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La Commanderie de Peyrassol

La Commanderie de Peyrassol, ce trésor bien réel des Templiers, constituait une étape pour les pèlerins en chemin pour la Terre Sainte. Depuis le XIIIe siècle, une activité agricole et vinicole s’y est maintenue et développée.

En 2001, Philippe Austruy la rachète et agrandit le vignoble associant son amour du vin à celui de l’Art. Avec son épouse d’alors Valérie Bach, galeriste à Bruxelles, ils ont constitué une collection exceptionnelle d’œuvres d’art, certaines monumentales installées au sein des vignes, d’autres plus fragiles et intimes réunies dans un Centre d’Art construit par l’architecte Charles Berthier et inauguré en 2016.

La collection continue à se diversifier et s’enrichir avec l’acquisition d’œuvres d’artistes reconnus, mais Philippe Austruy soutient également la création contemporaine en organisant des résidences d’artistes. Ainsi certaines œuvres ont été conçues spécialement pour ces lieux.

Cet immense domaine de près de mille hectares a été pensé en plusieurs espaces mêlant toujours intimement l’art contemporain à la vigne, mais également aux oliviers, aux chênes, à la garrigue ainsi qu’à des essences plus rares cultivées dans un jardin classé « remarquable ». Dans cet écosystème soigneusement protégé, plusieurs parcours sont proposés, variant les plaisirs de la découverte.

Le vignoble dominé par les grands drapeaux flottant au vent de Buren nous accueille avec ses différents cépages dont les ceps, pour certains très anciens sont extrêmement contournés, comme torturés, et d’autres plus classiques qui présentent de beaux alignements très graphiques (il faudrait revenir les voir à la saison de leur acmé chargé de feuilles et grappes).

Dans le cœur de la Commanderie regroupé en hameau, on découvre la bastide, ses dépendances, et sa chapelle au dos de laquelle une superbe installation de Buren crée comme une allée couverte qui relie les bâtiments au jardin. Elle est constituée d’un cylindre en plexiglas coloré aux effets de lumière qui, jouant avec le soleil, animent les murs en vieilles pierres et les sols. L’œuvre prend vie et se renouvelle en permanence.

Cette oeuvre de Daniel Buren crée une allée couverte qui relie les bâtiments au jardin. ©A.A

Dans le jardin classé remarquable, un corps tatoué par les mots de Jaume Plensa, un Mercure d’Arman… On rencontre aussi de nombreuses sculptures : un champignon géant de Carsten Holler, un œil de Anne et Patrick Poirier, un chariot de Tinguely, quelques sculptures animalières : une poule de César, un crocodile de Stefan Rinck, un lapin de Barry Flanagan, un wapiti des Lalane, une étendue sphérique de pierres de Richard Long, et beaucoup d’autres à découvrir.

Le centre d’art dont l’architecture, bien que très contemporaine dans sa forme et les matériaux employés, s’intègre parfaitement à cet ensemble.

Il présente, en collaboration avec la galerie Continua, les joyaux les plus fragiles de la collection, à commencer par la salle où se trouve l’installation spectaculaire de Sun Yuan et Peng Yu : un petit salon composé de personnes qui, habillées avec soin et bien chaussées, sont assises sur des canapés comme dans l’attente d’un événement ou d’un rendez-vous. Elles suscitent une grande stupéfaction car leurs têtes sont remplacées, comme écrasées par d’énormes pierres.

La visite du centre nous offrent des œuvres de qualité : une grande sirène de Niki de Saint Phalle, un Gilgamesh, rocher rouge à trou béant noir, du noir absolu d’Anish Kapoor, un cube « incomplet » de Sol LeWitt, une sculpture mobile saisissante noire et bleue de Soto, un environnement de Jean-Pierre Raynaud comprenant un chemin de croix et une table carrelée, une œuvre très colorée et gaie de Josh Sperling, qui concentre sculpture, peinture et architecture, un mobile de Xavier Veilhan, la représentation d’un espace intérieur avec escalier de Osvaldo Gonzalèz réalisée avec des scotchs et de nombreux autres œuvres, toutes inspirantes.

©A.A

À ne pas rater la terrasse qui couronne ce centre offrant un panorama à 360°sur le domaine où est installée une immense sculpture de Bernar Venet  : deux angles en acier corten de 17,5 et 15,5 degrés pointés vers le ciel, ainsi qu’une œuvre singulière de Antony Gormley : une conversion informatique en structures métalliques des volumes d’un corps humain étendu au sol.
Au pied de la terrasse, une installation très originale comprenant un petit groupe de personnages très colorés de Pascale Marthine Tayou.

A voir la terrasse où est installée une immense sculpture de Bernar Venet ©A.A

Le parcours la visite se poursuit par une promenade dans une petite forêt de pins où on circule à la recherche de sculptures cachées au détour d’un petit chemin tortueux.

Nous nous retrouvons ainsi devant chacune sous son meilleur point de vue, bien isolée des autres. Une visite mystère, un semblant de jeu de piste à la recherche d’œuvres (une soixantaine) très différentes les unes des autres, par leur aspect, leur technique de fabrication, leur couleur, leur sens, etc. Adami, Gilioli, Folon, Venet, César, et bien d’autres artistes de renom vous attendent au détour d’un chemin.

Ce lieu exceptionnel alliant les beautés de la nature et de l’art animé par une équipe compétente et sympathique très à l’écoute du visiteur est particulièrement charmant.

Nous avons eu la chance de profiter d’une visite guidée par la maîtresse des lieux Mathilde Marchand, dont les commentaires érudits nous ont permis de mieux apprécier la valeur des œuvres. Il nous reste à découvrir l’exposition temporaire de l’été qu’elle est en train organiser et qui ouvrira au mois d’avril prochain pour nous présenter les œuvres d’une artiste remarquable : Berlinde de Bruyckère.

Une oeuvre de Pascale Marthine Tayou. ©A.A

Ce qui fait le charme et l’originalité de ce lieu exceptionnel, c’est la proposition d’une grande variété de parcours possibles à travers les vignes, les arbres, les œuvres, le centre d’art et les jardins…

Photo de Une : Ce sont les grands drapeaux flottant au vent de Daniel Buren qui accueillent le visiteur DR A.A

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