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400 profils de vençois, François Mauplot

Mémoire de profils© est un projet participatif mettant en action 500
volontaires vençois.
Ce projet relevant de la sociologie et de l’art interroge sur la trace laissée
par un fragment de la population durant une année entre avril 2010 et avril
2011.
La population d’une cité comme la ville de Vence constitue un potentiel de
mémoires agissant collectivement comme un témoin d’un fragment de notre
société.
Il a pour ambition de mettre en lumière l’existence des populations actives
d’une cité à travers la collecte de plusieurs centaines de portraits profils
droits et d’insister sur l’importance de la diversité des populations. Notre
société n’a d’yeux que pour la starisation de l’individu, nous évoluons dans
l’éphémère et nous ne prêtons plus l’attention indispensable au collectif.
Il n’y a dans Mémoire de profils© aucune intention idéologique, simplement
une attention à « l’autre ».
Le traitement plastique des portraits contribue à la lisibilité de l’individu et
renforce sa présence au sein du fragment de population qui a participé à la
réalisation du travail. Il ne s’agit nullement de caricatures.

Portrait - définition

n.m. (Portret, pourtrait, 1175 ; p.p. de portraire « dessiner »)

I. 1° Représentation d’une personne réelle, spécialement de son visage,
par le dessin, la peinture, la gravure. Faire le portrait de qqn. Portrait en
pied. Portrait de face, de profil, de trois-quarts. Portrait grandeur nature,
en miniature. Portrait au crayon, au fusain, au pastel, à l’huile. Portrait
d’un peintre par lui-même (autoportrait). Portrait fidèle, ressemblant, chargé,
caricatural, flatté. « Un portrait est un modèle compliqué d’un artiste »
(Baudelaire). Par extension. Le portrait, le genre du portrait.

2° Photographie d’une personne. « C’était un très grand portrait photographique,
rehaussé de couleurs d’aquarelles » (Colette). Familier et vieilli.
Se faire tirer le portrait.

3° Fig. Image, réplique (d’une personne), dans l’expression : Virginie « était
tout le portrait de sa mère » (Balzac). C’est tout son portrait (cf. C’est lui
tout craché).

4° Pop. Figure. Se faire abîmer le portrait, se faire défigurer.
II. fig. Description orale, écrite d’une personne (peinture). Portrait physique,
moral d’une personne. Faire, tracer le portrait de qqn. « Nous ne prétendons
pas que le portrait que nous faisons ici soit vraisemblable »(Hugo). Le portrait
des vaniteux, du bourgeois, du Français. « Portraits de femmes », de Sainte-
Beuve. Le portrait, genre littéraire du XVIIe s. Jeu du portrait, où un joueur
doit deviner le nom d’une personne (ou d’une chose) en posant des questions
auxquelles on ne répond que par oui ou non. Rare. Description d’une chose.
(Peinture, tableau). « Il fit de la capitale un portrait si extravagant... »
(Musset).
Définition donnée par le dictionnaire Le Robert, édition 1989.

Intentions

Ce travail s’inscrit dans une réflexion globale sur la conservation des
mémoires.
Depuis plusieurs années, à travers différents travaux sur les objets
lithiques (érections et alignements - 2007, 400 stèles / 1600 menhirs - 2008,
jalons de mémoire - 2009) émergeait dans mon esprit la nécessité de la présence
de l’Homme. L’humain porte en lui la raison de la mémoire : du regard qu’il
porte sur la transmission, naît probablement l’idée de la société. La conservation
de la mémoire est une problématique collective, elle ne s’entend qu’à travers
la volonté de transmettre les informations et n’existe que dans les organisations
sociétales. Est-ce le propre de l’homme ? Probablement. Le seul fait de
la conscience de soi, éclaire la réponse. Chez l’individu, la conscience d’être et
la conscience de devenir provoquent la nécessité de la trace de son passage et
probablement l’obligation de son empreinte dans la construction générale du
monde et en particulier de la société dans laquelle il vit.

