfois même en train de marcher. Les jouets ont été la source la plus directe de nos recherches et ils nous servent de moteur, même pour une peinture articulée non figurative. Pour être plus précis : c’est l’un de ces jouets de Torres-Garcia, en écho aux prémisses futuristes et aux lois dynamiques du matérialisme dialectique, qui m’ont amené à concevoir et mettre en pratique un nouvel art plastique. En faisant fonctionner sa créature mécanique, Torres-Garcia me dit en souriant : « Elle a des articulations ; elle prend des postures comme tout être vivant : comme vous, comme moi ; comme tout homme normal. Et l’homme est la mesure de toute chose ». Je vous assure, j’ai entendu la leçon ».
Bolivar nous a-t-il dansé postures et articulations, surtout au moment où il a semblé vouloir se dévisser les poignets ? Je ne vais pas l’interroger sur ses « non-dits » car le jeu s’aplatirait, d’ailleurs je suppose qu’il refuserait de répondre, ainsi le spectateur peut rêver à son tour, égaré par l’hermétisme de la gestuelle, égaré hors du cadre des habitudes.

Alors qu’en est-il de « Madi, Carmelo Arden Quin & Co » au Musée de Cholet ?

Au Musée d’Art et d’Histoire de Cholet, du 17 juin au 6 novembre 2011, où « Madi, Carmelo Arden Quin & Co » se déploiera devant les yeux des visiteurs ? Le lieu est grand et beau, et Eric Morin, directeur des Musées de Cholet, et Jacques Sauvageot, historien et critique d’art, les deux commissaires d’exposition, ont fait des merveilles, saluées par le Maire de Cholet, et député, Mr Gilles Bourdouleix, et son adjoint chargé de la Culture, Mr Roger Massé. Dans une préface, ils ont manifesté que Madi et Arden Quin étaient sources de « joyeuseté », affirmant aussi que « l’artiste Madi est constamment en recherche et que son art n’a pas de limites ».

Une partie de l’Exposition du CIAC présente à Cholet

Sous la forme de la soixantaine d’artistes MADI de la Galerie Orion et du Mouvement Argentin de Sofia Arden Quin présentée par Catherine Topall au CIAC-Château de Carros dernièrement, ainsi qu’une partie des œuvres d’Arden Quin, et MADI montrées dans le même lieu par Alexandre de la Salle. Pour actualiser la pertinence des questions posées encore aujourd’hui par MADI, les commissaires d’exposition ont ajouté, « en résonance », des travaux d’artistes qui, sans être « madi », font écho, entre autres Bob Bonies, Giancarlo Caporicci, Alberte Garibbo, Michel Jouët, Vera Molnar, François Morellet, Carole Rivalin, Luis Tomasello.
Alberte Garibbo a traversé MADI à la galerie de la Salle, avec des sorties du cadre très heureuses,

 : tableau MADI d’Alberte Garibbo

mais ses aficionados savent que ses recherches d’une lumière au sein du noir est autant du domaine de l’implosion que de l’explosion, et qu’une « sortie », dans ses surfaces d’ébène, s’effectue tout aussi bien par la profondeur. Quant à Luis Tomasello,

Luis Tomasello, « Objet plastique n°455, 1990, dans l’exposition de Cholet

il a beaucoup fréquenté le Centre Madi de la Rue Froidevaux dans les années parisiennes d’Arden Quin, étant même le témoin de son mariage, participant aux mêmes expositions qu’Arden Quin à Paris, et, à Buenos Aires, au sein du mouvement Arte Nuevo, qu’Arden Quin co-fonda.
L’élasticité des liens aux « Mouvements » sont la preuve de la plasticité des artistes, qui peuvent s’inscrire à certains moments dans des problématiques puis s’en écarter pour faire cavalier seul, il s’agit toujours de se libérer du « père » (symbolique), certains affirment même que les seuls madistes véritables seraient ceux de 1946 à l’Institut français des Hautes Etudes. Cette attitude restrictive est exactement le contraire de ce que souhaitait Arden Quin. Madi c’est de la vie, de la contestation, du oui et du non, de la diversité, et c’est cette diversité qui apparaît sur les murs du Musée de Cholet, et les textes du catalogue en témoignent, d’abord celui d’Eric Morin et Jacques Sauvageot, les deux commissaires, qui fait apparaître une notion importante, le « charisme », à partir de quoi ils inventent une notion très intéressante, à retenir, le « rayonnement », pour rendre compte sans doute de la difficile synthèse de l’effet de Madi sur aujourd’hui.

