- Jacques Lavigne, Sans titre, 05/09/13 Papier déchiré et acrylique sur toile 155 X 141
DESCRIPTION/INTERPRÉTATION
Des fragments de voilages ou de feuillages, des bribes de roches ou de végétaux éparpillés, des galaxies incertaines, telles sont les premières connotations que pourraient évoquer les éléments de cette peinture. Mais puisqu’il s’agit d’un tableau abstrait, une autre lecture s’impose : des couleurs vives, des formes géométriques irrégulières avec de violents contrastes semblent constituer l’essentiel de cette œuvre récente de Jacques Lavigne ; oui, mais pas seulement… car ceci ne serait qu’une approche superficielle qui masquerait le travail subtil et la démarche minutieuse de l’artiste.
Il est évident qu’au premier regard quelques références incontournables s’imposent, surtout en rapport avec l’art abstrait géométrique : par exemple la grille de Mondrian qui structure l’ensemble des figures ou le jeu des effets optiques dans la pure lignée de l’op art et des tableaux de Vasarely. Mais au delà de ce résultat chatoyant et propice à une rêverie interstellaire, le travail sous-jacent est jalonné d’actions et de gestes ludiques qui ponctuent l’élaboration créative. Le collage, l’arrachage – marqué par les déchiquetages des bordures - et la déchirure permettent à toutes les surfaces colorées de s’approprier une véritable autonomie pour n’exister que par elles mêmes.
Les apparentes répétitions de formes ne sont qu’illusions, loin des modules répétitifs de l’Art Optique, car chaque élément reçoit l’empreinte du créateur, sa forme personnalisée et son intégration sur la surface de la toile. Ainsi les fragments, les carrés morcelés, ou les lambeaux de papiers qui s’effilochent au hasard de la surface constituent par leur autonomie un vocabulaire très riche et très contrasté par rapport aux noirs du fond. Évidemment, les gestes de l’artiste ont aussi leurs références dans l’histoire de l’art, et s’ils font penser aux arrachages de Clifford Still, aux papiers découpés de Matisse ou aux tressages de François Rouan, c’est pour mieux se démarquer de leur empreinte et assumer leur propre originalité.
Le processus de création se laisse entrevoir à travers tous les aléas du geste, puisque celui-ci revêt de multiples aspects à travers des configurations toujours renouvelées. Loin d’amener une lecture univoque, les signes posés sur la toile permettent une variété d’interprétations qui dépassent la banale non-figuration tout en restant dans le domaine de l’indéchiffrable.
MORPHOLOGIE
L’organisation spatiale ne laisse rien au hasard pour créer un dynamisme visuel ascendant. Loin d’emprisonner la structure, la grille orthogonale laisse échapper les formes irrégulières vers un espace imaginaire où papillotent de multiples fragments et autres bribes de formes, comme un éclatement qui engendrerait l’éparpillement d’infimes morceaux. La soudure de certains carrés n’est là que pour mieux faire exploser les parcelles qui se disséminent sur toute la surface.
Leur dispersion semble aussi organisée, par un certain nombre de prolongements de formes ou d’échos plastiques : les courbes se multiplient dans la partie inférieure pour laisser imaginer une figure fermée telle une conque, véritable réceptacle de tous les fragments qui voltigent au dessus d’elle. La lecture globale de l’oeuvre met en opposition les zones compactes où les matières très riches rivalisent de textures savantes, et les zones de repos du haut de la toile et de la partie inférieure, véritables abimes dans lesquels le regard peut se plonger ; le rêve et la méditation peuvent alors se révéler, enivrés par la richesse visuelle des papiers déchirés.
CHROMATISME
Le jeu subtil des couleurs permet une multitude de nuances froides, en partant des bleus les plus profonds pour aller vers les turquoises et les violets de cobalt lumineux. Ces progressions chromatiques sont possibles grâce aux nombreuses variétés de gris qui tempèrent l’abondance des couleurs trop vives, et surtout à leurs textures si différentes et variées.
L’éventail des techniques utilisées (émulsions, infimes glacis, grattages) se retrouve aussi sur les surfaces colorées, les bleus en particulier, pour s’opposer à la neutralité des zones de repos. Que dire alors du noir, ce fond prégnant qui exalte toutes les couleurs de la toile ? Le choix délibéré de cette grande quantité de surface monochrome, au delà de l’effet évident du clair/obscur constant permet de créer un espace profond qui ramène les fragments colorés au premier plan ; cette dualité fond/forme figure dans les principales préoccupations de l’artiste et trouve sa réalisation à travers ces dichotomies successives : noir/couleur, plein/vide, rigueur/hasard, aplats/matières qui constituent l’essence de cette peinture.
Pour en savoir plus
- Carton d’invitation de l’exposition Lavigne/Astoux, 2013 Espace culturel Les Arcades à Antibes
- Carton d’invitation de l’exposition Lavigne/Voiley, 2013 Transartc afé à Antibes
Sites
Site Transartcafé
http://transartcafe.pagesperso-orange.fr/Jacques_Lavigne.html
Site performArts
http://www.performarts.net/performarts/index.php?option=com_content&view=article&id=11:jacques-lavigne&catid=1:artistes&Itemid=25
- Jacques Lavigne, Sans titre, 2012 Papier déchiré et acrylique sur toile
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