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Chapitre : 76 Ultra Violet (Part I)

Ultra Violet n’est plus… sur cette planète…
… mais comme elle pratiquait une philosophie de la lumière, des photons, des atomes… un peu à la manière de Salvador Dali, l’un des hommes de sa vie, souhaitons-lui d’avoir rejoint un coin de cosmos à elle, où même elle discuterait avec des anges …
Lorsque la Galerie Alexandre de la Salle, Saint-Paul, à la fin du XXe siècle, organisa une fête d’adieu, laissant la place à Guy Pieters, Ultra Violet faisait partie des invités, y compris pour le bain de minuit sur une plage de Villeneuve-Loubet, entre le Grand Large et le Rosy Beach. Je l’avais interviewée chez elle, à Nice, avant de la recevoir dans le cadre de l’E.N.C.A.S (Ecole Niçoise pour la Circulation de l’Art et des Savoirs) le 26 septembre 1996, dans l’Atrium du CICA (Centre international de communication avancée) de Sophia Antipolis, en compagnie d’Antti Lovag, architecte habitologue (sur le thème de « Habitat, lumière et oubli de l’homme »), et d’un jeune physicien qui remplaçait Dan Ostrowski, professeur de Physique, empêché (sur le thème de « Optique, lumière et communication »).

Invitation à la manifestation du le 26 septembre 1996 (CICA, Sophia Antipolis)

L’invitation annonçait qu’il serait traité de la « La fille dans la soupe d’Andy Warhol », de « L’élève et la Muse de Salvador Dali », de la légende des anges de Michel Serres, de Tobie et Raphaël l’ange thérapeute, et puis aussi de la sensualité du cercle, de « sky dômes », de lumière dans l’habitat, de miroirs aztèques, de fibres optiques, du télégraphie de Chaffe, de relais lumineux, et de « demain, informations infinies ? »
Tout cela autour de l’exposition « Lumières virtuelles » d’Ultra Violet, j’ai retrouvé la liste de ses œuvres, leurs titres sont parlants :

1 –Surf on Internet (1994), papier marouflé sur toile, acrylique, tube Lumineux, 3ml2/2m30.
2 Ange apocalyptique (1994), papier marouflé sur toile, acrylique, lm95/lm30.
3 Megacellules sanguines (1994), acrylique, sur support, 4m60/3ml2.
4 Tubulaire lumineux (1996), polycarbonate, acrylique, fils Lumineux, 4mx11cml
5 Anneaux trinitaires (1996), aluminium, lm80/lm49/87cm
6 Paravent volant (1994), plastique et acrylique, 2m80/lm74
7 Antennes paraboliques/3 moduloscopes (1996), fibre de verre, diamètre lm74/lm70/lm50
8 Chaise fractale (1994), métal et acrylique, 8lcm/47cm
9 Cyberspace (1994), acrylique sur support 9m20/3ml2
10 Gigabit (1993), acrylique sur support, 3ml2/2m30
11 CD « oh » CD (1994), acrylique, CD ROM, projection prisme 3ml2/2m30
12 Anneaux et cercles prismatiques 7 (1995), bois, carton, contreplaqué 2m30/1m70
13 – Les Ultra-Terrestres (1994), Sculptures/Mobiles/Luminaires, plastique et acrylique lm/70cm
14 International Angels (1994), papier marouflé/toile, acrylique, lm/73cm
15 Chaise interactive – Hommage à Dali (1996), bois, acrylique 1m/lm20/65cm

« Chaise Dali », capture d’écran du film de France Delville en 1996

Chaise interactive
La chaise dalinienne est dans le film, Ultra Violet en montre le fonctionnement. Pas le temps cette fois-ci de transcrire les développements théoriques teintés de mysticisme d’Ultra Violet, dont elle ne se cache pas, le clip vidéo de 7mn n’est qu’un échantillon, mais une idée claire en surgit, c’est que le rapport à l’objet qu’elle a connu à Nice avec le Nouveau Réalisme et aux Etats-Unis avec le Pop Art ne l’a pas satisfaite, d’où cette myriade d’anges et de planètes qui lui apportent une autre échelle, celle de Jacob, bien sûr… J’avais vu son exposition dans la chapelle de Saint-Paul, je l’ai peut-être filmée… Carmelo Arden Quin dit un jour devant nous que l’on peut faire une œuvre avec n’importe quelle idée (il parlait de Mondrian, dont, en tant que matérialiste, il n’appréciait pas le mysticisme), alors…
Ces anges et planètes sont très esthétiques, et, un peu surréalistes tout de même, quoique Ultra Violet s’en défende. De Dali à Buñuel il n’y a qu’un pas, et l’Ange exterminateur parle bien de « l’intrusion du fantastique au cœur d’un univers apparemment bien en place (l’enfance d’Ultra Violet), des pouvoirs du rêve, de l’obsession de la déchéance et de la mort, des germes de décomposition d’une classe sociale condamnée »… selon les formules d’Alain et Odette Virmaux.
Si, consciemment, cette fois, Ultra Violet a repris de Dali le projet de sauvetage de l’art contemporain, ne serait-ce pas sur le mode d’une vision qui dépasserait le ras du sol (les boulons d’Arman) en explorant plutôt les horizons ?

