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FEUILLETON : Et si l’Ecole de Nice nous était contée ? - CHAPITRE 8 : QUESTIONS DE L’ORIGINE - Par France Delville pour Art Côte d’Azur

L’histoire du fameux quatuor qu’est le Groupe 70 a été entamée précédemment par l’évocation de son critique attitré Raphaël Monticelli, et de Max Charvolen qui vient d’inaugurer le nouveau CIAC (Centre International d’Art Contemporain de Carros) par un travail de mémoire sur l’ancien état du château. Continuons avec les deux derniers membres, Martin Miguel et Serge Maccaferri, tous aussi prestigieux… en nous émerveillant que quatre individus aient pu converger en une réflexion d’importance pour l’Histoire de l’Art – fait reconnu - tout en divergeant considérablement eu égard à leurs fortes personnalités, et livrant ainsi des développements uniques à notre propre réflexion.

Martin Miguel

« Essuyages branches » 1978
Martin Miguel

Né le 14 février 1947 à Nice, Martin Miguel passe par les Arts Décos de Nice, en est renvoyé en même temps que Dolla, Maccaferri et Charvolen, c’est devenu une légende, les Arts Décos n’étaient pas assez subversifs pour eux avant l’arrivée de Viallat. Il obtiendra son diplôme ailleurs. Retour du service militaire en 1968, ce sont des « réunions dans l’appartement commun de Dolla, Maccaferri et Miguel, où Alocco participe activement aux discussions qui concernent la pratique picturale » (dixit Ben dans son catalogue « A propos de Nice », Beaubourg, 1977).
Martin Miguel se retrouvera avec eux dans le groupe INterVENTION , puis co-fondera le Groupe 70 avec Charvolen, Chacallis, Isnard et Maccaferri. C’est l’époque de ses « Négatif/positif » dont il dira en 1971 : « Actuellement, pour moi, l’essentiel n’est pas de faire, grâce à l’œil, quelque chose de plaisant au cerveau, mais plaisant à l’œil grâce au cerveau ».

Comme l’écrit Raphaël Monticelli dans « L’Ecole de Nice » de Marcel Alocco (ed. Demaistre) : « Le travail de Miguel s’oriente dès le début sur des préoccupations de mise en espace jouant sur le manque ou la rupture, et dans lesquelles les objets et outils de l’art ne sont jamais pris comme données évidentes. Outils, supports, pigments, modèles sont à la fois ce dont le peintre se sert pour construire les objets plastiques et ce que les objets lui permettent de construire.

1970-1990

Ainsi de « L’Espace mental » de 1968 , construit autour d’une découpe et d’un vide, aux montages de peinture et béton bâtis autour de fragments d’encadrements de portes et de fenêtres de ces dernières années, son travail creuse l’une des problématiques en raison desquelles s’était constitué le Groupe 70 ».
Ou encore dans N.D.I.R n°1, Paris, été 1976 : « De 1973 à 1974, lorsque Miguel présente des parallélépipèdes enduits de peinture et développés par empreinte sur un support, il instituait entre un objet et son développement géométrique un rapport de ressemblance ; l’œuvre était constituée du rapport entre un objet choisi justement pour ses qualités plastiques (la facilité avec laquelle on peut le reconnaître) et sa représentation ; entre un objet et son traitement plastique. »
Et Marie-Claude Chamboredon (« Miguel », galerie Lieu 5, Nice, 1980) : « … à cela Miguel oppose une conception, une manière de faire la peinture, dans laquelle le modèle est agissant, productif et élément à part entière de l’activité plastique : ni référence extérieure au domaine de la peinture, ni lourdeur héritée du passé et à rejeter. ».