La transmission s’associe à l’identité, à l’existence et donc à l’espoir de
pérennité.
Dans l’histoire de l’humanité, la prise de conscience de la conservation est
une notion contemporaine [il ne s’agit pas de transmettre, mais de conserver],
vouloir mémoriser, enregistrer, garder, sont des valeurs contemporaines propres
à notre société, seules probablement les valeurs immatérielles méritaient dans
un passé pas si éloigné d’être transmises : valeurs de croyances, de savoir-faire.
La conservation participe à une nouvelle approche de la spiritualité et à une
influence sociologique capitale dans la pensée des hommes. Détruire pour
mieux régner fut durant des millénaires la solution envisagée. Effacer de la
mémoire des hommes ce qui pouvait corrompre les philosophies absolutistes.
Destruction des vestiges, élimination des savoirs par peur, par ignorance, ce
n’est que récemment, parce que l’on comprend mieux que la contemporanéité
de notre société repose sur les jalons de mémoire, que l’on conserve tout.

Générations futures courbées sur les strates du conservatoire de l’humanité,
vous réécrirez peut-être l’aventure des hommes.
En effet, pour qui ou pour quoi conserver, s’il n’y a pas de volonté ou de
besoin de transmettre dans un contexte de solitude et donc de non-avenir ?
C’est l’espoir du devenir, la nature résolument optimiste de l’Homme qui le
conduit au concept de conservation de mémoire.
- Vence 2010 - 2011
Fragment de zone mémorielle contenue

L’objet

L’unicité du portrait ne peut renvoyer seul au concept de conservation, seuls
les supports à travers lesquels apparaît l’image du portrait font l’objet d’une
conservation. Se pose alors le problème de l’identité du portrait, du contenu,
qui est-il ?
Que lit-on dans ses yeux, que pense-t-il ? La dérive des interprétations nous
éloigne de notre propos. C’est donc naturellement que le double portrait de
profil s’imposa à moi.
« Je ne « me ressemble » que dans un visage toujours absent à moi et au-dehors
de moi, non comme un reflet mais comme un portrait porté au devant de moi,
toujours en avance sur moi »1.
« Je suis le regardant regardé, je regarde mon absence, mon passé accompagné
de la charge d’affect liée au souvenir de l’instantané ».
Le face à face portraital génère un regard croisé avenir-passé ou passéprésent,

il semble intervenir vers l’infini, regard porté vers un horizon fictif
ou tout au moins imaginaire, horizon donc perspective, projection dans le
temps donc nécessité de conservation. L’utilisation du double profil fait écho
à la résonance des regards croisés, incitation au dialogue entre deux identités
similaires, monologue, seul le regardé voit le regardant, ils sont seuls. Observable
à loisir, le profil-portrait se décharge de l’émotion.
Le choix délibéré du profil-portrait retire à l’individu la profondeur du
regard, la lumière de l’oeil, il n’y a pas de sentiment, d’espoir contenu. Le visage
profil-portrait existe sans artifice, il est l’expression simple de l’être. Il dégage les
zones latérales, sièges des mémoires. Il est la mémoire conservée de la présence
passée de l’être, rien d’autre.
- François Mauplot – Vence, mars 2010

