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MAMAC : place à la monochromie !

Le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de la Ville de Nice crée l’événement. Pour la première fois, le MAMAC réunit trois maîtres de l’art contemporain pour une exposition exceptionnelle, du 30 juin au 16 décembre. Yves Klein, James Lee Byars, Anish Kapoor et leur invitée d’honneur : la monochromie.

Immersion dans un univers captivant, sensible, poétique, parfois dérangeant. Car la monochromie, au-delà de la dimension allégorique qu’elle pourrait légitimement tenir dans la société actuelle, est avant tout un état d’esprit. Un medium permettant d’accéder à des sphères inaccessibles. Un moyen d’exprimer ce qui ne saurait être retranscrit ni par la parole, ni par l’écriture, ni même par la peinture. La monochromie est un choix artistique qui plonge brutalement le spectateur dans un champ chromatique et le renvoie à sa propre interprétation, aux mille et une émotions qui sont susceptibles de jaillir de ces œuvres.
Comme la mer qui dort, la monochromie est d’un calme trompeur et souvent éphémère. « La couleur n’est jamais neutre. C’est un moteur très puissant de l’imagination et de l’abstraction, et si je choisis le rouge, c’est aussi pour ses nuances sombres, psychologiquement et physiquement beaucoup plus ténébreuses que le noir ou le bleu » déclarait Anish Kapoor. Né à Mumbai, en Inde, en 1954, Kapoor se dit très influencé par Picasso et les débuts de Pollock. Dès les années 80, la couleur devient un élément central dans ses œuvres, avec notamment 1000 names (1979-1981) et part of the red (1981).
Soucieux de laisser transparaître dans ses œuvres ses origines et sa culture, il utilise, à la manière des pèlerins indiens à l’entrée des temples, des pigments purs. Kapoor a choisi le rouge. « Le rouge est-il capable de parler de la vie, de la mort ? C’est ce qui m’intéresse ». Une couleur violente, particulièrement riche en symboles. Passion, sang, érotisme, luxure…oui, de toute évidence, le rouge évoque la vie et la mort, dans tout ce qu’elles ont de plus ardent. Le rouge saisit, captive et dérange.

Past, Prestent, Futur
Anish Kapoor, 2006
© ADAGP, Paris 2012

Comme Kapoor, James Lee Byars interroge le spectateur sur les questions existentielles. Il articule son œuvre autour de grandes notions paradoxales, comme l’éternel et l’éphémère. Pour lui, « le blanc agit sur notre âme comme un grand silence, absolu pour nous ». Ainsi, pour Anish kapoor et ses deux compères, la couleur représente bien plus qu’un « outil ». Elle est l’œuvre. Pour Yves Klein, elle représente « la sensibilité picturale à l’état pur, la matérialité immatérielle, la substance ». Après avoir expérimenté plusieurs monochromies (notamment le jaune ou le vert), l’artiste ne trouve pas satisfaction. Il se lance alors dans une recherche acharnée, qui puisse lui procurer cette sensation de plénitude tant convoitée.
C’est avec le soutien et l’aide précieuse de son ami Edouard Adam, marchand de couleur, qu’il parvient à mettre au point, en 1995, un medium permettant d’utiliser un pigment pur sans l’altérer. C’est précisément ce mélange de pigment outremer numéro 1311, de Rhodopas et d’acétate polyvinylique qu’il baptise du nom d’IKB (International Klein Blue) et qu’il enregistre le 19 mai 1960 sous Enveloppe Soleau à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle. Cet IKB marque désormais l’identité visuelle d’Yves Klein. Diversement exploité, il reste le leitmotiv de son œuvre. Appliqué au rouleau, mais aussi par l’emploi de ses fameux « pinceaux vivants » ou « anthropométrie », selon le terme de Pierre Restany. Une technique encore une fois marquée du sceau d’Yves Klein puisqu’elle matérialise à la fois sa volonté de distance entre l’artiste et son œuvre, et sa conception bien particulière de l’art : créer dans l’instant, par la surprise et la provocation, une sensibilité nouvelle.
Ainsi, il déclarait en 1946 alors qu’il était allongé sur une plage de Nice : « je me mis à éprouver de la haine pour ces oiseaux qui volaient de-ci de-là dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu’ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres ». Si l’on devait chercher une analogie à ces trois artistes, au-delà de la monochromie, ce serait peut-être cette inlassable quête de pureté, de simplicité qui sait si bien magnifier l’existence.

Anthropométrie (ANT84)
Yves Klein 1960
©Archives Klein / ADAGP Paris 2012

Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de la Ville de Nice
du30 juin au 16 décembre
Promenade des Arts. Nice
ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
www.mamac-nice.org

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