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NANTES : Safari

Cette exposition dresse un panorama des pratiques contemporaines qui font de l’animal le centre de préoccupations plasticiennes.

L’animal est au coeur d’un étrange paradoxe : pour nous autres humains qui sommes de plus en plus des urbains, l’animal devient de plus en plus présent —via ses différents modes d’apparition— au fur et à mesure que nos liens réels avec la nature s’estompent ; il participe en quelque sorte d’une nature de substitution, d’une « seconde » nature.

L’attachement envers les bêtes sauvages, qui se manifeste notamment par la sensibilisation extrême au sort de ces dernières, témoigne d’une angoisse justifiée face aux atteintes que subit l’environnement, mais aussi d’un sentiment plus souterrain, celui de la perte du lien secret qui unit l’homme au monde animal, à ses origines ancestrales et biologiques.

La surreprésentation de l’animal dans toutes les manifestations culturelles —y compris celles de type publicitaire— semble aller de pair avec la raréfaction programmée de sa présence au milieu de ce que certains ont nommé l’« anthropocène ».

Sylvain Rousseau, Le Grand cacatoès blanc, 2009. Musique de Sébastien Pruvost. Vues de l’exposition "So Many Reasons to Draw a Parrot", 2009. La Salle de bains, Lyon. Photo : André Morin. Courtesy Triple V, Pari, © Sylvain Rousseau.

Depuis que l’homme est homme, c’est à dire, en somme, depuis qu’il manifeste une prédisposition pour la conscience —ce que l’on pourrait traduire en équivalent artistique par : depuis qu’il sait tenir un pinceau— l’homme a cherché à représenter l’animal.

Premier modèle avéré, ce dernier n’a depuis jamais cessé de lui inspirer une multitude de créations de l’esprit qui sont apparues sous les formes les plus inimaginables : du Phoenix de la mythologie Persane jusqu’aux souris espiègles de Walt Disney en passant par l’incontournable bestiaire des fables de La Fontaine.

L’animal s’incarne en l’homme et l’homme lui emprunte ses « qualités » —courage, vélocité, force, ruse— comme un double inséparable lui servant à exprimer l’inexprimable de manière beaucoup plus efficace que n’importe quelle parabole.

Pilar Albarracin, Sans Titre (El Asno), 2010. Installation, âne naturalisé, livres chinés. Dimensions variables. Courtesy Galerie GP & N Valloi, © Pilar Albarracin.

Depuis que se profile une crise écologique majeure qui menace directement la survie des espèces, ce n’est plus seulement notre rapport « biologique » au monde qui se transforme, c’est aussi un élément majeur au sein de notre système de représentation —celui qui confie à l’animal, via le détour de la personnification, la charge de lui faire porter de multiples significations, notamment celle de relier animalité et humanité, d’opposer la sauvagerie à l’aliénation de notre « urbanité »— qui est mis en péril.

Quand notre rapport à l’animal s’amenuise, quand la possibilité de cette proximité de la vie sauvage disparaît, c’est aussi toute une production imaginaire et symbolique qui s’en va avec. Le monde de l’homme s’appauvrit.

La production artistique s’alimente depuis l’aube des temps à ce spectacle premier qui n’a jamais cessé d’évoluer et occupe encore une place primordiale dans l’imaginaire et l’inspiration des artistes d’aujourd’hui.

La fonction artistique de l’animal a certes énormément évolué depuis l’âge d’or de Lascaux, mais il n’a jamais disparu de la pratique picturale ou sculpturale (voir combien il fut représenté aux âges classiques et modernes) ; récemment, des artistes aussi célébrés que Maurizio Cattelan ou Damien Hirst en ont fait le motif majeur de leur production.

Par-delà tous les aspects philosophiques et moraux que véhicule la représentation de l’animal, il s’agit peut-être avant tout pour l’artiste de s’approprier cet inégalable trésor de spectacularité plastique qu’il recèle.

Le propos de "Safari" est de tenter de dresser un panorama des pratiques contemporaines qui font de l’animal le centre de préoccupations plasticiennes : du Spaghetti Man de Paul McCarthy, allégorie de la régression sexuelle dans les sociétés occidentales à la vidéo de Paulien Oltheten, Man and Dog, « danse » mimétique entre un homme et un chien qui illustre à ravir le sentiment de « dérangeante familiarité », en passant par le Grand Cacatoès Blanc de Sylvain Rousseau, redondance sculpturale de la spécificité de l’oiseau ou le film de Philippe Decrauzat, Afterbirds, tiré du générique des Oiseaux d’Hitchcock qui permet à l’artiste suisse d’annexer à sa peinture les effets du cinéma, jusqu’à la vidéo du chat de Rä di Martino dont le regard de félin a pour effet d’intervertir la cible et de nous muer de chasseur en chassé.

Artistes exposés

Pilar Albarracin, Can Altay, Carlos Amorales, Olivier Babin, Mircea Cantor, Donna Conlon, Philippe Decrauzat, Alain Della Negra & Kaori Kinoshita, Dewar & Gicquel, Franck Gérard, Carsten Höller, Ali Kazma, Lisa Lesaint, Rä di Martino, Paul McCarthy, Mathieu Mercier, Nicolas Milhé, Jean-Luc Moerman, Paulien Oltheten, Bruno Peinado, Sylvain Rousseau, Eric Tabuchi

Le Lieu unique
Quai Ferdinand Favre. BP 21304

44000 Nantes
Tél 33 2 40 12 14 34
Fax33 2 40 20 20 12
[email protected]
http://www.lelieuunique.com

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