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Les artistes de Nice et le renouveau du Pilou (2/2)

Quelles relations entre l’art et le pilou ? Aucune penserez-vous, tant l’écart entre un sport populaire et l’esthétique peut être grand ! Et pourtant les artistes de Nice, et notamment de l’Ecole de Nice, ont joué un rôle essentiel dans le renouveau du pilou. Et ils continuent... Certains y trouvent même une inspiration.

Le pilou, promu œuvre…

Les artistes de Nice n’en sont pas restés là dans leur attache avec le pilou. Certains l’ont introduit par touches dans leurs travaux. Parmi ceux-ci, citons le plus acharné dans ce genre, le chantre de la Cage à Mouche, Jean Mas. Cet artiste a produit dans le cadre de sa série très célèbre des Ombres, les ombres de pilouteurs, présentée dans de nombreuses expositions.

Jean Mas, Les piloutiers, 2000
DR

Depuis, dans le cadre des ses Performas, il promène le mot « pilou » dans les rue de Nice à l’occasion des évènements pilouistiques, comme aux Tournois du Vieux Nice, chaque année à la San Bertoumieu.

Jean Mas, le promeneur de mots (photo Emmanuel Nicolai)
DR
Jean Mas au tournoi du Vieux-Nice et Nissa Pilo (photo Emmanuel Nicolai)
DR

Le pilou a fait partie de sa célèbre crèche ; il existe pleinement au travers de ses « peu », p, etc…

Ben n’a pas manqué non plus d’immortaliser le pilou par une de ses œuvres dans son style inénarrable.

Ben Vautier, As pagatu lou pilou, 1997
DR

Le pilou a également inspiré les graphistes Baudoin ou Eusébi qui l’ont pérennisé sous forme d’affiches ou de bandes dessinées. Certaines sont devenues les couvertures successives du livre Et vive de pilou.

Baudoin, Couverture Et vive le pilou, 1998
DR
Logo Nissa Pilo dessiné par Jean Marc Eusebi, 2002
DR
Jean Marc Eusebi, Bande dessinée, 1998
DR

Depuis, le pilou est devenu le thème principal de plusieurs chansons dont le célèbre morceau de musique très humoristique, au programme du groupe Nux Vomica.

LO PILO

Pour jouer c’est pas compliqué
Prends une vieille pièce trouée
Une rondelle un bout de papier
T’as 5 minutes je vais t’expliquer

Prends donc cette feuille fais-en une fusée
Et enquille-la au milieu de la pièce

C’est un jeu d’argent qui te coûte pas un franc
Pilha leva jeta sauta pilha leva jeta sauta
C’est un jeu marrant qui t’explose pas les dents
Pilha leva jeta sauta pilha leva jeta sauta
C’est un jeu comment c’est pas pour les pédants
Pilha leva jeta sauta pilha leva jeta sauta
C’est un jeu éclatant c’est pas que pour les grands
Pilha la rondella e manda la dins la redon
PONPON... PONPON ... PONPON...

Prends un morceau de craie pour faire le tracé
Une croix 4 ronds dimension imposée
Il faut la relever la faire voler
Vas’y t’as qu’à jongler
Vas’y fais nous rêver
Si tu veux t’enflammer mets-lui un coup de pied

Si tu passes l’été sur la Côte d’Azur
Au lieu d’te faire bronzer
Sur cette plage engluée
Je te propose de t’élever
Jusqu’à destination COARAZE
Là il existe une rencontre internationale
Dans ce pays les champions peuvent y habiter
Dans mon village à COARAZE
Même St ROCH ils ont éclaté

Paroles et musique : NUX VOMICA
Pour l’écouter : http://sitedepilou.free.fr/_PRIVATE/Nux_Vomica_Lo_Pilo.wma

« Belle chorégraphie, on dirait des danseurs fous » Fredeu Port, Facebook, 2012
DR Pauline Berger

Le pilou eut également les honneurs de plusieurs poèmes dont celui encore insuffisamment connu écrit par la poétesse Francine Boileau.

L’espoir insensé

Icare regarde l’homme et l’e char. Le char et l’homme.
L’homme est fier. Il a inventé la roue. Le disque tourne et tourne encahotant.
Icare regarde la fierté de l’homme et l’arrogance de l’attelage.
Icare est triste, tellement écrasé par la pesanteur terrestre. A côté de lui gisent les débris épars des dernières inventions aériennes de son père, Dédale.
Icare regarde la joie de l’homme accroché à la Terre. Comment cet homme peut-il s’imaginer être libéré par le simple fait de ce déplacement horizontal ? En réalité, il est collé, irrémédiablement collé au sol.
Icare se lève. Il arrache une roue puis la taille et l’affine pendant des heures. Ensuite, il passe au travers du moyeu un lambeau de tissu qu’il tend avec de fines baguettes de chaque côté de la roue.
L’homme regarde Icare et la roue épurée ailée. La roue épurée ailée et Icare.
Icare est fier. Il va délivrer l’homme.
La roue descend lentement la colline. Icare et l’homme courent de chaque côté de l’aile incertaine et rouée. Ils la repoussent à chaque ressaut pour l’empêcher de tomber. Le tissu se gonfle, la roue prend de la vitesse. Le ravin approche. Icare et l’homme impriment un dernier mouvement à la roue qui s’envole. Sa ligne se suspend un temps bref infiniment long. Puis d’un coup, le tissu se fane. Et la force tapie reprend ses droits et l’attire vers le bas, tout en bas. L’homme regarde Icare s’éloigner. L’homme est triste.
Aujourd’hui, Icare s’est envolé par le fond. Il ne reviendra jamais. Alors l’homme jure de poursuivre son oeuvre. Il taille, taille des petits disques avec tout ce qu’il trouve : des branches, des galets plats, des pièces de monnaie. Il invente peu à peu la forme la plus fine, la plus profilée, la plus efficace : le pilou, pièce ronde de métal trouée, ailée de papier.
Depuis ce jour, les joueurs de pilou ont l’espoir insensé de réussir un rêve, le rêve d’Icare : atteindre le soleil en pilou.

L’espoir insensé, Poème de Francine Boillot-Grenon

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