Eric Morin et Jacques Sauvageot

Ils écrivent : « Le Musée d’Art et d’Histoire de Cholet présente, dans ses salles d’exposition permanente, les œuvres de deux artistes Madi datées des années 1950. Dans ses réserves, il conserve des tableaux, des sculptures et des productions graphiques plus récentes, dus à quelques autres artistes du même mouvement. Au total, une dizaine de pièces rend compte de l’existence de ce courant de l’art abstrait. L’énumération d’un aussi bref inventaire n’est guère différente de l’analyse qui peut être faite du contenu des manuels d’his¬toire de l’art : toujours cités certes, les artistes Madi ne font ce¬pendant que rarement l’objet de longues présentations ou de commentaires fournis. « Madi » : le terme lui même est curieux et intrigue. Mais une fois adopté, il apparaît familier et joyeux. Il est à même de nous intro¬duire dans un univers de tableaux objets et de sculptures dont les formes improbables surprennent. Une saine curiosité est donc à l’origine du projet de présenter au Musée d’Art et d’Histoire de la Ville de Cholet une exposition temporaire entièrement consacrée à l’une des formes d’expres¬sion parmi les plus puissantes qu’ait pu produire l’abstraction. Le décès de Carmelo Arden Quin, intervenu en 2010, a donné un nouveau tour à notre projet. Cet homme trop méconnu pos¬sédait un charisme tel que de nombreux artistes lui sont rede¬vables d’une partie de leur engagement esthétique. Dès lors, l’exposition se devait de rendre hommage à l’un des fondateurs, au milieu des années 1940, du mouvement Madi et qui plus est l’un de ses membres les plus féconds. Aborder une telle étude suppose quelques tentatives de définition. Peintures et sculptures, abstraction et géo¬métrie, polygonalité, couleurs, cinétisme, art concret, hors cadre, jeu... : tous ces éléments se rencontrent et se croisent dans le mouvement Madi. Fort heureusement, qu’ils soient pris séparément ou en bloc aucun d’eux ne parvient à circonscrire totalement le sujet. Et la place du mouvement Madi dans l’histoire de l’art demeure de ce fait une question entière. Est ce un art de transition entre la première abstraction et les courants des années 1960 ? Est ce un art latino américain ? Est ce la manifestation d’une veine créative profonde qui se joue des phénomènes de classification ? Au moins pourrait on penser qu’une bonne connaissance de l’histoire du mouvement avec d’une part sa naissance, ses premiers pas et ses inévitables déchirements et d’autre part la présentation biographique de ses principaux animateurs, nous aiderait à mieux situer ce courant... De fait les écrits en ce domaine se multiplient, le projet choletais ne manquant pas de s’en faire l’écho et d’insister sur quelques moments clés. Et pourtant, la longévité du mouvement Madi est en soi source de questionnement. Pourquoi et de quelle ma¬nière faire vivre un mouvement artistique dans la seconde moitié du XXe siècle et au début du XXIe siècle alors que les artistes dans leur grande majorité ne recherchent plus ce mode d’organisation collective ?
Comment expliquer une trajectoire qui se déploie sur plus de 60 ans alors même que de nombreux critiques privilégient dans l’art Madi la courte période allant du milieu des années 1940 à la fin des années 1950 ? Le mouvement Madi là encore est difficile à cerner.