« Travail 1977 », dans le catalogue

En 1977, Martin Miguel participe à l’exposition « Ecole de Nice ! » à la galerie de la Salle, place Godeau, Vence , dans sa préface au catalogue, Pierre Restany écrit : « Seul fait notable de la décennie 1967 1977, à part l’inepte jumelage Nice Le Cap en 1974, l’influx imaginatif s’est transféré à l’autre bout de la rue de l’Escarène, où se trouvait l’ancienne Ecole des Arts Décoratifs. Les élèves de Viallat en 1964, Chacallis, Charvolen, Isnard, Maccaferri, Miguel se retrouveront six ans après pour fonder le groupe 70 dont la présence dans l’actuelle exposition d’Alexandre de la Salle constitue l’ajout majeur par rapport à la manifestation de 1967 Chacallis et Isnard quitteront le groupe en 1973 le nouveau panorama étant complété par Dolla, Flexner et Pinoncelli ».

Dès le début le « Groupe 70 » intéresse les critiques, ainsi dans Opus International n°24 de mai 70 Jacques Lepage, chroniqueur des actualités niçoises, écrit : « Un groupe vivant, jeune, cohérent. Cinq garçons : Chacallis, Charvolen, Isnard, Maccaferri, Miguel. Préoccupation commune : rapports espace support. Si l’influence de Viallat, de son groupe (Exposition Support Surface. A.R.C., Musée d’Art Moderne. Octobre 1970) persiste vis-à vis de ce dernier avatar de l’Ecole de Nice, celui ci prend ses distances. Parmi les mieux affirmés, citons Miguel, que nous avons déjà rencontré à Sigma 1969, à Bordeaux, à Montpellier dans un square (cent peintres dans la ville 1970), chez de la Salle à Vence, et dont le travail s’achemine vers une visualisation négative : la projection d’un plan coloré détermine des manques dans des panneaux intermédiaires, décalés par rapport à l’axe constitué par la trajectoire de deux formes fixes. Chacallis utilise des supports empruntés à des matériaux polyvalents, l’évolution de la couleur appelant à une lecture modificatrice de l’objet. Charvolen découpe à l’aide d’une silhouette stéréotypée (femme nue) des espaces variables. Maccaferri par des indications arbitraires, comme les lissiers le font pour les cartons de tapisserie, s’en remet à la mémoire supposée du lecteur. Isnard déroule des empreintes, mêle des câbles de diamètres différents. Cinquième groupe qui se constitue à Nice, depuis les ancêtres Klein, Arman, Raysse, il prend une option sérieuse sur l’avenir ».

Et dans la même revue, en avril 1973 (n°43), concernant une exposition des œuvres de Klein à Cagnes : « Les plus jeunes de ceux venus après lui, le groupe 70, en rupture totale avec le nouveau-réalisme, ne lui doivent pas moins sa déstructuration d’une pratique picturale. Eux, soucieux d’établir une lecture spécifique de la peinture, se livrent à une déconstruction de ce que fut le « tableau » de chevalet. Chacallis, Charvolen, Isnard, Miguel et Maccaferri s’y emploient avec un vocabulaire différent mais complémentaire ».

Essuyages d’angle » 1980

Répétons-le, le miracle sera la dissemblance des travaux de ceux qui habiteront le plus longtemps le sigle Groupe 70 : Charvolen, Miguel, Maccaferri, sigle qu’ils lâcheront un jour pour approfondir chacun de son côté leurs vocabulaires faits d’un choix particulier de matières et de signes, mais à chaque fois des bouts de monde avec un rapport fouillé à soi et au mur, dans des équations très complexes.

