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Patrick Moya, de l’art vidéo à la planète internet (2/2)

Patrick Moya - 1955

La culture populaire niçoise traite « d’artiste » toute personne qui passe d’un sujet à l’autre, qui fait « un peu » de tout et de rien ou qui joue avec le n’importe quoi : poser nu, monter une radio, faire de l’art vidéo, créer de petits personnages ou encore jouer avec son nom en tous temps. Parmi ces multiples artistes du quotidien, il en est qui deviennent malgré tout des artistes reconnus et admirés. Il est vrai qu’ils approfondissent « ce n’importe quoi », le pousse dans ses ultimes retranchements, le décline dans toutes les directions pour faire émerger du nouveau ou du sens. Patrick Moya est de cet acabit.

Les début vidéo

Patrick Moya est né en 1955 à Troyes, il s’installe à Nice à l’âge de quinze ans. Il se passionne pour l’art et entre très jeune à la Villa Arson, cette Ecole Nationale supérieure d’Art en 1974. D’entrée, il anime une émission sur la radio étudiante du lieu, appelée « Bonzour Bonzour ». Son projet : « était de transformer le créateur en créature grâce à l’image instantanée qui empêche toute "histoire" de l’art.. » N’ayant aucun travail à présenter en fin d’année et se voyant interdit de continuer à utiliser la vidéo en section Art, il préfère la plage à la Villa, y revenant uniquement pour poser comme modèle nu. Il réalise ainsi « son rêve de devenir une créature »...

Patrick Moya en 1974 © DR
Une des premières émissions « Bonzour » de Patrick Moya © DR

Être modèle lui append à « s’objectiver » ; plus tard il s’insérera en tant que personnage dans son propre travail. Fortement influencé par McLuhan et le Global Village, il commence à expérimenter l’art vidéo, d’abord par la création d’un projet utopique d’émission de télévision, puis par une tentative de produire un langage universel de la télévision.

Patrick Moya, Langage universel de télévision, 1976 © DR

En 1977, il produit même sur papier Kraft une immense fresque de 40 mètres avec son compère d’alors Bruno Charmorin en hommage à la télévision.

Patrick Moya, Fragments de la fresque Vive la Télé et Hommage à Guy Lux, 1977 © DR

« En 1977 ce qui fascine les futurs artistes que nous sommes, persuadés de notre légitimité, ce n’est plus l’artiste comme novateur et symbole de son temps mais l’artiste médiatisé le personnage en fin de course du phénomène de communication Face à l’hypocrisie d’une situation où l’œuvre est déjà devenue un prétexte mais tente d’affirmer une hypothétique puissance médiatrice porteuse de sens ; nous opposons un travail dont la volonté avouée est de servir de caution à la médiatisation de l’artiste.
Nous avons eu certaines difficultés à traverser la barrière du puritanisme érigée sur le chemin de la médiatisation. Notre caution était trop symbolique, la supercherie trop évidente. Notre avantage, celui de la génération né intellectuellement en 77, a été de pouvoir tout concéder, même notre corps, sans que nous altérions la pureté du rêve initial...
Cette génération c’est le rêve moderne de l’adolescence d’une époque complètement médiatique où le rêve est d’être un personnage sans passer par l’atelier s’opposant à la mythologie artistique friande d’anecdotes romancées sur les coulisses de la création. »
Patrick Moya, Nice l’Avant Garde 77 – 87

L’arrivée des premiers PC le passionne immédiatement. Il devient pionner dans le domaine, en expérimentant de nouvelles formes de ce qui deviendra l’art numérique. Le hardware de l’époque est un Thomson MO5, le « fin du fin » d’alors… Il est doté d’un processeur 8 bits Motorola 6809E cadencé à 1 MHz. Sa ROM contient 16 Ko et est doté de 48 Ko de RAM, dont 32 Ko libres pour l’utilisateur… De surcroît, il est capable d’afficher en 320 × 200 pixels en 16 couleurs pour le mode graphique et 25 lignes par 40 colonnes pour le mode texte ! Bien sûr, la programmation était en langage basic.

