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Mougins : Exposition "je me souviens..."

L’exposition "Je me souviens" de Sarah Caron sera présentée du 11 février au 3 juin 2012 au Musée de la photographie André de Mougins.

Sarah est jeune, tout comme sa carrière, elle a cependant très tôt multiplié
les rendez-vous avec le monde.

Cette exposition sera présentée du 11 février au 3 juin 2012 Elle est composée
de trois parties : A Fragile world, A land of Pure /Pakistan, In the Night for love.

Cette exposition nous donne l’opportunité de voir l’oeuvre photographique deSarah Caron, images captées au sein de cultures et de pays aussi différents que sont l’Afghanistan, la Cisjordanie, le Chili, le Cameroun, Gaza, Cuba, Haïti, les Etats Unis, le Cambodge, l’Inde, le Pakistan, la Birmanie et l’Indonésie. Ces images sont toutes marquées par la même géographie de la lumière que Sarah a créée pour nous, avec une écriture qu’elle affirme dans l’ensemble de cette exposition personnelle. Ainsi est présenté son travail de photoreporter pour les plus importants médias des Etats-Unis et d’Europe au cours des quinze dernières années. Au regard de la présentation, on est frappé par le nombre de thèmes traités au cours de ces années de travail : des veuves en Inde, à la récente catastrophe Haïtienne en passant par la richesse culturelle du Pakistan, le caractère religieux catholique de la population cubaine. D’autres sujets comme l’homosexualité, le travestisme ou la vie des combattants dans les camps de réfugiés palestiniens sont également traités. Il est vrai qu’une anthologie écarte toujours une partie remarquable d’une oeuvre pour ceux d’entre nous qui la connaissent presque dans son ensemble. Elle recèle cependant une qualité très positive, celle d’offrir la possibilité de montrer au public, pour la première fois sous cette forme, l’essence d’un style qui s’impose. Et ce dans les pires conditions
de prises de vue, en créant une recherche personnelle architecturée par la lumière, pour ensuite nous l’offrir. Les responsables sont les yeux de Sarah. Celle-ci ne se contente pas de photographier ce qu’elle voit pour le refléter ensuite dans un reportage. Elle dévoile un univers visuel créatif qui l’habite quel que soit le thème traité. Cette créativité fait que les combattants (Brigade des Martyrs d’Al Aqsa) ou « les civils volontaires » surveillant la frontière aux Etats-Unis pour que les mexicains illégaux ne passent pas, aient moins d’importance que les ombres et leurs contrastes, que leurs regards et leurs gestes révélant leurs angoisses
et leurs malheurs.

Fragile world

Sarah Caron construit son propre univers visuel. Elle habite tellement l’image, qu’elle capte et régule l’intensité de la lumière en fonction de la conscience du drame dont elle veut témoigner. Prenons la série d’images consacrées au « Café con piernas » (café avec jambes) au Chili. Les serveuses y sont à moitié nues. Sarah se sent comme elles et transmet la pudeur de la scène en créant un érotisme de la pénombre (Servir en Bikini). En revanche, elle est capable de faire d’un tas de gravats et d’ordures autour d’une flaque d’eau en Haïti, le protagoniste de la lumière comme une métaphore de tout le pays après
le tremblement de terre qui l’a frappé voici un an. Ces mêmes yeux nous transmettent avec limpidité la douleur d’un pénitent qui a fait une promesse à Saint-Lazare dans la Havane des Castro (L’homme à terre) ou nous transmettent
le baiser sur la bouche d’un couple de travestis de la Havane qui défiaient ainsi
le gouvernement militaire au cours de ces années où la liberté de choix d’une sexualité était interdite. Peut-être la plus grande réussite de cette exposition se situe dans le phénomène suivant : ces images ne disparaissent pas quand on a cessé de les regarder, elles s’arrêtent dans notre conscience car le niveau de suggestion dramatique avec lequel elles furent prises, invite à réfléchir sur ce qui est en train de se passer, sur ce qui est arrivé avant et sur ce qui va se dérouler après la photo. L’esthétique de ces images et la créativité tout droit venue de la lumière se répandant dans chacune d’entre elles, nous font oublier que beaucoup furent prises dans des lieux de conflits armés ou religieux. Certaines sont ainsi ludiques, elles ont même été prises clandestinement dans des lieux où l’homosexualité ou encore la musique occidentale sont interdites. Elles cessent d’être une image pour devenir un défi vis-à-vis d’un gouvernement leur interdisant le droit d’expression. Cette exposition permet aussi de mesurer la capacité de Sarah à transformer un paysage réel en oeuvre picturale : « Bateau fantôme » me rappelle les tableaux du peintre anglais William Turner obsédé par Venise. La pénombre s’entretissant dans la photo, entre le bateau et nous, semble être le complice du silence et du trafic illégal, ce qui exige de ne pas
avoir de lumière.

