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Jean-Luc Verna (1/3)

Verna Jean-Luc 1966 -

Né à Nice en 1966, Jean-Luc Verna aime à dire « que sa première école d’art fut la rue », avant d’intégrer la villa Thiole [1] , puis la Villa Arson – l’école nationale supérieure d’art - dont il fut entre autre l’élève de Noël Dolla et où il continue à professer le dessin. Aujourd’hui, cet artiste « total » [2] niçois, bien que vivant en partie à Paris, fait une carrière internationale consacrée par plusieurs grands musées : Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Centre Beaubourg à Paris et Metz, MOMA à New York, etc.. Deux constantes dans son œuvre : son regard joue avec la vanité des symboles, et surtout leur artificialité et son travail qui se veut échapper à tous les formatages, bien qu’empreint de références classiques, se féconde dans l’humour, le dérisoire et la culture punk.
« j’ai déjà lancé plein de formules toutes faites à mon sujet : « je suis un jeune new wawe enfermé dans le corps d’un homme vieillissant », « je suis plasticien, actrice, danseur et chanteur », « je suis poly-disciplinaire »… je suis d’abord un artiste. C’est la façon dont je m’offre au monde, c’est comme ça que j’aime qu’on me reconnaisse, c’est ma seule qualité. »
Jean-Luc Verna, Je suis du Genre plastique,
propos recueillis par Thomas Lapointe, Revue-entre

Le corps

Le personnage s’impose immédiatement à nous : à l’évidence, c’est un artiste ! Mais quel artiste, où est l’œuvre, la réalisation plastique ? Le corps, la silhouette et la démarche en font partie intégrante. Le corps est lui-même une œuvre d’art par ses multiples tatouages comme les étoiles argentées en constellations, le regard illuminé par des lentilles rutilantes, les piercings qui ponctuent l’épiderme et les différentes interventions sur la peau, transformant la banalité en décor insolite.

Jean-Luc Verna, ARTBLOG Jean-Luc Verna, 268 X 350
DR

Mais suffit-il à quelqu’un de se recouvrir de tatouages pour être investi du critère d’« artiste » ? En fait, à ce décorum superficiel s’ajoute la déambulation, le déhanché provocateur et le galbe sensuel pour conférer à Jean-Luc Verna l’inscription dans l’univers de l’ « Art Corporel ». En rocker, bardé de cuir et de vinyle, ou vêtu simplement d’un string, l’aspect extérieur rejoint ce que l’on découvre sous les vêtements. La relation s’effectue pour créer une osmose entre la surface du corps et son revêtement.

« Je ne conçois pas mon corps comme une œuvre d’art. Je me rends possible pour les différentes activités de performer. D’un point de vue éthique je me refuse d’ailleurs à développer le physique imposé par une idéologie gay qui est devenu aussi rigide que celle des gens qui les ostracisaient. Je ne suis pas un vrai sportif, je m’entretiens mais ne cherche pas à faire plus jeune. J’ai un peu de gras, des vergetures, j’en joue. J’ai déjà fait des photos nu avec 10 kg de trop je m’en servais parce que j’avais un corps gynoïde qui me permettait des postures plus maternelles. Je mets un point d’honneur à dessiner autant d’hommes que de femmes, de bébés que de vieux, de gros que de maigres, de beaux que d’étranges, d’handicapés que de chimères. Je me situe au milieu de la société. Je ne fais partie d’aucune nomenclature. »
Jean-Luc Verna, interview par Olivier Marro pour Art Côte d’Azur

Loin du body art et des performances en public que pratiquaient Gina Pane ou Michel Journiac dans les années 60-70, l’artiste joue de – et avec – son corps pour réinventer des attitudes décadentes et provocatrices, souvent très connotées et lourdes de sens.

Jean-Luc Verna, Conférence de Jean Luc Verna, artblog 2011 (Web TV Nice)
DR

Les transformations se multiplient à travers de véritables métamorphoses dans un esprit de dénonciation. Remises en question multiples, de la bourgeoisie, de la mentalité arriviste ou de la pensée réactionnaire, voilà quelques provocations que veut traduire l’évolution de son apparence. Le style « punk » devient un jeu, lié à la découverte puis à l’adoration de son idole Siouxsie qui était à l’origine des groupes « Sex Pistol » et « Roxy Music ». Mais c’est aussi un mode de vie lié à une exagération vestimentaire qui amplifie le concept, comme le look « pédé » qu’il affectionne et entretient, opposé au statut de gay qu’on pourrait lui attribuer, trop empreint de stéréotype et de sophistication pour son gré. Le mot est lâché, et correspond en fait à tout ce qui a contribué à son évolution : sa vie de marginal prostitué lorsqu’il était très jeune, son rejet de la famille et de toute sortes d’entraves à sa quête de liberté.

A suivre...

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