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Cannes à la découverte de Kirina

Un baobab géant orné de lumières et de dessins d’enfants. Des artistes avec crinières, plumes de papier crépon, antennes de coccinelle ou corne de gazelle… L’opéra Kirina et son équipe au complet répètent un spectacle déjà rodé à l’Acropolis de Nice, la semaine passée. Une fois de plus, les artistes, les professionnels, le metteur en scène, les petites mains sont au rendez-vous et avec eux, toujours 500 enfants. Ce ne sont jamais les mêmes, il faut s’adapter, reprendre la répétition générale, encadrer 500 petits qui ont déjà tout des grands. Kirina, une aventure artistique unique à déguster sans modération.

Ce conte opéra en langue bambara est inspiré des chansons d’Habib Koité, mais aussi (et surtout) d’une journée vécue à Kirina pendant le tournage du film de Michel Jaffrennou (le metteur en scène), Desert Blues, un voyage musical au coeur du Mali, et enfin, du spectacle multimédia Desert Blues, griots et poètes des sables joué au Musée du quai Branly en juin 2007. Chaque année, ORFEO (Organisation de Rencontres pour la Formation d’Enfants et d’Enseignants par l’Opéra) donne carte blanche à un artiste de renom (chorégraphe, circassien, metteur en scène, musicien…) afin qu’il crée un opéra pour enfants. Au total pas moins de 2500 enfants participent à cette belle aventure, aussi humaine qu’enrichissante. Nous sommes allés rencontrer Alain Joutard. Il est le chef de chœur de ce projet. En tout, ce ne sont pas moins de 2500 enfants qui se seront laissés guider par ses baguettes cette année.

500 enfants par représenation, ça donne ça...
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Comment êtes-vous arrivé sur le projet ?

C’est une longue histoire pour moi puisque je suis directeur musical d’orfeo depuis plus de 20 ans maintenant. J’ai fait moultes et moultes créations … Kirina et cet opéra, c’est une belle rencontre de plus. Tout a commencé avec la projection d’un film il y a deux ans : « Désir Blues ». Un film réalisé par Michel Jaffrennou, scénographe, metteur en scène, vidéaste avec qui on travaille sur Kirina. A l’époque il était parti au Mali faire un tournage, qui réunissait des artistes Maliens, du nord et du sud, de différentes ethnies… Dans ce film il y avait déjà Habib Koité, ses musiciens et Yaya Coulibaly… Un ami m’a conseillé d’aller voir ce film, il sentait que ça pouvait m’inspirer pour un opéra. Ca n’a pas manqué, ce film a été le déclanchement de tout le projet.

C’est une histoire qui dure en fait…

Oui tout à fait, c’est une histoire qui dure ! Et qui se prolonge puisque l’on a créé Kirina l’année dernière déjà, dans les Alpes Maritimes et on le re- créé si j’ose dire cette année avec cet opéra. Reprendre une œuvre ça permet d’approfondir la mise en scène, de faire les choses qu’on avait pas eu le temps de faire du temps de la création… Et surtout de créer un lien avec l’Afrique : nous avons établi des correspondances entre les enfants des écoles françaises et africaines, un concours de dessins aussi. On a surtout un beau projet pour l’année prochaine, pour la commune d’Aubervilliers dans le 93 : deux classes sont déjà venues participer à cet opéra ici, et peut-être qu’on montera le spectacle à Aubervilliers l’année prochaine.

Le maestro en pleine répétition
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C’est tout le mal que l’on vous souhaite en tous cas ! Comment avez-vous préparé un tel projet ?