Pour Martin Miguel, la clé de ces coins abandonnés calcinés que sont ses œuvres - aux chambranles dévastés, loques de bâtiments retournés à l’énigme pour des archéologies en déroutes, lourdeurs du béton, compacités angoissantes là où l’enduit ne se déduit plus, et tau de la Croix, ce malentendu qui revient faire écho sur la planète désertée, mais aussi ces petits bijoux d’un opus incertum aux pertes de couleur, aux giclures aléatoires, géodes pour zonards, violence des rebuts de décharges éclaboussées des chimies négligées - il la donne tellement bien lui-même dans son texte de 1999, car il est aussi poète : « Dix lignes ruisselant d’incandescentes suées de ville en fureur noire d’échappements de fleurs échappées de pleurs ciel en plein champ étalant d’insanes corps tordus tronqués mordus sexués de mots feux où se terrent mémoire écrasante vive écrasée morte enfouie drôle architecture grêle vacante hélant sans détour des lumières délurées esseulées sans doute qu’un aveugle instant charrie mains doigts bras corps cœur œil cyclone œil cyclique œil pourpre de fatigue œil rêvé bleui d’étranges profondeurs encore attendre l’improbable laisser couler le roc le bitume le béton le temps iriser le temps la pensée océan amarré pauvre stock loque figé sel la cité temps n’attend plus son ombre expansible creuse la ride qui t’absente vieille figure lasse laisse le ténébreux chaos pénètre avide l’insémine l’enfle ample féminité le ru la rue ineffable et l’ancre au sein des mémoires fleuries des caresses éoliennes où repose l’indéfini ».

« Tau » 2006

Le texte du catalogue de l’exposition Miguel à l’Espace Vallès, St Martin d’Hères (1996), « Béton et Peinture », (préface de Raphaël Monticelli) est un long dialogue entre Martin Miguel et Michel Butor, en voici un extrait mais il faudrait le méditer longtemps (titre : « Peindre ou sculpter ») :
- Martin Miguel : …. et je me suis toujours défendu de faire de la sculpture, parce que mon problème majeur a toujours été la cou¬leur ; tout mon travail a toujours été pour moi une pensée autour de la couleur. Mon problème est ce problème du peintre qui consiste à se demander comment concevoir, penser la couleur (photo « Miguel5 » « Géodes » 1989, catalogue Espace Vallès)
Couches et sédimentations : peindre en arrachant et en décollant.

- Michel Butor : Il y a deux points que je tiens en réserve pour répondre à votre propos. Il y a premièrement votre intérêt pour les couches superposées, pour la sédimentation ; et deuxièmement, le problème de la sculpture et de la couleur. Parlons d’abord du problème de la sédimentation Ce problème, m’avez vous dit, a été, dès l’origine, très important pour vous. Je pense qu’il l’a été justement parce que c’est par la sédimentation que vous éloignez le support : finalement, au bout d’un certain temps, si vous accumulez suffisamment de couches, il n’y a plus besoin de support : les couches deviennent elles mêmes un support ; et on peut, par conséquent, enlever la toile originelle, et passer de l’autre coté du support. Ce que je voudrais savoir, à ce point de notre conversation, c’est si vous vous êtes, alors, dans ces années 60 70, intéressé aux gens qui travaillaient dans l’arrachage d’affiches et qui montraient donc des superpositions d’affichage : ils ont fait de la peinture en enlevant des couches au lieu d’en ajouter. Vous voyez à qui je pense, Aeschbacher, par exemple et ses amis. Qu’est ce que ça vous disait ?

- Martin Miguel : Il est vrai que dans mon travail, il y a un rapport important au nouveau réalisme.

- Michel Butor : Voilà qui nous donne une autre référence que simplement support surface
Martin Miguel : A vrai dire, au début, ma référence, le mouvement par rapport auquel je me suis situé, c’est le nouveau réalisme, et, dans le nouveau réalisme, davantage Klein que les affichistes. Parce que c’est Klein qui, à mes yeux, posait plus que qui¬conque les problèmes du rapport au tableau, à ses outils et à ses modèles. Voyez vous, Michel, je crois que c’est en partant de Klein que j’ai, à ma manière, contribué aux questionnements et au développement de l’esthétique du mouvement Support Surface.

- Michel Butor : En fait, ce qui est important chez les affichistes, et que je retrouve dans votre travail, c’est qu’ils renversent le processus habituel de coloration.

