Dans un dialogue silencieux, les matériaux bruts et la terre cuite des sculptures de Raâk échangent
avec celles de Ghyslaine et Sylvain Staëlens.
Parallèlement, les photographies de John Conley entreprennent une danse enivrante qui glorifie la
femme et la poésie du corps.
Les sculptures
Raâk et la Bretagne, indissociables.
Elle y puise toute son inspiration et semble en être une
incarnation ayant pour mission d’en exalter l’esprit immémorial ; là, elle est dans son élément, ses
Éléments devrait-on dire : Eau, Terre, Feu.
Terre et Feu mêlés puisqu’une grande partie de son oeuvre, hantée par les origines et les instincts
primitifs, est constituée de sculptures en terre cuite.
Qui dit poterie, dit travail du feu ; celui-ci est une passion pour Raâk, peut-être parce qu’il a quelque
chose de magique mais il a ceci de particulier que le résultat n’est jamais acquis d’avance ; cette part
d’incertitude ne l’effraie pas, au contraire, l’artiste ose tout ; c’est ainsi qu’elle obtient des poteries
d’apparences et de couleurs très variées, sa dernière découverte étant la technique du raku (mot
japonais) qui donne une magnifique poterie noire aux multiples reflets.
L’humain est son thème de prédilection : couples qui ne font qu’un, au sens propre du terme, les
formes s’imbriquant les unes dans les autres, deux jambes pour deux, formes massives pas tout à fait
dégagées de leur gangue primitive, formes généreuses de la Terre-Mère qui offre la Vie ; sérénité
apparente cependant car la tension entre une certaine joie de vivre et un mal-être existentiel plus
profond demeure perceptible : les êtres solitaires semblent un peu perdus et les couples enlacés si
étroitement ont l’air de se protéger du monde extérieur.
Autre variante de la terre cuite : des tableaux où l’artiste aborde la mythologie celtique et son
paganisme teinté d’une forme de spiritualité ; privés de volume, les personnages en acquièrent une
fluidité supplémentaire, celle de l’eau.
L’eau ; les galets du bord de mer, sur lesquels, en quelques traits de pinceaux, Raâk fait par exemple
apparaître une déesse-mère protégeant les enfants d’un village, utopie d’une harmonie introuvable
dans la vie réelle. L’eau, qui fournit les algues qu’elle récolte pour dessiner des créatures fantastiques
(et éphémères) sur le sable, et puis des poèmes, des livresobjets, des peintures pyrogravées…
Raâk poursuit ainsi son « voyage en terre inconnue » (titre d’une sculpture), celle de son monde
intérieur d’une grande richesse.
– Colette Pilletant-Rey – 2009
Ghyslaine et de Sylvain Staëlens
L’univers de Ghyslaine et de Sylvain Staëlens s’est mis en place depuis qu’ils se sont installés en
Auvergne ; la rencontre s’est faite entre un paysage extérieur et un monde intérieur qui leur est
commun. Ce paysage dur, ingrat, sans âge, les a dépouillés d’une modernité superflue et leur a
permis d’explorer un imaginaire enfoui ; la Terre est leur élément et ils lui empruntent des matériaux
qu’ils collectent dans leurs promenades ou qu’ils travaillent après récupération.
En même temps, ils ont mis au point leur manière de travailler, en osmose totale, sans que l’on
puisse démêler ce qui vient de l’un ou de l’autre ; tout se fait sans heurts, l’un continuant la sculpture
que l’autre a commencée.
Ghyslaine et Sylvain Staëlens réalisent des bas-reliefs, des totems, des poupées, assemblages
complexes et savants de branches et de branchages, de pierre volcanique broyée et de fil de fer, le
tout recouvert de sable rouge local, collé, donnant à l’ensemble un aspect rouillé. Leurs créations
provoquent d’abord un choc proche de la sidération par leur force et leur présence : les totems, issus
d’on ne sait quelle civilisation primitive, impressionnent par la sévérité et parfois l’hostilité qui s’en
dégagent ; même bienveillants, ils vous regardent si intensément qu’on ne peut les ignorer.
