| Retour

Exposition Matisse Méditerranée (s) : Henri Matisse et la lumière méditerranéenne

Né en 1869 à Cateau-Cambrésis dans une famille de tisserands, Henri Matisse découvre la peinture à vingt ans, lorsqu’alité après une appendicite, sa mère lui offre une boîte de couleurs. En 1895, il entre à l’École des Arts décoratifs, se lie avec Albert Marquet et travaille comme peintre décorateur. Les rencontres avec Rodin et surtout Pissarro, qui l’initie à l’impressionnisme, sont décisives. Ses œuvres rencontrent vite le succès : en 1904, Ambroise Vollard lui consacre sa première exposition personnelle.

La même année, il rencontre Picasso — que Gertrude Stein qualifiera de « Pôle Nord » et « Pôle Sud » de l’art moderne. Sur les conseils de Pissarro, il découvre à Londres la peinture de Turner. Entre 1908 et 1912, ses toiles sont montrées à Moscou, Berlin, Munich et Londres. Ses voyages en Andalousie, au Maroc et en Algérie nourrissent son goût pour l’arabesque et la simplification des formes. L’homme du Nord s’orientalise, peignant odalisques et paysages méditerranéens.

En 1917, fuyant la guerre et cherchant à soigner ses bronchites, Matisse s’installe à Nice. Il tombe amoureux de la lumière méditerranéenne : « Quand j’ai compris que chaque matin je reverrais cette lumière, je ne pouvais croire à mon bonheur. »

Il descend d’abord à l’hôtel Beau-Rivage, installe un atelier dans sa chambre et peint fenêtres ouvertes sur la mer : Intérieur à Nice, Le Violoniste à la fenêtre. À l’Hôtel de la Méditerranée, il réalise La Fenêtre ouverte, Vue sur balcon et mer, Tempête à Nice…

En 1921, décidé à rester, il loue un logement au troisième étage du Palais Caïs de Pierlas, 1 place Charles-Félix, sur le Cours Saleya, avant de s’installer en 1927 au quatrième étage du même immeuble.

De ce lieu surplombant le marché et dominant la mer, il peint intérieurs, natures mortes, nus et odalisques. Sportif, il pratique aussi l’aviron au Club Nautique de Nice. Lorsqu’il n’est ni en voyage ni à Paris, il réside à Nice au moins la moitié de l’année, utilisant cet appartement comme résidence principale et atelier.

Au début des années 1930, il entreprend un long voyage autour du monde : New York, Chicago, Pittsburgh, traversée des États-Unis jusqu’à San Francisco, puis départ pour Tahiti où il rencontre le cinéaste expressionniste allemand Murnau. Il revient en France, mais dès juillet doit repartir à Pittsburgh puis à New York, où le Museum of Modern Art lui consacre en 1931 une rétrospective. Le collectionneur Albert Barnes lui commande alors une œuvre monumentale pour sa fondation à Philadelphie. De retour à Nice, dans l’atelier de la rue Désiré Niel, Matisse travaille à La Danse, qu’il réalise en trois versions entre 1930 et 1933.

Henri Matisse, Nu dans l’atelier, Nice, 1928
Huile sur toile, 60 × 81,2 cm
Collection particulière, New York

En 1932, Lydia Délectorskaya, jeune réfugiée russe ayant fui son pays à dix-sept ans, est engagée par Madame Matisse comme aide domestique. Rapidement, elle devient assistante artistique et modèle. Elle accompagne le peintre à la Villa Le Rêve (1938-1943) puis à Cimiez, dans un vaste appartement qu’il vient d’acquérir dans l’ancien Hôtel Régina, construit à la fin du XIX ? siècle pour accueillir la reine. Lydia, devenue indispensable, gère ses achats de matériel, sa correspondance et ses rendez-vous, au point d’entrer en conflit avec Amélie Matisse. Celle-ci pose un ultimatum : Lydia doit partir. Elle s’en va mais, désespérée, tente de se suicider. Matisse choisit alors de la garder, et c’est Amélie qui quitte définitivement le foyer après plus de quarante ans de vie commune.

Dans cet appartement baigné de soleil, dominant la Méditerranée, Matisse, aidé de Lydia, crée ses célèbres gouaches découpées (Polynésie, la mer, 1946), directement fixées aux murs. Cette « Nice Period  », ainsi nommée avec humour par la critique américaine, a vu la palette de l’artiste évoluer : ocres, roses, rouges carmin, jaunes dorés, verts profonds, équilibrés par des bleus méditerranéens. La simplification des formes, caractéristique de son œuvre, s’est approfondie : les volumes sont réduits à l’essentiel, le dessin devient clair et souple, les contours fluides, les figures féminines idéalisées — odalisques, nus voluptueux baignés d’une atmosphère calme et sereine. Dans ses fenêtres niçoises, Matisse invente un dialogue intime entre figure et horizon, intérieur et extérieur, balcon et mer. Sa palette, nourrie de la lumière méditerranéenne, forge un univers intemporel.

Henri Matisse, Fête des fleurs, 1923
Huile sur toile, 65,5 × 92,7 cm
The Cleveland Museum of Art,
fonds Mr. et Mrs. William H. Marlatt
Affaibli par de graves problèmes de santé (opération d’un cancer du côlon en 1941), Matisse se concentre sur ses gouaches découpées.

Alité ou en fauteuil roulant, il invente une nouvelle technique : découper dans des feuilles de papier peintes à la gouache des formes qu’il compose directement au mur. Lydia l’assiste à toutes les étapes : préparation des papiers, découpe, disposition et fixation sur de vastes surfaces. Ces œuvres marquent un tournant radical dans son langage plastique (Jazz, 1947 ; La Piscine, 1952).

Une dernière œuvre sera considérée par lui comme son chef-d’œuvre. Monique Bourgeois, jeune infirmière qui l’avait soigné en 1941 lorsqu’il était hospitalisé à Nice, devenue religieuse sous le nom de sœur Jacques-Marie, le sollicite pour le projet d’une chapelle pour son couvent. Séduit, Matisse conçoit l’ensemble du lieu, du plan architectural aux décors. Ce vaste chantier est mené avec l’aide de Lydia, qui supervise les artisans, commande les matériaux et contribue à la réalisation des maquettes de vitraux, de céramiques et de vêtements liturgiques.

De son atelier ouvert sur la Baie des Anges et le Cours Saleya jusqu’à la chapelle de Vence, Matisse a crée une œuvre exceptionnelle où la lumière devient couleur, la couleur, forme et la forme, pure invention.

L’exposition réunit plus de 150 œuvres — 44 peintures, 90 dessins et estampes — issues de collections prestigieuses (MoMA, Philadelphia Museum of Art, Cleveland Museum of Art, Sain Louis Museum of Art, Museum of Fine Arts de Boston) et de collections privées, retraçant la relation intime et créatrice de Matisse avec la Méditerranée. À DÉCOUVRIR JUSQU’AU 9 SEPTEMBRE -
Cette exposition est réalisée avec la participation exceptionnelle du Centre Pompidou – musée national d’Art moderne, Paris.

Alain AMIEL

Visuel de une Henri Matisse, La Vague, Nice, ca. 1952
Papiers gouachés découpés, assemblés et marouflés
sur toile, 51,5 × 160 cm
Musée Matisse Nice. Don des Héritiers Matisse, 1963
Photo © François Fernandez

Artiste(s)