- Martin Miguel : Oui, d’un autre point de vue, j’ai retenu des affichistes que je considère la couleur moins pour sa valeur d’image que pour sa valeur d’objet. C’est ça qui fait le lien. C’est là que je sens que je colle bien avec les affichistes puisqu’à la fois c’est des images, et qu’en même temps on perçoit bien la matérialité de chacune d’elles. (photo « martin6 » : « Opus incertum » 1995/96)

-  Michel Butor : L’arrachage fait qu’on explore la couche, qu’on explore la sédimentation, et vous êtes sensible à cela.

Il y a un autre fait très important chez ces gens là, c’est qu’ils partent de l’affiche qu’il y a sur les murs, et que l’affiche inclut du texte, et ça c’est une image extrêmement importante ; alors que chez les gens de Support-Surface, au moins du début, il n’y avait pas de texte : ils ne savaient pas quoi faire avec du texte, ce qui explique les difficultés qu’ils ont eues à commencer à faire des livres d’artistes. Pour les affichistes, au contraire, il y avait toujours du texte inclus, avec toute la riches¬se des formes qui viennent du texte et qui renvoient directement au cubisme et aux papiers collés. Les papiers décollés, forcément, renvoient aux papiers collés Si ça vous amuse, j’ai un Aeschbacher de cette époque là ; et une très jolie chose de Jiri Kolar, un décollage. Jiri Kolar travaillait à Prague dans une complète solitude, mais en se tenant au courant comme il pouvait de ce qui se fai¬sait… comme on pouvait savoir à cette époque quand on était dans un de ces pays là.

- Martin Miguel : Pour poursuivre sur la question du décollage, je pense à un aspect du travail que nous avons développé, Max Charvolen et moi, fin 70, début 80, et que Max continue à développer avec ampleur : on enrobait des objets ou des lieux de parcelles de papier ou de toile, puis on décollait et on mettait au mur à plat. Les affichistes, eux, décollaient et récupéraient, comme un ready made, un objet urbain ; peut être pouvaient ils construire eux mêmes leurs panneaux, en tout cas, la perception qu’on en a, c’est le panneau d’affiches lacérées récupéré. Nous, on décollait non pas pour ôter ou récupérer mais dans la perspective d’une autre construction de l’espace plastique où figure et support s’interpénètrent, où le modèle figure dans le format, où la couleur figure un rapport spatio-corporel au modèle, où le résultat est un objet inédit.
Voir l’interview vidéo de Martin Miguel en cliquant ici

SERGE MACCAFERRI

Un texte non signé du très utile catalogue de l’exposition (avril-mai 1998) à la Fondation Sophia Antipolis intitulée « Ecole de Nice, Documents de 1954 à 1997 », organisée par Frédéric Altmann et Roland Moreau, a le mérite de dégager les phases qui structurent les travaux des membres du Groupe 70, en ces termes : « … c’est ainsi que (les membres du groupe 70) participent au renouvellement de l’avant garde picturale française des années 60 70, mettant en cause aussi bien le Nouveau Réalisme que l’Ecole de Paris. Leur travail se développe depuis cette époque dans les mêmes exigences esthétiques et la même rigueur qui avaient initié leurs démarches et motivé leur réunion. Entre 67 et 75 environ, on peut dégager une première période où chacun met en place sa problématique et construit ses préoccupations plastiques majeures.

« Sans titre » (1973)

Deuxième période, dans la deuxième moitié des années 70 : le problème est alors de travailler au traitement des relations entre la pratique de l’art et la réalité sensible. D’une certaine façon on se posait les questions de la figuration et la représentation, du dépassement du conflit entre abstraction et figuration. Troisième période, depuis les années 80, après la mise en place de tous les éléments de leurs problématiques, développement continu du travail et extension du champ d’application possible de l’expérience plastique ».

