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CHAPITRE 63 (Part V) : Carol Shapiro

Apparition de Michel Gaudet dans la revue Alias
Dans le n°3, Michel Gaudet écrit sur Dominique Landucci :
« Les toiles rouges de Landucci ont beaucoup d’allure, elles expriment le courage de la voie nette, des routes sans condescendance ni concession, où l’artiste précède le contemplateur, l’ami et le défenseur… Les normes d’appréciations deviennent plus techniques, plus essentielles. Matières, lignes, couleurs, sémiologie, parlent maintenant un langage spécifique. Certains compagnons de soutien demeureront en arrière mais l’artiste progresse. Nous faisons confiance à Landucci artiste vaillant, pour nous proposer d’autres surprises et d’autres flambées ».

Revue Alias n°6, sur la couverture “Who is Duran ?” (Ben)


Dans le n°4, Michel Gaudet écrit sur l’exposition de la Maison des Artistes qui accueille quatre artistes de la Fondation Sicard-Iperti, Bernard Reyboz, François Nasica, Gérard Barcelone et Christine Dolan :
« Double privilège de recevoir, en un lieu don on assume la responsabilité, des artistes proposés par une jeune fondation et d’être prié d’en annoncer l’esprit. Si depuis près de quarante ans la Maison des Artistes de Cagnes est un lieu d’expositions sans sponsorisation médiatique i soumission à la mode, elle accueille en revanche les jeunes ou les artistes de recherche dont la sincérité est manifeste et l’art digne d’intérêt. La Fondation Sicard-Iperti de Vallauris s’inspire de la même philosophie et cela nous incite à lui demander d’animer nos cimaises ».

Revue Alias n°7, sur la couverture “Sans titre” (détail) Paul Manès

La 133ème des bribes…
Dans le n°5, Michel Gaudet va faire un sort au livre de Raphaël Monticelli, au titre énigmatique, dit-il : « Chronographie 1984-1986 » (de la 133ème des bribes tirées de la mort de Dom Juan) : « Mais cet intitulé évocateur et secret n’est pas pour déplaire. Il introduit le lecteur dans un hermétisme qu’il faudra accepter, comme un gala masqué, comme une fête vénitienne où les silhouettes se confondent. Eluard et surtout René Char nous ont accoutumé à semblable ésotérisme. Les joueurs y négocient l’entrelacs mais Dom Juan est-il là ? Josué, en revanche, du début à la fin, crée un personnage témoin, dans quel souci ? A nous peut-être de le découvrir ».
Sur la même page, Michel Gaudet annonce la sortie de « L’épaisseur de l’ombre, Conte philosophique », de Jean Mas, par un texte qui se termine ainsi :
« Avec De la cage à mouche, Jean Mas faisait une proposition pour entrer dans la cage. Dans ce nouveau travail, nous y entrons de plain-pied. L’univers de l’auteur s’articule dans un parcours qui s’organise autour de quêtes, de recherches. Si une pratique artistique semble soutenir le mouvement de ce livre c’est qu’elle répond à un désir de permanence, celui du peintre qui se cherche en se perdant le plus possible ».

Revue Alias n°8, sur la couverture “Sans titre” Luis Lemos

La chronique en zig-zag de Michel Gaudet
Et à partir du n°6 nous trouverons « La chronique en zig-zag de Michel Gaudet », sur la vie des musées et galeries des Alpes-Maritimes.
Michel Gaudet, parallèlement à l’élaboration de son œuvre de dessinateur et peintre (deux voies virtuoses), avait, depuis 1960, été le critique d’art attitré du journal « le Patriote ». Il avait écrit des livres, de multiples préfaces à des catalogues, et il avait donné des conférences d’une qualité extrême. Il était donc, pour Alias, une recrue de choix. Du n°6 au n°12 final, sa chronique évoque entre autres la Villa Arson, Anne Pesce chez Catherine Issert, le MAMAC (on y note Jean Villeri dans la Collection), la Biennale de Monte-Carlo, la dation Picasso au Musée d’Antibes, les « mandalas de JANI à la Chapelle des Pénitents Blancs » (Vence), et Harivel, et la rétrospective Winkler chez Chave, et Marie Moulinier au Château-Musée de Cagnes, et la Maison des Artistes avec une exposition de Photographie vivante (Altmann, Goalec, Villers, Oscari, Chantal Villers), et Magnelli à la Galerie Sapone, et l’exposition Verdet au Musée Fernand Léger, et Eppelé à la galerie Eterso, etc. etc.