Dans les bas-reliefs, l’on retrouve le même effet de métal rouillé, de terre aussi mais cette fois
devant des figures exprimant la souffrance, bouches béantes ouvrant sur le vide, yeux vides, corps
tordus dans des entrelacs d’organes qui semblent pétrifiés, toujours entravés par des liens nombreux
et inextricables, scènes de chasse cruelles, enfants confrontés eux aussi à l’horreur ; l’ensemble
repose sur un fond également composé d’entrelacs et entouré de fragments hérissés ; c’est l’enfer de
Dante mais l’enfer sur terre, même les anges, il y en a, semblent étonnés d’avoir des ailes !
A la manière des civilisations africaines ou précolombiennes, totems, bas-reliefs et poupées semblent
fonctionner comme des objets magiques à la fois chargés d’exorciser tous les maux qui nous
menacent et de symboliser la force de l’esprit, par la création même.
– Colette Pilletant-Rey – 2009
Staëlens
Les photographies
John Conley est né à Madison dans le Wisconsin, USA. Depuis une quinzaine d’années, il vit et
travaille à Paris.
John mène depuis plusieurs années un projet photographique autour de la question de la mode. En
effet, il aime raconter des histoires en créant des univers irréels où les femmes sont sublimées. Il
revisite les codes et convenances de nos sociétés en transformant la vie réelle en rêve. Ses images,
tels des photogrammes de cinéma, nous entraînent dans des décors fantasmatiques où la fiction
prend le dessus sur la réalité. Les modèles sont à la fois des grands tops ; par exemple, la jeune
marocaine Hind Salhi qu’il a été l’un des premiers à repérer et à photographier ; mais aussi de simple
anonyme qu’il arrive à magnifier. Sous son oeil, l’âme des modèles est mise à nu dans une intensité
subtile. Le cadrage et la lumière est pensé de manière cinématographique.
Il collabore également depuis de nombreuses années avec le photographe allemand Peter Lindbergh.
En novembre 2006, John réalisa pour lui un court-métrage de 13 minutes projeté chez Azzedine Alaïa
lors de la soirée de sortie du livre Untitled 116.
En 2008, il devient le producteur de son film Everywhere at Once qui est une collaboration entre la
réalisatrice de films expérimentaux Holly Fisher et le photographe de mode Peter Lindbergh.
Parallèlement à cette pratique, il voyage énormément : Etats-Unis, Maroc, Chine, Kenya... Ces
migrations l’inspirent et le nourrissent. Il réfléchit sur la question du paysage et la place de l’humain
dans son environnement dans ses séries The Space Between et All That You Left Behind. Ses images
évoquent le dépaysement et l’isolation de l’individu. John Conley s’investit aussi depuis 5 ans sur un
projet documentaire vidéo et photos, pour la NASA. Spaceward Bound explore les différentes vies sur
Mars à travers de nombreux voyages et expérimentations.
Dans cette exposition, John Conley propose plusieurs parties distinctes, l’une sur la danse avec les
images de la chorégraphie Smart (2007) de Carlo Locatelli, une autre sur les femmes (Fashion, Real
women et Polapan), et enfin une partie sur les paysages.
L’Espace Miramar, situé au rez-de-chaussée de l’ancien hôtel Palais
Miramar à l’angle de la rue Pasteur et de la Croisette, est un espace
culturel composé d’une salle de spectacle, d’un grand hall et d’une belle
salle de 97 m2 destinés à accueillir des expositions. Une dominante :
l’Image, avec de nombreuses projections cinématographiques et une
programmation d’expositions temporaires toute l’année. L’Espace
Miramar est porteur d’une identité affirmée : c’est principalement la
photographie et plus largement les arts plastiques qui sont à l’honneur
dans la programmation des expositions. Proche de l’art
cinématographique, donc proche de la spécificité cannoise, la
photographie compte de plus en plus d’amateurs. Des amateurs qui seront
ravis de trouver, entre les événements artistiques proposés à l’Espace
Miramar et la politique des expositions menée par les Musées de la ville
un ensemble cohérent et une ligne directrice forte pour l’art d’aujourd’hui
à Cannes.
Vernissage de l’exposition : mercredi 15 décembre 2010 à 18h00