Dans une interview filmée en 1997 à la Galerie de la Salle, Saint-Paul, Serge Maccaferri développe longuement comment sa recherche est née, comment les étapes se sont succédées : né à Troyes, habitant Menton, c’est aux Arts Décoratifs de Nice qu’il rencontre Noël Dolla, Martin Miguel, et, dans une classe de plus jeunes, Max Charvolen, Fabien Isnard, Louis Chacallis, et c’est parce qu’il a épinglé au mur des images de Cézanne et Matisse que pour sa part il en a été exclu. C’était interdit. Question de mentalité, explique-t-il, le directeur voulait faire une école aseptisée, presque pour ingénieurs. Lorsqu’il revient de Marseille où il passe son diplôme, il rencontre régulièrement Chacallis, Isnard. Comme personne ne leur demande d’exposer, ils montrent leurs œuvres dans le vaste appartement de Chacallis, ainsi que dans la rue, avec Viallat. C’est l’époque des « bandes » bicolores de Serge Maccaferri, sans châssis, puisque c’est la problématique de l’époque. Il les dispose partout, sur les trottoirs, dans les arbres. Une forme de pré-Buren. Qu’il connaît. Ce qui l’a ouvert à l’art, ce sont « Les Lettres françaises, où écrivent Jacques Lepage, Michel Gaudet. Il pense, ainsi que ses camarades, que les expositions chez Chacallis sont les premières du groupe 70.

exposition « INterVENTION » à la galerie de la Salle

Il y a eu à Tours deux années de travaux appelés INterVENTION, des petits cahiers, avec Alocco, Pagès, Saytour, Miguel, il y a eu plusieurs manifestations, dont celle de la Galerie de la Salle, après les choses se sont précipitées, les uns sont allés vers Support-Surface, les autres en ont décidé autrement. A l’époque Serge faisait des flèches, son premier travail de rupture par rapport aux Arts décos, en bois, en linoléum… Après la question des bandes s’est posée la question de la limite du tableau, son rapport avec l’extérieur.

« Flèches » (1969)

Question de l’assemblage, aussi, pour les bandes cousues les unes aux autres : la taille des pièces était en fonction du lieu, la qualité plastique de l’œuvre était importante, mais aussi son rapport avec le lieu. Les flèches avaient été exposées à Tours, un signe indiquant qu’il fallait aussi regarder à l’extérieur, autour du cadre, autour du tableau, dans l’espace environnant.

« Bande, cadre » (1973)

Ensuite sont venues ce que Raphaël Monticelli a appelé les « Bandes-cadres », des bandes de tissus peintes, de couleurs différentes, avec des traces du cadre, et puis il y a eu le rapport bois/tissu à l’époque de la Rochelle, avec Viallat, les œuvres étaient accrochées dans la rue, les pompiers les ont détruites, les gens se sentaient agressés. Puis le bois a été repris, qui en tant que châssis avait été abandonné. Le bois devient une matrice, un élément riche, épais, dense, feuilleté, plus seulement un support. Le fil électrique enduit de peinture par sa plasticité devient une étrange écriture, un graphisme. Le tissu peut aussi changer de fonction, se transformer en bandelettes qui feront d’un triangle une géométrie nouvelle, emmaillotée, l’incision permettra de montrer un intérieur, processus qui peut même partir de rien, le tissu enroulé, sorte de colombin, est éventré, évoquant le cochon qu’on égorge, qu’on éviscère, les « tripes » alors sont susceptibles d’être suspendues, évoquant les écorchés de Soutine, hommage détourné car il ne s’agit plus de l’animal mais de la Peinture, « éventrement » de la peinture. Les tripes de la peinture.

