Les principaux aspects du travail plastique de Brancusi seront illustrés par environ 40 sculptures exemplaires, réparties en plusieurs groupes thématiques. Cette sélection constitue un ensemble d’oeuvres qui, au cours des quatre décennies de création de la maturité de Brancusi, se sont intéressées au problème de la réduction de volumes dans l’espace et de leur transcendance dans la lumière sous forme, pourrait-on dire, d’une exploration de l’essence formelle et de la forme « originelle ». On prendra ainsi clairement conscience de la concentration de l’artiste, toute sa vie durant, sur un nombre limité de motifs sculpturaux.
- Richard Serra, New York, 1987
© 2011, ProLitteris, Zürich
Photo : Serra Studio, New York / Nancy Lee Katz
Parmi les oeuvres présentées sous forme d’ensembles figurent plusieurs variantes de la sculpture monolithique Le Baiser, des Têtes d’enfants poétiques, des Muses endormies, des torses de jeunes filles ainsi que des célèbres Oiseaux dans l’espace. On pourra également voir Princesse X au parfum de scandale, Adam et Eve ainsi que l’emblématique Colonne sans fin. En outre, L’enfant au monde de Brancusi, un « groupe mobile », sera reconstitué à partir des sculptures d’origine. Cette forme de présentation permet de concentrer les oeuvres choisies en une sorte de rétrospective cohérente. Le concept de la variation se voit accorder une importance toute particulière, au même titre que l’expérimentation de différents modes de fonctionnement des matériaux. L’exposition intègre ainsi, outre des figures de marbre et des bronzes, des sculptures sur bois, en ciment et en plâtre. Le jeu avec la matérialité, la diversité des surfaces, les effets de brillance ou d’absorption sont autant de caractéristiques de la recherche par Brancusi d’un idéal artistique. Les groupes de sculptures sont séparés dans l’exposition et se voient accorder une vaste surface afin que leur présence dans l’espace puisse être perçue par le visiteur comme un absolu. En outre, un cabinet photo-graphique présentera un choix de vingt photographies originales, qui éclairent la vision que Brancusi lui-même avait de ses oeuvres.
- Constantin Brancusi dans son atelier, ca. 1933/34
photographie de l’artiste
© 2011, ProLitteris, Zürich
Photo : © Collection Centre Pompidou, Paris, dist. RMN, Paris / © 2011, Constantin Brancusi au Musée national d‘art moderne – Centre Georges Pompidou, Paris, legs de l’artiste / Georges Meguerditchian
L’appréhension déterminante d’une présence idéale dans l’espace, la question de l’essence de la sculpture, sera abordée sous un angle différent mais tout aussi pénétrant à travers dix oeuvres plastiques de Richard Serra représentatives de différentes phases de sa création. On pourra également voir une nouvelle série de travaux sur papier.
Cette sélection d’oeuvres, à vocation rétrospective elle aussi, regroupe des travaux précoces de Serra en caout-chouc et en plomb comme les Belts (1966/1967) et Lead Props, ainsi que ses premières installations d’acier caractéristiques Strike : To Roberta and Rudy (1969–1971) et Delineator (1974/1975). La « curved piece » Olson (1986) inaugure une autre facette de l’oeuvre de Serra. Dans sa simplicité radicale, Fernando Pessoa (2007/2008) est exemplaire de l’évolution actuelle de l’artiste tout en se rattachant à des oeuvres plus anciennes comme Strike.
Serra lui-même a affirmé à maintes reprises son intérêt pour la création de Brancusi, qu’il a pu étudier en 1964/1965 dans l’atelier reconstitué de l’artiste, au cours d’un long séjour à Paris. Tous les jours, Serra y réalisait des dessins qui lui ont permis de trouver accès à la logique du travail de Brancusi tout en s’initiant à sa pensée sculpturale. Serra ira plus tard jusqu’à qualifier l’art de Brancusi d’ « encyclopédie », de « recueil de possibilités », (« hand-book of possibilities »), ce qui ne l’a pas empêché de trouver des solutions sculpturales éminemment personnelles et nouvelles. Cette exposition met ainsi en valeur les relations artistiques entre Brancusi et Serra sous forme d’un dialogue ouvert et libre entre les oeuvres : des juxtapositions directes, qui révèlent des points communs mais aussi des contrastes pleins de tension, alternent avec des ensembles d’oeuvres disposés sous forme de suite, révélant de façon générale la force de la sculpture et la faisant percevoir de façon tout à fait inédite. C’est principalement le corps sculptural, étale dans l’espace et dans le temps et simultanément en équilibre précaire, qui lie les oeuvres singulières de Brancusi et de Serra et renvoie ainsi pareillement à l’universalité et à la continuité de la sculpture.