C’est un travail qui se fait par étapes bien sûr. Le point de départ c’est bien évidemment ce qui se fait dans les classes. Le but étant, au-delà du spectacle vraiment, d’amener la musique dans les écoles le plus possible, par un projet artistique d’envergure, par la voix qui reste l’instrument le plus évident pour tout le monde. Chaque classe qui participe à Kirina reçoit la visite d’un intervenant spécialisé, à raison d’une quinzaine de séances, réparties entre les mois de janvier et mai/juin, qui sont les mois des représentations. Ils sont une vingtaine au total à travailler sur ce projet toute l’année. Ces intervenants vont donc dans les classes répéter avec les élèves et faire chanter les troupes et ensuite, quinze jours, trois semaines avant l’opéra, on réunit ces enfants par groupes constitués de 500 élèves (ndlr : les cœurs sont à peu près de 500 enfants pour chaque représentation). J’assiste à des réunions pédagogiques organisées par l’Education Nationale en présence des instituteurs. S’inscrivent à ce projet toutes les classes qui ont envie de participer, les instituteurs ne doivent pas forcément être musiciens. Plus l’enseignant s’investit dans le projet, plus toute la classe en face adhère à la création. On répète, d’abord avec moi et seulement un piano ou la bande musicale, puis petit à petit, arrivent les pré-générales et les générales sur les plateaux des salles qui nous accueillent avec toute la troupe au complet. Donc on y va évidemment très progressivement. Parallèlement à ce travail aussi il y a un travail tout aussi intéressant de transversalité. C’est-à-dire que les enseignants se saisissent aussi du projet, bien sûr par la musique mais aussi par tout ce que le livret peut suggérer : le Mali, la culture malienne, le rapport de l’homme africain avec la nature, la symbolique des animaux, tout un tas de pistes à explorer et qui se sont entre autres traduites dans le concours de dessins…

En effet les thèmes tournaient beaucoup autour de l’écologie, du respect de la nature, protection des animaux…

Oui car tout ceci fait partie de la culture malienne et même africaine en général. C’est une culture qui peut nous apporter beaucoup… On essaie de donner une image de l’Afrique positive, car ce ne sont pas que des images de gens qui souffrent, des images qui d’ailleurs font toujours mal, des images dramatiques… Il ne faut pas oublier que c’est un continent riche et fascinant ; c’est peut-être là aussi que l’homme est apparu. C’est intéressant toute cette tradition orale, tout ce rapport naturel…

Quatre accrobates revisitant "le roi des animaux"
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C’est quelque chose qui vous tient à cœur : faire découvrir de nouvelles contrées aux enfants, les ouvrir sur le monde ? Vous avez déjà participé à d’autres projets autour de la Chine, de l’Amérique entre autres…

Oui absolument puisque je parrainais déjà ces actions à cette époque. Chaque projet est une aventure différente, on ne cherche pas à faire du spectacle pour enfants, on ne cherche pas non plus à faire intervenir des artistes dits « pour enfants ». Habib Koité qui tourne avec ses six musiciens n’avait jamais écrit pour les enfants, Angélique la chanteuse grecque avec qui nous avons travaillé déjà n’a jamais écrit pour les enfants, la troupe du cirque Plume il y a quelques années n’avait jamais fait de spectacles pour les enfants, finalement on va chercher des univers artistiques qui sont suffisamment riches et dont on sait qu’ils toucheront les enfants, mais au-delà des enfants : tout le public.

Pour vous c’est difficile de travailler avec des enfants qui ont entre 9 et 13 ans ou vous rempilez chaque année avec le même plaisir, fatigué mais heureux ?

Oui c’est vrai que c’est beaucoup d’énergie à donner, mais en même temps, j’en reçois beaucoup aussi. C’est magnifique les enfants. Cet âge-là est magnifique parce qu’on sent que l’être humain a tout son potentiel. Pareil pour le cerveau : malléable à l’infini. C’est un âge où l’on apprend facilement, où on mémorise facilement, en vieillissant on sait qu’on perd un peu cette spontanéité… C’est fabuleux tout ce que peut faire un enfant de cet âge.

Finalement il faut les cadrer, mais on se laisse porter…

Oui, totalement.

Ce n’est pas difficile de chanter dans une langue peu connue du grand public ?

Non, comme je le disais cela fait partie du potentiel fantastique des enfants ! Les langues étrangères pour eux c’est facile, ils ont une écoute naturelle. Il suffit qu’on leur donne le bon exemple en face ! Ici, nous avions fait une bande sonore que l’on a diffusé dans les classes, sur laquelle Habib (Koité) parlait cette langue (ndlr : le bambara) et puis, l’entendre chanter c’est entendre la langue. Les enfants entendent des sons dont ils s’imprègnent très facilement. L’an passé ils ont chanté en chinois, vraiment cela n’a jamais été un écueil pour nous.

Peu importe la langue, l’émotion est là…

Absolument, les enfants s’approprient la langue et réussissent à faire passer toutes les émotions, c’est aussi ça le pouvoir de la musique.

Propos recueillis par Aurélie Mignone

L’eclipse du spectacle
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Informations pratiques

Opera Kirina 1 et 2 juillet 2009 à 20h30
Palais des Festival, Grand Auditorium
Croisette - CANNES
Tarif : 16€

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