Œuvre d’Ultra Violet, capture d’écran du film de France Delville en 1996

Ultra Violet à Nice
Ici, à Nice, dernièrement, elle avait exposé à la galerie Depardieu, et Thierry Jan avait écrit cet article sur elle, dans vif de l’actualité…
Le personnage mérite que l’on s’y attarde. Ultra-Violet collabora entre 1963 et 1971 avec Andy Warhol, elle fut également aux côtés d’autres artistes de renoms tel : John Chamberlain, John Graham et Salvador Dali.
Elle va apparaître dans de nombreux films. C’est la période (années « 60 ») de la contestation, Ultra-Violet d’origine aristocratique va s’insurger contre sa classe sociale. Elle est une iconoclaste. Elle est également très connue par son livre : « Famous for fifteen minutes, my years with Andy Warhol ». Un opéra a même été créé sur l’histoire de sa vie.

Elle est là le jour du vernissage, tout de mauve vêtue, on dirait une grand-mère à chat et sans façons vous accueille. Nous abordons l’exposition, la première impression nous fera songer au Pop Art, mais il y a autre chose de plus puissant, de plus intime qui nous interpelle.
Avec une plus grande attention, on commence à saisir l’essence de son travail. Une spiritualité dans le travail d’Ultra-Violet. Si Mickey est très présent, il ne faut surtout pas céder à la facilité d’y voir une nostalgie de l’enfance, l’artiste donne à la petite souris une mission, celle de nous transmettre un message, un appel à réfléchir, à penser.

Œuvre d’Ultra Violet, capture d’écran du film de France Delville en 1996

Les miroirs ne reflètent pas notre portrait, mais notre âme, « Self Portrait » nous invite à franchir ce miroir, à nous retrouver de l’autre côté et chiche, nous y allons. L’ange de l’apocalypse pourrait très bien figurer dans une église, le suaire, le tabernacle, nous pénétrons dans une chapelle, sa chapelle privée, où nous nous recueillons. Puis « IX XI 2001 », tout le monde connait cette date, il y a eu avant et il y a eu après.
Ultra-Violet nous en donne sa définition, ça décoiffe avec cet avion qui transperce en un feu incandescent l’une des deux tours jumelles de New-York. L’artiste est une touche-à-tout, un esprit universel aurait pu dire un érudit du XVIIIe siècle. Nous regretterons la brièveté de cette exposition et ne saurions qu’inviter le public à découvrir et admirer les œuvres d’Ultra-Violet. Cette femme est un rayon de lumière dans un monde matérialiste, elle y apporte une part du divin.
La galerie Depardieu nous fait un magnifique cadeau en nous offrant un instant de spiritualité. Cette Mostra est un des événements majeurs de la vie culturelle de notre cité. (Thierry Jan)

Ultra Violet à Saint-Jeannet
Et Jean-Pierre Giovanelli qui l’a rencontrée peu de temps apporte une pierre originale :
Il ne m’appartient pas ici de faire l’épitaphe de l’artiste Ultra Violet mais simplement de porter témoignage sur une artiste que je croisais lors de vernissages et dont j’ai pu voir quelques œuvres dont certaines dans l’église de St Paul-de-Vence, œuvres représentant des personnages angéliques d’une blancheur virginale. Quoi de plus normal que des anges dans une église catholique ! mais aussi quoi de plus étrange pour un travail d’artiste dans ce lieu.
Mon questionnement trouva sa réponse à l’approche de l’artiste lors d’un repas chez moi. Le prosélytisme de cette dernière et de son compagnon fut si dérangeant que mon épouse y mit un terme avec une vigueur verbale inhabituelle. Pour ma part, agnostique que je suis, j’écoutais les propos de ces deux prosélytes avec un détachement qui ne me ressemble guère.
Je savais donc d’où venaient ces anges et ce qui guidait Ultra. L’an dernier, je souhaitais l’entretenir d’un projet que je développe sur « La peau de Dieu », et nous avons à nouveau pris un repas, toujours chez moi, et ébauché la possibilité de collaborer dans le cadre de cette opération. J’attendais son retour en France, mais sa fin brutale met, hélas, un terme à ce projet.
Ultra était un personnage, c’est certain, je ne partageais pas totalement ses croyances en matière de travail artistique, cependant son mysticisme me questionnait, et je regrette que nous n’ayons pu en savoir un peu plus l’un sur l’autre. (Jean-Pierre Giovanelli)

Œuvre d’Ultra Violet, capture d’écran du film de France Delville en 1996

La peau de Dieu
Quant à moi ce témoignage m’a intéressée car j’attends avec impatience l’installation de Jean-Pierre Giovanelli sur « la peau de Dieu » - j’aime déjà beaucoup « la peau de l’eau », de Dali- entre anges et avions, association que j’avais déjà constatée dans les années 1990 chez Ultra Violet ! Dommage que cette collaboration n’ait pu avoir lieu, elle aurait fait des étincelles !

Retrouvez les parties II, III, IV et V de la Chronique 76 :
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part II)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part III)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part IV)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part V)

Photo de une : Ultra Violet, capture d’écran du film de France Delville en 1996

Artiste(s)

ULTRA VIOLET

L’écrivaine, actrice, chanteuse et artiste Ultra Violet, née Isabelle Collin Dufresne à Grenoble le 6 septembre 1935, est décédée le 17 juin 2014 Très jeune, elle se rebellait déjà contre ses origines aristocratiques, ce qui mena même ses parents à la faire exorciser par un prêtre catholique, en 1948. (...)

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