Aborder le mouvement Madi en terme de rayonnement permet de dépasser ces incertitudes. Le rayonnement dont il s’agit se manifeste à travers des individus dotés d’un charisme à même d’influencer durablement le cercle Madi. Il s’exprime aussi grâce à la diffusion des idées et à leur réception par des milieux moins proches. Ainsi Carmelo Arden Quin, qui a eu plusieurs Vies, ne s’est il jamais détourné d’un but précis : fédérer des artistes autour de quelques principes esthétiques au demeurant assez simples. Sa personnalité et sa force d’entraînement ont permis cette alchimie, et nombreux ont été ceux qui furent sensibles à son verbe, son imagination et... ses contradictions. Ces quelques réflexions ont alimenté les débats à l’origine du projet choletais. Simultanément la découverte des œuvres issues de collections publiques et privées a donné corps à l’exposition. « Madi, Carmelo Arden Quin & Co » est tout à la fois une exposi¬tion, une série de rendez vous, d’ateliers et d’animations ainsi qu’un catalogue. L’exposition est construite autour de la notion de rayonnement. Trois espaces, bien distincts, proposent, dans un effet de gra¬duation, une découverte et une compréhension de l’univers Madi.
Le premier est entièrement consacré au travail de Carmelo Arden Quin. Un peu plus de quarante œuvres tentent de dres¬ser un panorama de sa production artistique, tout en récusant l’idée d’exhaustivité qui serait illusoire. Ce sont des traits parmi les plus saillants d’une œuvre particulièrement prolifique qui sont ici mis en valeur.
Le deuxième espace réunit pionniers et artistes contempo¬rains qui, tous, se sont reconnus dans l’esthétique Madi et ont affiché leur appartenance au mouvement. Un caractère pluriel et atemporel du courant Madi trouve ici l’occasion de s’expri¬mer. Dans cet espace, le choix de l’accrochage des œuvres en « constellation » est un rappel des présentations les plus prisées par les premiers artistes Madi.
La dernière séquence de l’exposition quitte la sphère Madi et offre un compagnonnage d’artistes contemporains, voulu par les commissaires de l’exposition. Certaines œuvres sont connues, d’autres inédites, et quelques autres créées spécia¬lement pour leur présentation à Cholet. Cette sélection éclec¬tique fait écho à la vitalité de la création contemporaine mais envisage surtout un autre regard sur l’art Madi. Difficilement classables, et pour la plupart d’entre eux très loin du mouve¬ment Madi, ces artistes entrent cependant en résonance avec Carmelo Arden Quin et ses amis. Les uns et les autres sont en recherche constante tant en ce qui concerne les formes que les matériaux, ils aiment le jeu et partagent le goût de l’invention.
Au bout du compte, Madi ou pas, nombre d’artistes créent et accordent une importance relative aux tentatives parfois excessives de catégorisation de leur art. L’ouvrage édité en accompagnement de l’exposition ras¬semble dans sa partie catalogue toutes les œuvres présentées à Cholet. Il réunit également les contributions, inédites en fran¬çais, d’historiens et de critiques d’art italiens et français qui pro¬posent de nouveaux points de vue sur l’histoire du mouvement Madi et sur sa philosophie. La programmation culturelle mise en place durant les cinq mois d’ouverture de l’exposition approfondit la découverte du mou¬vement Madi et rend possible les rencontres et les échanges avec des artistes prêts à parler de leurs pratiques. Par ailleurs, la lecture publique de poèmes de Carmelo Arden Quin (octobre 2011) est une occasion unique de valoriser une autre activité maîtresse de cet artiste incontournable. Que le plaisir de la visite et de la lecture soit égal à celui que nous avons mis à bâtir ce projet. »

Domitille d’Orgeval

Dans le même catalogue, Domitille d’Orgeval traite de « Carmelo Arden Quin et la scène parisienne artistique des années 1950 », son texte a pour exergue une phrase de Pierre Descargues : « De furieux coups de pieds dans les règles de l’abstraction », extrait de l’article de Pierre Descargues constituant un des premiers comptes rendus de l’activité Madi à Paris en 1948, « D’une salle à l’autre », Arts, Paris, 23 juillet 1948. Domitille d’Orgeval, spécialiste d’art géométrique, et du « Salon des réalités Nouvelles », présente une recherche très fine du rapport entre Arden Quin et le fameux salon. Son texte vaut d’être présenté une autre fois, plus largement qu’il ne le serait aujourd’hui.

