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Les Rencontres d’Arles 2011 : profusion, ardeurs, fidélité

Cette année 2011 marque le dixième anniversaire de la nouvelle formule de notre festival. Nous éprouvons quelque immodeste satisfaction à constater que les Rencontres d’Arles, si chères aux photographes et, au
premier rang, aux valeureux fondateurs Lucien Clergue, Michel Tournier et Jean-Maurice
Rouquette, que les R.I.P., comme on disait à l’époque de ce renouveau, aient échappé alors au « Rest In Peace » auquel certains, adeptes d’un sinistre jeu de mots sur l’acronyme, les vouaient en ces temps lointains, les uns avec un chagrin sincère, les autres avec une commisération condescendante.

Par Jean-Noël Jeanneney, président des Rencontres d’Arles...

En 2001, la survie de cette belle entreprise, vieille de plus de trente ans, paraissait fort compromise. On
n’accueillait que 9 000 visiteurs et le budget était grevé de dettes, reposant pour 90 % sur un financement public : les
perspectives d’avenir étaient sombres si n’étaient pas redéfinis en profondeur les principes, la conception, le format de
l’ensemble. C’est en 2002 que François Barré, mon prédécesseur jusqu’en 2009, puis François Hébel,
appelés à la rescousse par le maire Hervé Schiavetti, mirent en oeuvre des transformations radicales qui permirent
l’enchaînement d’heureuses réussites. Il me tient à coeur, moi qui suis tout neuf dans l’aventure, de rendre
hommage à tous deux pour cela.

La nouvelle politique de programmation artistique s’appuie notamment sur de grands prix annuels de
photographie qui prospèrent grâce au soutien de Maja Hoffmann, de retour à Arles, soutien qui
s’affirmera comme de plus en plus généreux. Défricheur de nouveaux talents, le prix Découverte des
Rencontres permet de varier les regards posés sur la création, grâce, en particulier, au renouvellement
régulier des nominateurs. L’appel, selon le même principe, à une succession variée de commissaires et
d’experts, d’année en année, pour composer le programme (songeons au concours prestigieux de Martin Parr en 2004, Raymond Depardon en 2006, Christian Lacroix en 2008 ou encore Nan Goldin en 2009), fait
échapper au risque d’une vision par trop unilatérale qui ne s’ouvrirait pas généreusement à la diversité des talents.

Autre signe de cette montée en puissance : l’augmentation des surfaces d’exposition – on est passé de 3 000 à 15 000 mètres carrés – et l’extension, en conséquence, du nombre des expositions. (Je salue à ce propos
Olivier Etcheverry scénographe, Nicholas Champion régisseur, qui rivalisent d’invention, avec leurs équipes, pour
recevoir les oeuvres dans ces lieux qui ne les attendaient pas). La conquête des anciens ateliers de la SNCF a été, à cet égard, décisive. Cette friche industrielle était délaissée, repliée sur le souvenir douloureux et stérile d’un âge d’or ferroviaire révolu : nous lui avons redonné vie et avenir. L’église des Frères-Prêcheurs, redécouverte après des années de fermeture et de désintérêt, nous a apporté aussi le bénéfice de son prestige historique. La conviction de
la nouvelle équipe dirigeante – conviction instinctive mais confirmée par de savantes études ultérieures – était qu’il fallait atteindre un seuil critique dans la quantité des expositions afin que la densité de l’offre justifiât et motivât la venue à Arles de visiteurs français ou étrangers en grand nombre.

Parallèlement, des efforts ardents ont été accomplis pour accompagner et accroître la notoriété du festival auprès d’un large public, au-dedans et au-dehors, via notamment les partenariats noués avec divers médias (tels Radio France, Arte, Le Point…). Nous avons recherché une forte identité visuelle, décalée et originale, diffusée grâce à
d’autres partenariats privés (Metrobus, que préside Gérard Unger, la Fnac, Gares & Connexions…). Et c’est le lieu de saluer la contribution remarquable de Michel Bouvet, dont les affiches, nous entraînant du règne végétal au règne animal, constituent aujourd’hui notre emblème, notre image de marque. Nous lui rendons hommage à travers une exposition rétrospective de ses créations pour Arles, depuis le fameux piment des débuts jusqu’au zébu aux allures taurines que nous présentons cette année : on est passé de l’étrangeté à la familiarité sans rien perdre d’un sentiment de singularité qui demeure, me semble-t-il, de bon aloi.