Revue Alias n°9, sur la couverture “Le huitième jour » Franta

French Kisses…
La Chronique en zig-zig se poursuivra dans les n°7, 8, 9, 10, 11, et dans le n°12, le dernier, Michel Gaudet rendra compte du mémorable événement que fut le « Mouvement dans l’art » à la Fondation Maeght, œuvres de Muybridge à Tinguely en passant par Marey, Marinetti, Balla, Duchamp, Kandinsky, Delaunay, Calder, Gabo etc. Dans le n°8 était mentionnée l’exposition Nivèse au Parc des Miniatures à Nice, Rosemarie Krefeld à la galerie Alexandre de la Salle (Saint-Paul), dans le n°10, Felipe Gayo à la Coupole de La Gaude, dans le n°11, Gloria Li Mir chez Anne Roger, avec sa cueillette de « French kisses » pour la revue américaine Art/life Californie, et, à la Maison des Artistes, Decq, Garibbo, Tymen, Kaiser et le sculpteur Leprou…

Page d’Alias, Jean Mas, La Pansémiotique

Tampura
C’est dans le n°12 que j’allais moi-même écrire sur l’exposition de JANI (11 juillet-11 août 1992) à la Galerie Alexandre de la Salle, intitulée « Tampura » :
Tout a commencé au Jardin des Merveilles. Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’émerveillement n’est pas un acte simplet. Lorsque Gilles de Gênes attire notre attention sur la forme en hélices contrariées d’une pomme de pin, sur la fonc¬tion de cet agencement, non encore complètement élucidée, il nous fait partager la plus haute vision, celle de la curiosité, il métamorphose notre regard. Les Métamorphoses du Regard, celles de Malraux, sont le voyage véritable, et c’est dans cette aventu¬re que s’est lancée une toute petite fille éblouie du décoiffage par le vent d’un arbre en fleurs, et brû¬lant d’en conserver pour elle et autrui la trace.
Enfant, JANI détestait les poupées qu’elle jugeait trop mièvres, figures trop imposées. Son rapport au monde exigeait déjà la force d’une réponse per¬sonnelle, et l’école, elle le sent, va lui donner les moyens de réagir aux « actes » de la nature : que voir ait des conséquences. Les œuvres ne se sont jamais que les fruits d’une union sensorielle.
Sa première période, figurative, montre sans détours ce qui est le matériau de son travail : une forme d’empa¬thie avec l’univers qui n’est lui, ni positif ni négatif, mais tendresse impersonnelle, force de cohésion, cadeau à la manière de chaque printemps : ces fleurs de ceri-sier se soulevant sous la brise, retombant en pluie sur une herbe vernissée ne s’adressent à personne en par¬ticulier, mais à celui seul qui veut en jouir.
Peut être est ce le frère mort de désespoir au retour de la guerre d’Algérie qui mène JANI à s’interroger sur les sources obscures... Derrière toute cette matière volatile, ou mordorée, pétrie sous ses doigts, semblent se tenir des réponses insoupçonnables, au-delà des circonstances, du bien et du mal. La beau¬té serait une émergence, une apothéose salvatrice, mais ascétique. La destination ne serait plus paradisiaque mais plénitude de l’instant. Un chatoiement nourrirait les sens et l’esprit, à la manière de la musique. Comblerait. La beauté ne se livrerait qu’au terme d’un geste de samouraï, elle serait une victoire, elle se révèlerait dans la matière seule, pétrie de vieille sagesse universelle, de patine argi¬leuse, vieux tissu érodé mais lustré par les saisons, amoureux des pluies de fleurs, des débris de civilisations, amoureux de l’humain mais aussi du ciel, et des gouffres, et de l’indicible...