C’est la première fois que l’oeuvre plastique de Constantin Brancusi est présentée en Suisse sous forme de rétrospective ; de même, la création de Richard Serra n’y a jamais été montrée sous une forme aussi complète. L’installation des sculptures de Serra à la Fondation Beyeler a constitué un immense défi technique, qui a obligé à adapter le bâtiment même du musée à ces conditions statiques inhabituelles. La mise en place de Fernando Pessoa a ainsi obligé à déplacer, poids de la sculpture compris, soixante-dix tonnes d’acier.
- Constantin Brancusi
Muse endormie [I], 1910
Bronze poli, 16 x 27,3 x 18,5 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d‘art moderne, Paris, don de la baronne Renée Irana Frachon
© 2011, ProLitteris, Zürich
Photo : © Collection Centre Pompidou, Paris, dist. RMN, Paris / © 2011, Adam Rzepka
Les oeuvres prêtées pour cette exposition proviennent de collections privées de renom et de prestigieux musées dont le Solomon R. Guggenheim Museum, New York, le Museum of Modern Art, New York, le Museum of Fine Arts, Houston, le Philadelphia Museum of Art, l’Art Gallery of Ontario, Toronto, la Tate, Londres, le Musée National d’Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, la Peggy Guggenheim Collection, Venise, le Stedelijk Museum, Amsterdam, le Muzeul de Art ?, Craiova, la Hamburger Kunsthalle, la Staatsgalerie Stuttgart, le Lehmbruck Museum, Duisburg, le Kunstmuseum Basel et le Kunsthaus Zürich.
Cette exposition de la Fondation Beyeler, dont Oliver Wick est le commissaire, est montée en partenariat avec le Guggenheim Museum de Bilbao, où elle sera présentée lors d’une deuxième étape (8.10.2011–15.4.2012)
L’exposition s’accompagne d’un catalogue de grande tenue scientifique et abondamment illustré, publié en trois éditions distinctes (allemand, anglais et espagnol) chez Hatje Cantz Verlag, Ostfildern. Il contient des articles d’Oliver Wick, Friedrich Teja Bach, Alfred Pacquement et Jacqueline Matisse Monnier ainsi que des commentaires de Raphaël Bouvier, Denise Ellenberger, Alexandra Parigoris, Ileana Parvu, Marielle Tabart, Michelle White et Jon Wood ainsi qu’une biographie des deux artistes. 244 pages, 176 illustrations, CHF 68.–, ISBN 978-3-905632-89-7.
Richard Serra est représenté à Bâle et dans ses environs par trois sculptures d’extérieur installées dans des lieux publics : l’installation Open Field Vertical/Horizontal Elevations du Wenkenpark de Riehen/Bâle, mise en place en 1980 dans le cadre de l’exposition « Skulptur im 20. Jahrhundert » organisée, entre autres, par Ernst Beyeler, la sculpture d’acier Intersection installée en 1992 sur la place du Théâtre au centre-ville de Bâle ainsi que la sculpture d’acier Dirk’s Pod inaugurée en 2004 sur le Novartis Campus, Bâle.
- Vue de l’exposition à la Fondation Beyeler, Riehen / Basel :
Richard Serra
Fernando Pessoa, 2007/ 08
Acier résistant aux intempéries, 300 x 900,4 x 20,3 cm
Collection de l’artiste, courtesy Gagosian Gallery
© 2011, ProLitteris, Zürich
Photo : Lorenz Kienzle