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Lagalla : That’s all Folks !

Thierry Lagalla est un OVNI (Objet Volant Niçois Improbable) A 43 ans il a déjà fait douter le nombril de l’Art de sa capacité à enfanter de vrais natures en exhumant des décombres de l’après Duchamp quelques charafi en guise d’installations, en exposant de vrais fausses croûtes. Son arme, un sens aigu de l’absurde qu’il retourne d’abord contre lui même !

Au début était « l’homo sapiens » puis l’homme se mit debout et fit connaissance avec la peau de banane. Alors en 1966 vint Thierry Lagalla dit Tilo. Diplômé de l’école de la Brossalhas, Tilo est transféré d’urgence à Nice où il obtient en 1991 son diplôme d’artiste néo folklorique a ? l’ESRP « Si quelque chose peut être filmé, c’est la chute, l’estramasse, tout le reste c’est du remplissage, car c’est dans ces moments là que l’homme se révèle dans sa nudité ! »
Dés lors le pathos sera au cœur de son travail. La lucidité est ce qui sert à l’homme à mesurer l’étendue de son malheur alors Tilo pour évaluer le fond des océans a recours à un truc infaillible : la chute.. Ainsi dans ces dessins, peintures ou vidéos on le verra la tête posée sur une toile cirée comme sur un billot, une bougie d’anniversaire allumée dans l’oreille (jamais solet dau buòn/ Jamais vraiment seul) posant pour la postérité avec un pigeon sur le crâne « afin de pasticher ces grands hommes qui servent dans les jardins d’états de reposoir à volatiles et dont la figure finit maculé de guano » ; Ou encore jouer au binto avec deux patates et sa quéquette sans jamais parvenir à la retrouver sous les trois godets ?

"L’aventure espaciale 6", extrait vidéo

M’as-tu vu en Ravi ?

Il est comme ça, le Lagalla, un rien l’amuse. Mais une « cagade » c’est l’arbre qui cache la forêt ! Une forêt de papier canson qu’il peuple d’agapes populaires, cochons débités en charcutaille, sardines royales, et pour faire bonne figure d’autoportraits : M’as-tu vu en ravi de la crèche ou complètement à l’ouest, en John Wayne ? Car l’artiste touche à tout, se révèle un redoutable pamphlétaire de l’art qui n’oublie jamais que le pinceau « c’est le petit pénis dans l’étymologie » ? Yvon Lambert ne s’y pas trompé en invitant ses croquis acidulés à sa célèbre galerie entre les oeuvres d’un japonais et d’un new-yorkais. « Ça manquait d’exotisme ! » Et si Thierry passe à la moulinette le menu fretin de la pêche du jour avé l’accent, benêt qui n’y verrait que du néo-folklore. Car ce trublion provençal qui travaille volontiers du ciboulot en occitan taquine aussi la langue de Shakespeare. Ces œuvres en niçois sont sous-titré en anglais « Y’a pas de raison, c’est une langue comme une autre ! » explique le miston de la Ben génération qui parle d’oc et de toc, parce qu’il est du pays du Còr de la plana (un trio pour lequel, il dessina des pochettes d’album) et du Carnaval de St Roch. Mais « m’en bati ! » ça ne suffit pas. Il faut couper tous les cordons. Son kit de chirurgie plastique : Des jouets piqués à ses enfants, des ustensiles domestiques, des rebus, autrement dit à Nice des charafis « La huitième merveille du monde du ravi ! » Un arsenal qui fait passer le ready made américain pour du Vuiton ! Le recours au rudimentaire, au minimal, au patois, c’est en fait la réponse de Lagalla à l’emballement de la machine. Son économie d’effet, l’éloge de la tortue, un coup de pied au fondement du consumérisme !

L’aventura espaciale

Son invitation à « le tas d’esprit » de Ben à Paris en 2006 ou son exposition niçoise « Ò lo pintre ! » la même année permirent d’apprécier combien l’artiste jubile à se jouer des codes de la bienséance, de la rébellion, de la mode et du sacré. « Si tu peux passer le doigt dans tes taches, c’est que ce sont des trous » Un autre « déballage » qui confirmera que Tilo met le doigt là ou ça fait mal. Vrais fausses croûtes de peintre du dimanche, cartes postales d’aguichantes baigneuses, légendes urbaines dou Pays comme Sainte Sucette, une niçoise de petite vertu qui oeuvra jadis dans le quartier de Notre dame, Lagalla invite à son banquer l’extra et l’ordinaire, Eros, Thanathos et Patatrac ! Peu importe les outils qu’il manie, la transfiguration est au rendez-vous, transcendante, réjouissante, truculente… Pas vraiment artistiquement correct tout çà ? Et pourtant l’artiste a fait la tournée des grands ducs (Palais de Tokyo, Yvon Lambert, MAMAC) et se sent d’attaque aujourd’hui pour l’art abstrait « Voila un portrait de Dostoïevski, un autre Martin Lamotte ». Mais la plupart de ces toiles sont nés d’arrêts sur image de ces saynètes vidéo. Un format qu’il apprécie pour sa portée universelle (ses films ont été diffusés en Colombie, Brésil, Australie etc) et sa grande capacité de synthèse car dit il pour paraphraser Guitry : « Burlesquement au cinéma on court, en vidéo on a couru ! »
Le réel va trop vite, la vie vous échappe, le bon sens renâcle, alors Lagalla redresse tout ça en 24 images à la seconde. Et sous les feux de la rampe, s’avère un mélange corrosif de Buster Keaton dont il a la prunelle désabusée et d’un Ionesco enfermé dans les WC de Pagnol. Un OVNI au mitan de la rue qui tente d’atteindre les étoiles en vain. Vanité des vanités ! Dans sa série « L’aventura espaciale » le compte à rebours finit invariablement sur une chute digne de Cap Carnaval, jamais de Cap Canaveral. Jusqu’à ce jour, où le Centre National d’Etudes Spatiales ( CNES) au courant de ses infructueux essais en chambre l’appelle pour le convier à diffuser au sein de l’établissement ses déroutantes mises en orbites. Véridique !

A l’heure où l’usine à gaz accouche d’une souris où l’on « relifte » sa vie en pixels, Tilo lui prend le contre-pieds en célébrant l’acte manqué, les « Outsiders » et les maîtres du muet avec trois bout de ficelles. Plus Bastian countraîre, tu meurs ! « Et tant mieux si l’on voit les fils cela n’en souligne que plus l’instant de vérité : Vé, comme elles cassent ! »

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