Le Thomsom Mo5, un des premiers PC © DR
Patrick Moya, Premières tentatives d’art numérique sur Thomson Mo5, 1984/85 © DR
Patrick Moya, Performance, Art Jonction 1986 © DR

En parallèle, tout en continuant d’explorer l’art-vidéo, il s’essaie dans une BD intitulé Reptile au Style, fait des performances multiples en tous lieux et mène une réflexion sur le nom, la « signature de l’artiste ». Marqué par le nom catalan de son père - MOYA - qui ne devint le sien qu’à l’âge de 15 ans, il n’a de cesse depuis de le mettre ou le peindre partout ; tout en le déclinant à l’infini…

Moya sur la quai de la gare SNCF de Nice © DR

Loin de la pure abstraction ou du conceptuel froid, plutôt situationniste mais non militant, Patrick Moya n’a pas peur de la couleur – « qu’il aime pure, non mélangée » - ni surtout de la figure humaine, qu’il s’attache à présenter sans déformation - si ce n’est dans un style caricatural humoristique. Revendiquant en permanence « la présence de l’artiste dans l’œuvre », il invente en 1996 un petit personnage poétique mi-Pinocchio, mi-caricature de lui-même. Depuis, elle est devenue sa marque de fabrique.

http://www.youtube.com/watch?v=fA6o...

Court extrait des "aventures de Moya le petit peintre de l’Ecole de Nice, ?
film en 3d réalisé en 2001

« (…) Moya nous fait voyager dans son univers à la fois enchanté et légèrement pervers, peuplé d’ours en peluche et de drag-queens, de moutons ou d’éléphants volants et de diables ailés, sans oublier son petit "moya" malicieux faisant ses facéties sur fond de petits nuages dans des cieux bleus cobalt : un monde gai et coloré qui parle à l’enfant qui est en chacun de nous … mais également sensuel et réjouissant, qui satisfait nos sens et notre sens de la Beauté.
Comme une antidote au pessimisme, il répand du bonheur partout autour de lui, dans une exposition bien sûr - où ce sont souvent les enfants qui expliquent ses oeuvres à leurs parents ! - mais aussi dans la salle d’attente d’une clinique, le hall d’un hôtel ou le parvis d’un hôpital … »
Florence Canarelli

La planète Internet

1996, il se lance sur la « grande toile » (Internet) avec un premier site conçu comme une œuvre d’art. Depuis, il goûte avec délectation aux joies d’un environnement Second Life pour propager l’étiquette Moya aux frontières du virtuel. Il développe ainsi régulièrement des spectacles interactifs en direct avec des publics, monte des opérations avec Thierry Mugler et Yves Saint-Laurent et vend même des espaces virtuels à l’occasion des grands évènements de la Côte.

Début du site de Patrick Moya, 1996 © DR
Patrick Moya, eMoya de second life… © DR

http://www.livestream.com/moya

Moya Web TV to Second Life

La musique est maintenant partie intégrante de son œuvre avec un autre personnage, la brebis Dolly.

Aujourd’hui Moya est un artiste multi-art ! Il est partout, il « joue de tout » : films et vidéos d’art, dessins, panneau d’art, céramiques, dessins de mode d’art, performances et installations, peintures sur mur et fresques, art de projection, sculptures et bien sûr toujours l’art vidéo. Son catalogue raisonné comprend presque 5000 pièces (!) réalisées en un peu plus de 40 ans entre 1971 et 2011.
Pour avoir un aperçu de ses peintures murales - Live painting - fresques et interventions graphiques

http://www.moyapatrick.com/fresque.htm

Pour voir les sculptures

http://www.moyapatrick.com/sculpture.htm

Les peintures

http://www.moyapatrick.com/peinture.htm

… et les happenings et les performances

http://www.moyapatrick.com/happening.htm

Moya, bien que non croyant, se devait de décorer également son église catholique. Elle est dédiée à Saint-Jean-Baptiste ; elle est située à Clans, dans le moyen-pays niçois.

Patrick Moya, Jean le baptiseur, fresque de la chapelle Saint Jean-Baptiste à Clans © DR

Pour en savoir plus

Patrick MOYA, Films et performances anciennes
http://www.studiomoya.com/biofilm.htm

Site officiel de Patrick Moya
http://www.moyapatrick.com/

Pour relire la première partie de cette chronique cliquez ici :

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