Marcelle Cahn, l’artiste engagée

Artiste engagée

"C’était en 1963, j’ai frappé pour la première fois à la porte de ton atelier. La rue Daguerre
était notre rue commune. Ce qui me permettait de te voir et de te parler assez souvent. Ton
atelier était une sorte d’assemblage, un lieu qui se présentait comme un collage en trois
dimensions. Tu étais capable de rire. Je te vois encore fragile et transparente - vêtue de ton
blouson de travail. Tu te battais contre des techniques, contre la résistance des matières.
Tu étais à la recherche d’un blanc au-dessus de tous les blancs. Tu voulais découvrir la
mère et le père - le cercle et le carré. Mais pour le reste, rien n’échappait à tes yeux. Tout
ce qui t’entourait était condamné à être transformé en une oeuvre d’art. Une enveloppe,
une boîte de médicaments ou un ticket de métro te suffisaient pour partir dans tes rêves,
pour nous ouvrir les yeux, pour la poésie de notre monde. A la fin de ta vie, l’esprit dada
se manifeste en toi dans une pureté qui me permet de dire que l’art est la plus haute qualité
spirituelle de l’homme. Tu as refusé l’inutile. Tu n’as pas alourdi ton travail avec un faux
luxe, avec une activité vaniteuse."
Gottfried Honegger (In Gottfried Honegger, Homo Scriptor, Les Presses du Réel, 2004)
1993

Spatial, 1969, Relief, Collage, pastel sur carton et bois sur socle métallique, 12,5 x 6,5 x 3 cm et socle : 7,7 x 4 x 4 cm / Centre national des arts plastiques - ministère de la Culture et de la Communication / dépôt à l’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux. FNAC : 02-1155 / credit photo : droits r éservés

Née à Strasbourg en 1895, sa formation suit l’évolution de la peinture d’alors : elle étudie à Berlin avec un maître
expressionniste, Lovis Corinth, puis à Paris chez les Nabis (Maurice Denis, Vuillard), et rejoint les cours de l’Académie
moderne dans l’atelier de Fernand Léger et d’Amédée Ozenfant. C’est à ce moment là qu’elle franchit le pas de
l’abstraction, en proposant un style personnel alliant rigueur géométrique et sensibilité.

En 1929, elle devient membre du groupe Cercle et Carré, formé par Michel Seuphor et Joaquín Torres-Garcìa, qui
prône alors l’abstraction et la géométrie en opposition aux irrationalités du surréalisme. Elle se lie avec Jean Arp, y
rencontre Mondrian et participe à ce foisonnement artistique parisien. Après une période d’isolement due à la guerre,
elle participe régulièrement au Salon des réalités nouvelles, où elle montre ses compositions abstraites. C’est à cette
période qu’elle définit le style qui la caractérise : peintures à fond blanc parcourues d’un jeu de lignes ou de formes
en relief, c’est aussi à ce moment qu’elle réalise ses étonnants collages créés à partir de supports du quotidien
(enveloppes, étiquettes, photographies, cartes postales, goMmettes…).

Au début des années 1960 elle réalise ses premiers "spatiaux", sculptures faites de plans articulés dans l’espace.
Jusque dans les dernières années, elle travaillera sans répit à son œuvre, expérimentant toujours dans la solitude
de sa chambre-atelier.

Ce travail dont le panorama met en avant la cohérence et la justesse est malheureusement resté confidentiel. Cela
peut s’expliquer en partie par la personnalité même de l’artiste, qui manifestait un profond désir de détachement du
monde, ne semblant accepter que la reconnaissance de ses pairs.
Marcelle Cahn a ainsi consacré sa vie à son œuvre, allant jusqu’à renoncer à sa vie privée et intime. Elle renonce
également à ses origines bourgeoises, et vit de manière modeste et solitaire, en marge. Quelques amis fidèles la
soutiennent, ce sont des artistes ou des conservateurs. Michel Seuphor, Gottfried Honegger, Maurice Allemand,
Daniel Abadie et Serge Lemoine notamment suscitent de nombreuses initiatives pour faire connaître et diffuser
son oeuvre.

 L’exposition à Mouans-Sartoux, présentera l’ensemble du fonds Marcelle Cahn de la donation Albers-Honegger, une
vingtaine d’œuvres datées entre 1921 et 1977, témoignant à la fois de la rigueur et de la diversité de la démarche de
Marcelle Cahn, et témoignant aussi de l’attachement d’un homme, d’un artiste à une autre artiste : celui de Gottfried
Honegger. Au-delà des œuvres, c’est un portait de l’artiste qui est proposé, grâce à des témoignages, des documents
d’archives, notamment ceux appartenant à sa galeriste Denise René, ainsi que la projection de l’unique film sur
l‘artiste réalisé en 1976 par Pierre Gisling.

 Commissariat : Gottfried Honegger, assisté d’Alexandra Deslys et de Claire Spada

 Samedi 17 avril 15h : Conférence de Marie Luise Syring
Auteur d’un ouvrage sur Marcelle Cahn, Marie Luise Syring, nous présentera, de manière indissociable, l’ œuvre et
la vie de l’artiste. Marie Luise Syring a été critique d’art à Paris entre 1975 et 1985, puis conservatrice à la Kunsthalle
Düsseldorf de 1985 à 1997, et enfin directrice de la Kunsthalle Düsseldorf de 1997 jusqu’à 2001. Aujourd’hui elle dirige
le Département du Développement Culturel du Museum Kunst Palast de Düsseldorf en Allemagne.