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CHAPITRE 45 (part III) : Jean Mas, créateur du XIIe art

Suite de la chronique de France Delville dédiée cette semaine à Jean Mas. Vous retrouverez la suite lundi...

Jean Mas est aussi dans le chapitre 17 (avec le film sur son exposition à la galerie Alexandre de la Salle « Fermez-moi doucement »), en compagnie de Jean-Pierre Mirouze et Arman à New-York et le film « Sanitation ».

Cages à mouches
DR

Le documentaire du vernissage de Jean Mas (17 mai 1996), grâce à une réflexion de Ben, nous ramène à cette clé qui est celle de Duchamp avec son panneau « Eau et gaz à tous les étages », désir de désigner comme intéressant tout objet qui se présente, en le détournant du sens immédiat, car routinier.

Exposition à la galerie A. de la Salle
DR

La collection faite par Jean Mas de panneaux avertisseurs pris dans des immeubles, est elle aussi opposée à la « paresse » de Duchamp, pourtant les deux extrêmes se rencontrent dans une sociologie de l’objet dit anodin ramené dans le champ de l’art. Jean Mas est-il du côté de l’enthousiasme ou du côté de la paresse ? Il passe de l’un à l’autre, acteur impassible qui tout à coup explose en hystérie mais retrouve sa froideur à la seconde, dans un écart prodigieux mis en scène à dessein. Jean Mas est vraiment le roi du grand écart. La paresse de Duchamp étant aussi un écart, c’est là qu’ils se rejoignent. De Duchamp Jean Mas a pris l’humour noir, l’accueil de ce qui, du réel, se présente, et qui, d’être nommé, accède à l’existence. Les panneaux de « Fermez-moi doucement » reflétaient la tendresse, la cruauté, l’hypocrisie, le sadisme, la solidarité des relations humaines, toutes humeurs confondues. Ces « peu de choses, choses de peu » capables de détruire un paranoïaque mais à peine lues, et déjà mises à la poubelle. Ou jaunies, abandonnées dans des corbeilles fanées aux Puces. Et à propos du P (Peu), présent dans cette « campagne politique » de 2012, chez Jean Mas le P, redevenu lettre inscrite au tableau noir de la Maternelle, nous jette dans ce choc du monde qui seul fait le poète : l’enfant comme craie-ratureur car sa pensée toute oculaire construit ce qui s’offre, et l’engrange dans des espaces où l’alphabet découpe des contrées qui feront sa géographie intérieure, celle de ses Vies Antérieures......

Un « Peu »

Présence ou absence de la lettre

Et Jean Mas est aussi présent dans le chapitre 33 qui retrace sa Performance en hommage aux artistes « Du Nouveau Réalisme et de l’Ecole de Nice », le 30 septembre 2011 dans le cadre de l’exposition de Frédéric Altmann : « Sept OFF Festival de la photographie méditerranéenne » au Centre Culturel La Coupole de La Gaude.

Son discours de ce jour semble faire écho à celui de la Villa Cameline : « Chers amis, il suffit d’une lettre, de sa présence ou de son absence, pour que les choses changent. Ainsi du dire nous pouvons passer au pire. L’instance de la lettre et son organisation nous conduit ce soir à la boîte. La boite aux lettres, espèce en voie/envoi de disparition, de régression, est là pour marquer que l’importance des artistes « Nouveaux Réalistes » et ceux de « l’Ecole de Nice » est en partie due aux boîtes aux lettres : circulation des informations, du savoir, elles ont, avant l’informatique, permis que s’élabore l’intérêt de l’objet. Espace vide, les boîtes aux lettres par où transite le courrier sont plus qu’un simple contenant. Elles sont un lieu par excellence, c’est-à-dire, dotées d’une existence.

Aussi, chers amis, je vous invite à considérer cette exposition et cette performance anniversaire comme un signet, un signet c’est à dire un marque page qui indique un moment, une étape : la lecture, celle d’un monde. Le monde est à nommer.

@ Frédéric Altmann

Il est fait de ceux qui prennent la parole. Si le premier mot est le fait du créateur, le dernier appartient à l’artiste car lui seul signe la fin de son œuvre. Si le monde a été créé, c’est pour qu’on puisse le signer, se l’approprier. L’appropriation c’est de l’art qui accomplit le monde. L’au delà de la lettre est une adresse qui, ici, dans le devenir de notre art, un instant s’arrête en marquant la pause de ceux qui, d’un autre lieu, d’un autre temps, ont insufflé dans le regard du ciel et de la terre et de l’objet, une nouvelle dimension de vie, un rapport nouveau au monde et au regard. Au nom du ciel, de la terre et de l’objet, que les choses soient faites par notre art qui exulte de toute part et au sein duquel nous déployons notre être. Voici maintenant à entendre les 400 coups de l’Ecole de Nice.

Note : Après la déclamation de son texte, Jean Mas rend hommage aux artistes du Nouveau Réalisme et de l’Ecole de Nice en véritable « art-ificier », les boîtes aux lettres se consument en feux d’artifice et pétards.
En 1977, Ben parlait d’obsession à propos de Jean Mas. Mais l’art n’est-il pas cette « lettre » qui insiste ? L’art comme « boîte aux lettres » ?

A suivre...

- Pour relire la deuxième partie de cette chronique dédiée à Jean Mas cliquez ICI

- Pour relire la première partie de cette chronique dédiée à Jean Mas cliquez ICI

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