Nous avons pu capitaliser de la sorte l’engouement croissant du public pour la photographie. L’usage des divers appareils qui permettent de la capter n’a jamais été aussi massif depuis l’invention de ce procédé magique, voilà bientôt deux cents ans. Le téléphone portable joue désormais un rôle décisif et il n’est pas besoin des dramatiques événements collectifs que nous vivons ces temps-ci dans le monde arabe pour en prendre la pleine mesure. La programmation des Rencontres d’Arles se donne le devoir d’être à l’avant-garde des évolutions
techniques et technologiques, gage de leur attrait auprès d’un public neuf autant que de tous ceux qui lui sont fidèles de longue main ; en moyenne un visiteur nous vient plus de trois fois sur cinq ans mais les
« primo-visiteurs » constituent actuellement 40 % du total.

La conquête de ce vaste public passe par un allongement de la durée des expositions. Traditionnellement celles-ci s’arrêtaient à la mi-août ; désormais la saison se clôture avec les journées du patrimoine, en septembre, le 15 août étant le point d’orgue de la fréquentation estivale, supplantant statistiquement la semaine d’ouverture de juillet, qui conserve la fidélité spécifique des professionnels.

Le Village situé à l’Atelier des Forges, dont j’ai suggéré l’apparition l’an dernier, est reconduit pour la semaine d’ouverture (du 4 au 10 juillet), selon un format que nous avons redéfini de concert avec ceux qui y étaient
présents en 2010, afin de permettre au plus grand nombre possible d’éditeurs et de libraires, petits et grands, d’y trouver confortablement et utilement leur place.

Nous ne pouvons aujourd’hui que nous réjouir de résultats qui s’apprécient à l’aune de chiffres éloquents. Depuis 2001, avec une augmentation moyenne de 20 % par an, le nombre de visiteurs du festival n’a cessé de croître, passant du chiffre de 9 000 que j’évoquais plus haut à 73 000 en 2010 ; les dix expositions proposées jadis sont maintenant soixante, le budget a été multiplié par cinq et les recettes propres ont crû de 10 à 60 % du budget. Les coproductions avec d’autres institutions ont aussi été multipliées. Les expositions (produites par nous-mêmes pour 80 % d’entre elles) s’exportent désormais souvent à travers le monde.

La « nouvelle formule » du festival – devrais-je écrire notre « New Deal » ? – a prouvé de la sorte, après une décennie, son efficacité. Au service des photographes et de la communauté photographique, tout autant qu’en contribuant à étancher la soif du public pour cet art majeur, le festival est parvenu à diversifier ses sources de revenus, par le biais d’une énergique politique tarifaire et commerciale (35 % des recettes) et avec l’appui
salutaire d’un groupe important de financeurs privés (25 %) dont nous avons su attirer vers nous la considération et l’amitié ; à quoi s’ajoutent les subventions des pouvoirs publics à hauteur
municipale, départementale, régionale et nationale : soutien moral précieux, apport matériel indispensable.

Sur le programme de 2011, que je crois pouvoir dire toujours aussi dense, hétéroclite et audacieux qu’auparavant, je voudrais jeter d’abord le regard de l’historien. En considérant, au premier rang, ce que nous avons à montrer
du Mexique dans la longue durée.

Le Mexique ! Je n’exprimerai pas ici de jugement sur l’enchaînement des circonstances qui ont conduit à mettre à bas, depuis le Palais de l’Élysée, pour le chagrin de beaucoup, tant de beaux projets artistiques qui devaient manifester cette année, en France, l’amitié de deux grands pays. Mais j’ai à coeur de saluer et de remercier les nombreux partenaires et interlocuteurs qui nous ont soutenus dans un parcours malaisé pour permettre que soit à peu près sauvée des eaux la partie mexicaine de notre programme : je citerai seulement, ici, au premier rang, l’ambassadeur Carlos de Izaca, en dépit des contraintes douloureuses qui lui étaient imposées, et M. Xavier Darcos, qui préside l’Institut français.

Si nous nous sommes rudement battus à cette fin, c’est que nous étions animés par la volonté de démontrer, à contre-courant de certains préjugés, combien le Mexique est riche d’une histoire républicaine et démocratique. L’exposition sur la révolution mexicaine, que nous avons réussi à présenter, en dépit de toutes les traverses
rencontrées, grâce au soutien de la Fondation Televisa, est hors de pair. Elle dévoile des clichés uniques et enrichit le répertoire photographique informant sur un événement majeur, et pas seulement pour l’Amérique latine, révélant beaucoup de nouvelles images en plus de celles déjà connues qui sont dues au fonds Casasolas.