Arden Quin et Picabia une rencontre exceptionnelle

Empruntons-lui cependant un certain passage sur Picabia, pour finir sur l’esprit de liberté d’Arden Quin : « L’autre artiste figurant au panthéon de Carmelo Arden Quin fut Francis Picabia, rencontré grâce à Michel Seuphor, et envers lequel il exprima également son admiration (Hommage à Picabia, 1952).

Arden Quin, « Hommage à Picabia » 1952

L’artiste sud américain appré¬ciait chez Picabia son rapport distancié et cynique à l’art, sa désinvolture apparente, qui était une forme de liberté : « C’était un esprit anarchiste. C’est l’esprit que j’ai apprécié le plus. Je ne l’ai jamais entendu parler de son œuvre. Herbin non plus. Il n’aimait pas toucher ces choses là. Dans le fond, il avait un esprit dadaïste de désacralisation. Alors il ne par¬lait pas de la peinture, ni de l’art. Il y avait une espèce, pas d’indifférence, mais de détachement des choses du monde en général, de l’idéologie. Les anecdotes qu’il racontait étaient très enrichissantes. Je me souviens d’un tableau de Picabia qui s’appelait « Point ». Dans toute l’exposition, il n’y avait que des points. Par¬fois un tableau avait deux points. Un autre n’avait qu’un seul point. C’était un point, c’est tout. Il est parti de ça. Après on a vu d’autres points, à la galerie Arnaud ». L’exposition de Picabia à laquelle Arden Quin se réfère eut lieu un an après son arrivée en France, à la galerie des Deux lles (15 novembre 4 décembre 1949). Elle offrait une démonstra¬tion brillante de l’esprit pourfendeur et iconoclaste du da¬daïste, en exposant une quarantaine de tableaux ne repré¬sentant que des points : de simples surfaces monochromes étaient parsemées de quelques points de couleur, parfois cernés de noir. Leur facture, délibérément grossière, dési¬gnait la dimension ironique de ces œuvres dont le sens avait été éclairé par une préface de Michel Seuphor : « Consom¬mation de la peinture. Ne fallait il pas mettre un point final à tant d’effervescence ? Un demi siècle de révolution trouve ici son achèvement. Ce point était dans l’air. Mais il fallait quelqu’un pour le saisir, le mettre bas ici et là dans sa simplicité originelle. ( ... ) Point car à la fin de tout, tout recom¬mence. » Contre toute attente, ces tableaux à points, qui se déjouaient de la peinture elle-¬même et faisaient fi tant de l’abstraction géométrique (par leur motif) que de l’abstraction informelle (par leur traitement pictural), marquèrent de nom¬breux artistes, à commencer par Arden Quin et sa série des « Points et lignes ». Grâce à Picabia, Arden Quin rencontra la galeriste Colette Allendy qui faisait preuve d’une grande ouverture d’esprit dans ses choix. Dans sa galerie du passage de l’Assomption, elle présenta au mois de mai 1950 « Les Madi », exposition réunissant Arden Quin et ses amis sud américains Grégorio Vardanega, José Bresciani, Eielson, ainsi que le Français Ro¬ger Desserprit (récemment rencontré chez Vieira Da Silva). Arden Quin y distribua une nouvelle version du manifeste Madi dans laquelle était rappelée la nécessité du mouve¬ment en art : « Madi fait l’art mobile. L’art recommence ». (Domitille d’Orgeval, 2011)

Et le CIAC ?