Land of the pure / Pakistan

Je considère que de nombreuses photos des reportages de Sarah Caron sont en ellesmêmes une oeuvre au-delà des reportages pour lesquels elles furent réalisées. Il est donc très important que, ceux qui se rendent à cette exposition, sans avoir vu une publication complète, puissent, avec cette section Land of the pure/Pakistan, recueillir la vision globale ou du moins l’essence de l’un de ses reportages. L’origine de ce reportage est l’intérêt porté par les médias sur le Pakistan en raison du soutien des talibans envers Al-Qaida. Sarah nous montre la richesse de ce pays à travers une diversité culturelle ignorée de nombreux médias occidentaux. Ceux-ci se rendent sur place et se centrent uniquement sur l’aspect politique. Elle nous montre la gestuelle des danses, la vie sociale, les zones tribales, la mode actuelle, l’architecture. Les conflits armés sont bien sûr présents, cet ensemble nous donne ainsi une image plus complète de
cette société. Une série d’images est ici très particulière. La photographe est parvenue à capter pour la dernière fois l’inquiétant regard de Bénazir Bhutto (ex premier ministre du Pakistan assignée à résidence dans son domicile à Lahore) quelques jours avant son assassinat. Sarah ne savait pas qu’elle passerait la nuit dans cette maison assiégée. Elle s’y était simplement rendue pour l’interviewer et nous rapporta ce témoignage, des images d’une immense valeur pour l’histoire de ce pays. Le reportage fut publié dans le Times. Sarah en outre élargit sa vision du Pakistan avec un livre essentiel, Le Pakistan à vif,Ed. Jean Claude Gawsewitch (oct 2010). Elle démontre qu’elle n’a pas été un reporter de passage mais qu’elle a vécu les événements de l’intérieur. Vivant le quotidien des tribus de ce pays, non comme une occidentale, mais comme l’une d’elles, parfois sous la burqa, souffrant avec la même passion car parfois elle était exposée aux mêmes dangers qu’elles. Son récit parle des entrailles d’un pays dont tout le monde parle mais que nous connaissons peu. Elle eut cette chance et nous offre la pureté que conserve ce pays pour que notre regard soit moins belliqueux et rayonne vers d’autres directions. Il y a tant d’autres surprises dans cette exposition, que j’aimerais que chacun découvre par lui-même. La surprise fait partie de cette trajectoire qui est une attrayante recherche très personnelle.

In the night for love

Cette série m’a beaucoup rappelé mon adolescence. En particulier les photos où l’on voit les jeunes garçons adolescents dansant dans des concerts improvisés (Love Concert) et pas bien légaux. Dans La Havane de mon adolescence, le rock et les distractions de style occidental étaient également interdits par le régime militaire des Castro et d’une certaine manière ces jeunes me le rappellent avec leur allure, leurs cheveux de toutes les couleurs, leurs lunettes de soleil alors qu’il fait nuit, leur chemise de superman, leur ambigüité sexuelle, propre du vingt-et-unième siècle et bien loin des diktats de l’armée. On est frappé de voir comment la globalisation à travers les réseaux, blogs, Facebook, Twitter, Youtube est présente dans des pays aussi éloignés que la Birmanie où les adolescents
portent les mêmes habits que Lady Gaga ou Rihana. Leur aspect est semblable à
celui de la jeunesse de n’importe quel pays occidental, comme un défi envers le régime militaire qui les regarde sans doute de travers. La photo des trois jeunes birmans ayant l’air d’attendre le quatrième, mérite que l’on s’y arrête. Le jeune situé au centre avec son pantalon vert, ses tennis rouges, et ses cheveux jaunes est un éclair visuel. Mais la touche amusante de cette image vient de la sensibilité de cette photographe qui a pris le panneau signalant l’interdiction de klaxonner juste au dessus de l’épaule du plus grand des trois garçons. Comme s’il s’agissait d’un encouragement à la tolérance, loin de toute moquerie. Si on fait abstraction des traits asiatiques, ils pourraient se trouver dans n’importe quel coin de rue du monde.

(Arsenio Rodriguez Quintana Barcelone, décembre 2011)

Informations :
Porte Sarrazine - 06250 Mougins
Tel :+33 (0)4 93 75 85 67

Horaires d’ouverture : tous les jours : 10h/12h30 et 14h/18h

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