L’Indicible se pare d’un or non décoratif, codé. Et sacré, au sens où le sacré n’est que ce qui, au fond de nous, semble inviolable : notre origine même. Cet or s’impose, il est le bonheur subsistant, mais au delà de l’obscurité, ou en deçà, nacre liminale. Le bonheur s’est retiré, est devenu occulte, reste à déchiffrer. C’est ce qui provoque ce désir d’effacement : à la fougue primitive de la jeunesse expo¬sition trop dangereuse aux dieux jaloux succède une exigence de discrétion. Une distance souriante efface les constructions triomphantes, marque déjà l’ironie des siècles.
Ces objets échappent au Lieu par leur universalisme, au Temps par leur patine d’objet trouvé. Es sont déjà défaits, d’une défaite détachée, et belle encore. L’accomplissement prêté aux personnages du début se manifeste à travers cet impersonnel qui est la texture de l’être, mais en suspens, sous jacent cadeau pour celui seul qui veut en jouir, essence de l’espèce plus que de l’individu, musique où tout baigne, pour qui veut entendre.
Et la musique surgit de ces tambours à gong, éveilleurs si l’on veut : un appel est lové dans leur centre de peau. Au Japon Malraux ressentit que seule la musique parlait bien de la mort. La peinture pourtant ne fait pas autre chose. Aucune expression n’ignore la mort. Par ces instruments symboliques JANI nous rappelle les épousailles du temps et du son, cette alchimie qui permet un temps, d’accompagner le temps, de se faire rivière, cesser d’être galet.
Sur ces machines de peinture sonore on ne bute pas, car le son les traverse, de grands serpents ondulatoires allant gratter des cordes encore plus lointaines, dans l’infiniment petit des Secrets et l’infiniment grand du Souffle, du Vide, suprême respiration.
Et cela finit par le Jardin des Merveilles. (Avida Ripolin, Juillet 1992)

Page d’Alias sur le cinéma par Caroline Boudet Lefort, fondatrice des « Cinémas du Couple)

La vache et l’olivier
J’ai eu le plaisir de retrouver des contes écrits par Carol Shapiro, où la surprise des mots, le raffinement et l’humour surréel masquent très pudiquement des tragédies humaines, mais d’où émerge à chaque fois une issue de sagesse… l’issue d’un Art du Possible, peut-être…
En attendant les œuvres complètes, voici son conte le plus court, une sorte de tendre Genèse…
« Un sordide désordre emportait les lieux dans un torrent trop rapide pour être ni vu, ni suivi, ni parcouru. Pêle mêle tout basculait et les animaux sur les rives assistaient impuissants à cette démoniaque cérémonie. Le torrent gagna en richesse et en profondeur, traversait les cours, les places, et les routes placides. L’orage s’en mêla et le torrent à moitié fou s’enivra dans l’épanchement tempétueux. L’eau arriva, chargée d’indescriptible enchevêtrement, jusqu’à l’oliveraie encore chargée de chaleur estivale, et le torrent ivre se dirigea vers une sorte d’arène profonde que les arbres entouraient, et s’y jeta. C’est alors qu’arriva en ce lieu un jeune animal qui, emporté dans un zèle curieux, plongea dans ce mélange de matière et de cendres.. Il ne sut rien comprendre tant la complexité des choses était absurde. Il ressortit de l’eau, et, comme apaisé alla se coucher sous un de ces arbres qui donnèrent l’aliment des premières lumières. Il s’y endormit ».

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