Le CIAC aussi est en mouvement, l’exposition MADI présentée dans ses murs a fait l’admiration de tous, mais le flux du temps l’emporte vers un nouveau programme, qui a pour titre : « Par-delà les frontières du regard », un itinéraire choisi autour de la donation André-Verdet au château de Carros (25 juin – 23 octobre 2011) : Arman, Armand Avril, Georges Bauquier, Bruno Bazire, Carlos Carnero, César, Max Charvolen, James Coignard, Henri Comby, Bernard Damiano, Noël Dolla, Paul Duchein, Gérard Eppelé, Pierre Faniest, Jean-Claude Farhi, Franta, Pierre Gastaud, Michel Gaudet, Felipe Gayo, Claude Gilli, Henri Goetz, Hans Hartung, Vivien Isnard, Jani, Paul Jenkins, Tomek Kawiak, Yves Klein, Dominique Landucci, Jean-Jacques Laurent, Nadia & Fernand Léger, Charles Malausséna, Emile Marzé, Martin Miguel, Thomas Papadoperakis, Gilbert Pedinielli, Pablo Picasso, Anton Prinner, Serge III, Théo Tobiasse, Raoul Ubac, Javier Vilato, Jean Villeri, André Villers, Alkis Voliotis …

portrait d’André Verdet par Frédéric Altmann
portrait d’André Verdet par Bernard Damiano, 1993, photo P. Massabo

Inscrite dans le cadre de « L’art contemporain et la Côte d’Azur », cette exposition met en lumière, autour du fonds d’œuvres donné à la ville de Carros par le poète et collectionneur André Verdet (1913-2004), une vision singulière de l’histoire - et des petites histoires - de la création contemporaine sur la Côte d’Azur.
Présentation sélective de la donation Verdet, complétée par de précieux emprunts dans la collection et à l’extérieur, elle tend à dépasser les frontières du regard pour « rendre fertile la rétine de l’œil » en regroupant plusieurs générations d’artistes ayant travaillé au même moment dans le même périmètre mais dans des directions différentes, formant ainsi un panorama subjectif d’artistes azuréens ayant croisé la route et le regard de Verdet. Poète, résistant, écrivain, plasticien, homme engagé, André Verdet fut l’une des figures centrales de ce microcosme à géométrie variable. Son regard aiguisé et ses amitiés éclectiques lui ont permis de bâtir, à travers sa vie et sa collection, un récit particulier de l’aventure de l’art contemporain sur la Côte d’Azur. Intime des grands maîtres de l’art moderne comme Picasso ou Léger, dans le mouvement de jeunes avant-gardistes autour d’Antibes dès les années 50, Verdet a su rester attentif aux mouvements et aux courants qui ont traversé son époque, des Nouveaux Réalistes à l’École de Nice en passant par le Groupe 70 et autres expérimentateurs. Il a également soutenu et aimé nombre d’individualités, d’artistes singuliers, souvent liés à ses lieux chers, Saint-Paul-de-Vence, Cagnes-sur-Mer ou Vallauris. L’intérêt de cette monstration réside aussi dans le fait de documenter et d’enrichir la vision de ces œuvres par un deuxième niveau de regards extérieurs (des « regards sur le regard »), permettant de mettre en lumière par une voie indirecte l’intérêt et la singularité de cet ensemble de créations, son écho qui persiste au-delà du lieu de naissance commun des différentes pièces :
- Parce que son œil est évidemment essentiel pour comprendre le processus de la création artistique à Nice et dans sa région, une sélection de photographies de ces artistes par Frédéric Altmann, qui fut à la fois l’ami proche d’André Verdet et le premier directeur du CIAC de Carros, sera présentée dans le parcours de l’exposition.
- Par ailleurs, Caroline Challan Belval, jeune artiste en résidence au moment de la manifestation, investira les collections du CIAC présentées à l‘occasion de l’exposition pour une séance d’échange avec le public, au mois d’août, afin de partager un moment de création, s’interroger sur le sens d’une œuvre ou simplement déambuler parmi les œuvres vivantes.

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