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Alain Derey, Directeur de la Villa Arson : Un philosophe de terrain

La philosophie mène ? tout … ? condition de savoir redescendre sur terre. C’est ce que fait Alain Derey depuis toujours, jonglant entre théorie et pratique.

Avec son doctorat d’état, il commence par enseigner la philosophie en Tunisie, avant de remonter vers le nord (bref épisode comme chargé de cours à l’université de Caen).

Alain Derey devant l’entrée de la Villa Arson
©JChDusanter

Mais ce natif de Nantes n’est pas un casanier : il a appris deux langues africaines, ce qui lui permet de faire plusieurs séjours en Afrique comme conseiller culturel de coopération (Zaïre, Sénégal, Cap Vert).

En 1995, il passe de la planche à voile à la rue de Valois, où il entre au cabinet de Philippe Douste-Blazy. Déjà féru d’architecture, il y travaille entre autres au rattachement de cette discipline à la Culture et non à l’Équipement … jusqu’à la dissolution de l’Assemblée Nationale.
Aussitôt, il reprend l’avion, direction l’île de la Réunion pour mettre en place les lois de décentralisation en faveur de l’Outre-Mer.
Bientôt, le voilà de retour en Métropole, comme directeur de l’école d’architecture de Clermont-Ferrand, et ce n’est pas un hasard : "je l’ai choisi car c’est la seule école de France à posséder un département Philosophie de l’habitat, qui a été transformé ensuite en laboratoire de recherche accrédité auprès du CNRS".

Deux ans plus tard, Renaud Donnedieu de Vabres fait appel à lui, comme "conseiller pour les arts plastiques, les enseignements supérieurs, l’éducation artistique, les métiers d’art et le mécénat".Le voici de nouveau en politique.

Mais Alain Derey aime trop l’action

pour se contenter de programmes élaborés sous les ors des cabinets ministériels : "La main n’est rien sans l’esprit et inversement", pense-t-il, citant Hördelin. Quand le poste de directeur de la Villa Arson, qu’il fréquente depuis de nombreuses années, se libère, il y voit l’occasion idéale de mettre en pratique son expérience.
Sa passion pour l’architecture reprend le dessus, une discipline qu’il aime "comme geste à la fois physique et esthétique". D’où son ambition « d’aider la Villa à reconquérir ses lettres de noblesse au travers d’une architecture rénovée".

Alain Derey Directeur de la Villa Arson depuis 2006
©JChDusanter

Entouré de son équipe fidèle qu’il a fait venir avec lui, Alain Derey est un intellectuel qui "cherche à mettre en place une politique d’ouverture, de partenariat, pour que ce lieu soit plus lisible, et conquiert un public plus large que les connaisseurs d’art contemporain". Et un homme d’action qui se flatte d’avoir "de nombreux chantiers en cours" : une salle de conférence de 200 places, un studio de prise de vue, la réouverture des terrasses au public …
En préparation, un livre et deux plaquettes, l’une sur "les jardins" de la Villa et une autre sur "les oeuvres in situ" - sculptures du jardin dont il va faire restaurer les plus intéressantes, signées Jacques Vieille, Maurizio Nannucci ou François Morellet.

Une villa pas comme les autres

La Villa Arson fait partie des derniers grands projets novateurs d’André Malraux.

L’inventeur des maisons de la culture avait imaginé, dès le début des années 60, un équipement culturel de l’Etat en région, qui mélangerait divers domaines de création (arts de la scène, arts plastiques et architecture). Et il avait choisi Nice, seule ville de France ? posséder alors un aéroport international. La Villa quant ? elle, fut construite ? la fin 18ème siècle par la banquier Pierre-Joseph Arson sur la colline saint Barthélémy. Entourée d’un superbe jardin en terrasse de deux hectares avec vue sur la mer, transformée en hôtel puis en clinique, elle est achetée par la Ville ? la fin de la seconde guerre mondiale avant d’être cédée ? l’Etat en 1965. On fait appel ? l’architecte Michel Marot, qui travaillera durant 4 ans ? intégrer la villa ancienne dans un ensemble architectural contemporain, en béton et galets du Var, de style brutaliste. L’école nationale d’arts décoratifs ouvre en 1970, et le centre artistique de rencontres internationales un an plus tard. La "Villa Arson" est inaugurée officiellement en 1972 par le ministre des affaires culturelles Jacques Duhamel.

Un projet qui a beaucoup évolué avec le temps : prévu ? l’origine pour 600 étudiants, (avant mai 68, les beaux-arts étaient enseignés dans la même école que l’architecture), on y construisit un théâtre de 500 places … qui ne fut jamais achevé. Dès l’origine, la Villa Arson eut une triple fonction d’école, centre d’art, et résidence d’artistes. On y enseignait la scénographie, le design ou la communication. Mais, depuis le milieu des années 80, sous la direction de Christian Bernard, les options sont supprimés, l’enseignement n’étant plus axé que sur l’art contemporain : en un cursus de 5 ans, les 170 étudiants apprennent autant les techniques traditionnelles (peinture, gravure, lithographie, sérigraphie, édition, céramique, dessin) que les technologies les plus modernes (vidéo, infographie, photo numérique, expérimentation sonore et internet). Fabriquer un châssis et tendre une toile font également partie de l’apprentissage ; ce qui prouve que l’art contemporain n’en a pas totalement fini avec la tradition !

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