Evidemment des textes de Raphaël Monticelli sont prioritaires pour parler de Serge Maccaferri comme des autres artistes du Groupe 70. Ainsi : « Le travail de Maccaferri se développe en limite de lieux, d’espaces, de sens et de signes. Les Fléchages de 1969, comme les Bandes cadres de 1973 posent en problèmes l’orientation, la limite, la couleur, en questionnant et mettant en doute le fléchage comme signe de l’orientation, le cadre, comme indice de la limite de la toile, ou la couleur comme marque de différence entre l’envers et l’endroit. Dans le même sens, les citations pop de 1975, les concrétions accumulées de toiles et de peinture de 1976, ou les travaux de cendre et d’huile de ces dernières années, mettent à mal la figure ou la couleur comme fait de surface. C’est parce qu’il met en question le sens par une exaltation des matières que Maccaferri se sent fondé à revendiquer son travail comme ni allusif, ni représentatif, mais matérialiste ».

Dans le même catalogue, une citation de Serge Maccaferri tirée de « Groupe 70 et Supports-Surfaces » aux Editions Art Transit, Marseille, 1992 : « Mon travail se propose comme matériau d’expérience et de réflexion. Il n’est ni allusif ni représentatif mais matérialiste. ( ... ) Mon propos se situe dans le champ de la peinture, une fois celle ci réduite à ses constituants élémentaires (support, couleur…. ».
Et dans la même édition Art Transit, Raphaël Monticelli : « Chez Maccaferri, il y a des choses extraordinaires lorsqu’il fait des trous sur des supports, les trous, soit il les agrandit au chalumeau, soit il les bouche avec des accumulations de couleurs. Il y a toujours les jeux du temps, soit des accélérations temporelles, avec les marques de feu, soit des jeux de sédimentation, de séchage ». En en 1992 également, pour l’exposition à la Fondation Sicard Iperti : « Si Charvolen fait œuvre de l’absence de l’objet, Maccaferri travaille sur sa perte, la perte, les pertes. Il y a, dans sa démarche, quelque chose qui s’apparente aussi à quelque sourde et insatiable colère rentrée qui se résout dans la hâte, la presse, l’urgence. J’ai toujours été perturbé par la vitesse avec laquelle il réalise ses œuvres, prend une décision plastique, passe d’une problématique à une autre, tord les regards, leur jette en pâture les restes éblouissants d’une virtuosité dérisoire et comme tragiquement désinvolte. J’ai le regard lent et il a le geste rapide ; j’ai tendance à la contemplation quand il m’apparaît comme un artiste de l’action. Il est pour moi le désorientant, j’ai toujours l’impression, quand j’aborde son œuvre, de me livrer à des trous d’air ».

En 1997, Serge Maccaferri participe à l’exposition « Ecole de Nice. » de la galerie Alexandre de la Salle. Dans le catalogue « Maccaferri35 ou 35bis « Sans titre » 1995 », il écrit : « Trois mots pour l’Ecole de Nice. Trois générations de peintres dans la région niçoise. Mais ni trois mots, ni trois lignes, pour pouvoir expliquer l’importance de ce vivier de création, et l’influence qu’il a eue sur mon travail. »
En 1999, sur Serge Maccaferri présent dans la rétrospective « le Paradoxe d’Alexandre », Alexandre de la Salle écrit : « Lui et Miguel, arpenteurs d’espaces inattendus, de rencontres insolites, comme sortis d’un roman d’Agatha Christie, où on ne saurait plus très bien qui cherche quoi. Codeurs et décodeurs d’un seul mouvement, et projetant dans un futur des matériaux usagés. Comme si l’histoire se devait de continuer tout en se modifiant. C’est à la fois fort, subtil, et dérangeant ». Et Serge Maccaferri lui-même : « Les derniers travaux datant de 1998 jouent sur des superpositions d’images dégradées et diverses couleurs, ou plutôt de traces de couleurs dégradées. Ces traces étant mises en rapport, pour comparaison, avec la lumière matrice. Technique : bois peints, colorés, ou brûlés, emploi de toile de verre, ou de voile moustiquaire ».
Encore une histoire de matrice. Oui, le travail de Serge Maccaferri, d’une alchimie matérialiste accomplie, est allé recherché la texture de la concrétude pour la reconstruire en des objets signifiants qui recréent, au sens propre, le monde

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