| Retour

SALON ART CONTEMPORAIN : Et moi, et moi et moi ! - Reportage réalisé par Olivier Marro pour Art Côte d’Azur

Le salon de l’auto débarque à Nice. Mais ne comptez pas y acheter un de ces derniers cabriolets car il s’agit du salon de l’autoportrait. Un miroir tendu aux artistes et à notre époque à l’initiative de la Galerie Espace à VENDRE en partenariat avec le FRAC PACA.

L’auto satisfaction vue par Joel Hubault

Il a ouvert ses portes les 25, 26 et 27 novembre et réserve bien des surprises jusqu’à la fin janvier. Ce premier salon d’un genre inédit en France a été imaginé par Bertrand Baraudou qui, entre la fermeture de sa galerie Espace à vendre et la réouverture d’un nouveau lieu avec Ben a décidé de créer l’événement hors les murs autour d’un constat :
« D’une part notre société brille grâce à la numérisation et à la prolifération des réseaux (Internet, portables) par sa faculté à offrir des débouchés au narcissisme. D’autre part, l’art contemporain, de Duchamp à Warhol, a montré lui ses dispositions à produire des exercices d’auto-représentations sur tous les modes, à toutes les sauces. On était parti pour une expo mais face à l’ampleur de la tâche, on s’est dit que cela valait bien un salon » avoue celui qui semble avoir trouvé une niche en initiant ce salon au concept élastique car « il y a aussi tous ces artistes qui s’utilisent comme sujets pour des raisons pratiques ou économiques ».

Bertrand Baraudou (c) H.Lagarde pour Art Côte d’Azur

Les trois jours de vernissage ont donné le coup d’envoi d’une formidable invasion d’égo dans tout Nice, avec au Musée Chagall une « performance conférence » de Thierry Lagalla suivie d’une table ronde qui dévoila autour de son conservateur Maurice Fréchuret ainsi que d’invités prestigieux les mille et une facettes du sujet.

Le tout à l’ego

Le Salon de l’auto s’est donc ouvert à tous les champs artistiques, la vidéo, la peinture, la photo, installations et même à la musique car, commente Bertrand « Il y a énormément d’artistes à qui les cimaises ne suffisent plus et qui montent sur scène avec des guitares ». Une autre façon de se mettre en scène depuis que le Velvet Underground et Warhol ont allumé la mèche. Alors est née l’idée de rajouter une pièce musicale à ce grand jeu de l’égo : le FMAC (Festival de Musique des Artistes Contemporains) convoque à l’auditorium du MAMAC et à l’atelier Soardi quelques formations hybrides comme celle « I Apologize » menée par l’emblématique Jean-Luc Verna, Jonathan Cejudo, Arnaud Maguet et son label « les disque en rotins réunis », ou encore Thierry Lagalla qui s’exprime aussi par la performance musicale.
L’Atelier Soardi sous le commissariat de Cynthia Lemesle et Jean-Philippe Roubaud et le Dojo sont les navires amiraux d’un programme d’expositions qui fédère sur une dizaine de lieux niçois (dont une majorité affiliés à l’association Botox) une quarantaine d’artistes et autant de pièces issues de collections privées, galeries et du FRAC PACA. Le principal partenaire du Salon de l’auto a fait un prêt d’une vingtaine de pièces comme l’intriguant « Objet à se voir regarder » de Philippe Ramette. « On a essayé de gratter en surface, de ne pas présenter des autoportraits purs. Il n’y en a quasi pas ou alors comme un pied de nez. Ce qui nous intéresse c’est de surprendre, de témoigner de l’évolution de l’auto-représentation ». En effet « Regardez-moi cela suffit ! » disait Ben en 1962 mais un demi-siècle plus tard cela ne suffit plus. « L’auto-narcissisation » a repoussé les limites au point qu’il faut que l’on nous voit en train d’être vus selon le principe qui a fait le succès de Facebook.

Le MAMAC, La Station, et les autres

Dans ce parcours du moi se mirant en eaux troubles on remarquera une très belle exposition à l’espace Halogène autour de la figure superstar de Maurizio Cattelan, considéré avec Jeff Koons et Damien Hirst comme un des artistes les plus cotés de sa génération. À la galerie Sandrine Mons, John Coplans livre des études crues de son corps vieillissant qu’il a photographié en le découpant des pieds jusqu’aux mains. Treize ans de travail, de 1984 à 1997 pour faire la coupe d’une entité corporelle dont chacune des parties relate le vécu de l’artiste.

Cécile Mainardi (c) H.Lagarde pour Art Côte d’Azur

L’écrivaine Cécile Mainardi qui s’est vu confiée elle un commissariat à l’hôtel Windsor a revu avec dérision le lieu sous le signe « du dernier des Moïques ». Elle s’en explique : « C’est un mot du jargon psychanalytique pour l’instance du moi qui définit la capacité psychique à se représenter soit-même comme sujet ». Proses hyper autobiographiques et poèmes dialoguent avec des œuvres signées Noel Dolla, Tilo, Lagalla, Ben, Anna Biskof, Karim Ghelousi, Julien Bouillon et Zora Cahuzac.

La Station présente elle « Auto-Station », un autoportrait de l’association qui accueille dans ses ateliers au sein des anciens Abattoirs une dizaine de plasticiens et deux musiciens. « Alors que nous participons habituellement à la monstration d’artistes extérieurs, exceptionnellement, le collectif se dévoile au cœur des 350m2 dans une exposition en mouvement permanent, les artistes se réservant le droit de la faire évoluer jusqu’à son terme » explique Cédric Teisseire.

Jena Luc Verna - Body Double 2007 , Film "Eyes Wide shut"(stanley Kubrick)

À l’auditorium du MAMAC et au Dojo, c’est Jean-Luc Verna qui s’invite dans deux films de la série Body double signée Brice Dellsperger « le deuxième film est une version de « Eyes wide shut » où Jean-Luc joue les rôles de Tom Cruise et de Nicole Kidman. Il joue également dans Body double X qui détourne lui le métrage de Zulawski : L’important c’est d’aimer » commente Bertrand.

Jena Luc Verna - Body Double 2007 , Film "Eyes Wide shut"(stanley Kubrick)

Deux OVNI entre Septième art et vidéo plasticienne à découvrir. Des œuvres de Claude Closky, Pierrick Sorin, Absalon, Paul Mc Carthy Mike Kelley, le « Faux mariage » de Sophie Calle ou encore « un miroir très réfléchissant » d’Arnaud Label-Rojoux où l’on peut lire dessus « Toi-même » sont au menu de cette foire de l’égocentrisme qui espère bien faire parler d’elle et prospérer.
Ce premier millésime est d’ailleurs pour Bertrand une préfiguration : « On est parti sur une voilure basse pour le lancement. La prochaine édition ne se fera pas forcément à Nice. J’ai déjà des propositions pour le FMAC sur Avignon en 2011 et Marseille où le nouveau FRAC PACA doit ouvrir en 2012 son plus grand espace national ».

Nice, une ville qui n’a jamais manqué d’égos et toujours en quête d’un grand événement culturel laissera-t-elle passer le coche ? À suivre !

Nice du 25 novembre jusqu’à fin janvier 2011

Artiste(s)