Motivations

Auguste Comte écrivait « l’humanité est faite de plus de morts que de
vivants » décrivant ainsi en une seule phrase l’importance du passé et son
omniprésence dans la fondation de nos sociétés.
Conservation des mémoires pour garantir la nôtre, rassurer celui que nous
sommes pour nous offrir un avenir ? Homo a-t-il pris conscience rapidement
de cette vérité ? Cette première prise de conscience de l’existence de soi a
contribué probablement à rendre lucide notre ancêtre qui a l’obligation de
conserver l’existence de l’autre à travers le souvenir et l’association des rites
qui s’y rattachent. Même si l’ensemble des souvenirs qu’il doit conserver
ne sont liés qu’aux faits matériels, reconnaissance des espaces de chasse, de
vie et organisation sociale des clans, sans omettre la transmission des savoirs
technologiques.
Nos sociétés contemporaines s’enorgueillissent de la somme des savoirs
accumulés, débouchant sur un monde fait de connaissances. Sont-elles conscientes,
ces sociétés ?! Elles qui refusent la mort, dont les fondations structurelles
ne sont bâties que sur les dépouilles mortelles de nos prédécesseurs.
Confortablement étayées sur des piles de crânes, nos existences puisent leurs
vérités dans une source morbide intarissable. Canalisée par les cultures, elles
irriguent notre être, forgent notre identité. Identité et mémoire seraient-elles
inséparables ?
Lorsque l’on annonce à la population d’une petite cité son intention de
photographier des profils de quelques individus volontaires, il y a comme une
incompréhension dans la nécessité de le faire. Suspicion, crainte, interrogation
sont d’autant plus renforcées à mesure que l’on s’adresse à des personnes âgées,
mémoire et histoire !
Expliquer que ce travail s’inscrit dans un complexe de réflexion globale sur les
conservations des mémoires ne provoque pas plus de considération. Expliquer
qu’il y une nécessité de capturer le profil pour témoigner de leurs existences
comme un jalon de la mémoire collective, laisse la population dubitative !
Le projet prend toute sa valeur lorsque la population photographiée se sent
fondamentalement impliquée dans l‘organisation sociétale de la cité.
L’adaptation du discours doit correspondre au besoin de l’individu de se
positionner non pas dans la cité, mais dans l’histoire de celle-ci.
Si depuis vingt siècles, l’histoire de la cité est écrite à travers les éléments
architecturaux et livresques, seuls notables, prélats et autres figures, témoignent
par les icônes les représentants, leur passage dans l’histoire de la ville. Les peuples
actifs sont les bâtisseurs de la mémoire et sont absents des registres iconiques
qui constituent les archives du souvenir.

MEMOIRE DE PROFILS © est donc un tiroir de l’histoire que l’on tire vers soi pour en regarder le contenu.

Reflet d’un temps entre 2010 et 2011, unique jalon
iconique de la population, à l’heure des réseaux sociaux informatiques, n’est-il
pas nécessaire de marquer le pas et de regarder, même de profil, l’individu ; de
lui donner une existence dans l’histoire ; de montrer, une fois, que la société est
faite d’individus et non de numéros ; qu’elle s’organise autour d’une architecture
d’Hommes diversifiés, que chaque être est unique physiquement ; qu’il regarde
devant pour vivre et derrière pour exister ; que le portrait est, même de profil,
la plus belle représentation de la figure humaine ? Il y a dans le détachement des
traits sur le fond photographique de chaque être toute sa fortune, une richesse
insoupçonnée, une émotion rare et une place au rêve.

MEMOIRE DE PROFILS © prend au cours de son déroulement une
importance qui à l’origine était insoupçonnée, le projet devient le projet d’une
ville, de l’histoire, des autres. Nous aurons contribué à figer le temps entre
avril 2010 et avril 2011 et, puisque l’humanité est faite de plus de morts que de
vivants , faisons en sorte que le terreau que nous offrions à l’histoire puisse avoir
un visage de profils.

Biographie de François Mauplot

François Mauplot est plasticien né en 1956. Il vit et travaille à Vence depuis
1998.
Explorant depuis plus de trente ans les représentations des signes et jalons
matériels de la mémoire, son travail a énormément évolué depuis cinq ans. Ses
recherches l’on conduit à travailler sur la représentation des menhirs, travaillant
sur la force de l’architecture minérale naturelle de la pierre dans un premier
temps, avant d’explorer la représentation de l’homme au travers de son profil.

(c) toutes photos courtesy Chapelle Pénitent blancs

François Mauplot
3, place Godeau
06140 VENCE
06 11 23 18 88
04 93 24 61 45
[email protected]
www.memoiredeprofils.blogspot.com
[email protected]
Chapelle des Pénitents Blancs
place Frédéric Mistral
06140 Vence alpes maritimes
Vence Cultures
3, descente de moulins
06140 Vence
Dehors association pour l’art contemporain
www.de-hors.com

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