Comment ne pas être fasciné, dans un autre registre, par la fabuleuse histoire qui entoure la trouvaille de la valise mexicaine ayant appartenu à Robert Capa, rescapée et ressuscitée après des années d’errance, depuis qu’elle avait été égarée à l’époque de la guerre civile d’Espagne ? Beaucoup éprouveront, je n’en doute pas, une tendresse particulière pour l’exposition de Chris Marker que nous avons le bonheur de pouvoir offrir. De ce témoin infatigable des soubresauts de la planète, de ce grand voyageur à la rencontre des peuples qu’il voudrait tant fraternels, les films et les photographies ont touché plusieurs générations, proposant du monde, sur le long terme, une vision lucide et, à la fin des fins, réconfortante.

Je laisse à François Hébel, comme il convient, le soin de présenter en détail le programme que, soutenu par l’efficacité de l’administratrice Alice Martin, il a imaginé avec son équipe de brillantes productrices. J’ajouterai seulement que quiconque s’intéresse aux effets des nouvelles technologies sur la culture est voué à porter un intérêt vif à l’exposition From Here On qui traite des usages de la photographie via l’Internet. Cette exposition a été conçue par les compétences de Clément Chéroux, Joan Fontcuberta, Erik Kessels, Martin Parr et Joachim Schmid et elle ouvre la voie vers un avenir fascinant et de nouveaux champs du processus créatif.
J’ai parlé jusqu’ici sur le ton de la satisfaction, sinon de l’allégresse. Mais, à l’occasion de ce dixième anniversaire, je ne peux taire mon inquiétude quant à la fragilité de notre festival, fragilité sur laquelle j’avais déjà, hélas !été contraint d’attirer, l’an dernier, l’attention. Les Rencontres, malgré leur brillant redressement, continuent de subir de plein fouet les aléas de la conjoncture, comme l’a prouvé l’annulation de l’année du Mexique. Notre
financement, fondé à 60 % sur des recettes propres et du mécénat, nous expose à de graves périls.

Dans cette situation d’équilibre précaire, nous exprimons notre pleine gratitude aux partenaires privés dont la fidélité ne nous a pas fait défaut : la Fondation LUMA, que nous ne remercierons jamais assez pour les
projets ambitieux qu’elle dessine et qui devraient, sous le sceau de Frank Gehry, commencer de se concrétiser à
l’automne, en assurant aux Rencontres la mise à disposition de nouveaux locaux, SFR, qui avait l’an dernier renouvelé et augmenté sa participation selon un nouveau contrat triennal, la Fnac, Olympus, BMW qui a rejoint le Festival l’an dernier et revient cette année, la banque Pictet dont nous avons le privilège de présenter le prix sur le développement durable – sans compter bien d’autres encore que je ne peux citer tous mais qui savent combien nous leur devons.

Il me revient de m’adresser enfin aux pouvoirs publics pour leur témoigner notre reconnaissance, en
premier lieu au ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand. Clairement conscient des nouveaux enjeux liés à la photographie, il nous a témoigné, sur place comme à Paris, de sa conviction que notre festival mérite d’être consolidé et de son intention d’y pourvoir. Sa confiance et son intérêt nous sont précieux, utilement relayés sur place par la Direction régionale des Affaires culturelles. Nous savons gré au ministère de l’Éducation
nationale de souhaiter, parce qu’il est conscient de ce que nous apportons à la formation artistique et civique des jeunes citoyens, s’affirmer davantage aux côtés des Rencontres, en signant une nouvelle convention triennale. Je remercie également les collectivités locales, le Conseil régional, le Conseil général des Bouches-du-Rhône et la Ville d’Arles, sans le soutien régulier desquels le festival n’aurait pu perdurer depuis quarante-deux ans.

Par François Hébel, directeur artistique des Rencontres d’Arles...

En 2002, pour la première édition de la nouvelle formule des Rencontres d’Arles, nous prenions en compte l’élargissement de la palette du photographe par le numérique. Nous présentions Here is New York (Voici New York, suite aux attentats du 11 septembre), premier phénomène de l’ère digitale mélangeant professionnels et amateurs, et nous affirmions le genre de la photographie « vernaculaire ». Dix éditions plus loin, le monde a changé, la photographie et son public aussi.

MANIFESTES

En 2011, From Here On (À partir de maintenant), un manifeste signé de cinq artistes et directeurs artistiques, tous liés de longue date à Arles, déclare un changement profond dans les usages de la photographie, engendré par la suprématie d’Internet et de la création numérique dans l’accès et la diffusion des images. Ce manifeste introduit l’exposition de 36 artistes illustrant les nouvelles étendues de la création.
Précurseur s’il en est, Chris Marker, a très tôt cherché à utiliser la photographie de façon différente : de La Jetée à Second Life, du banc-titre mythique à sa passion d’aujourd’hui, la galerie virtuelle. Cette exposition présente ce voyageur engagé, amusé et bouleversant, à travers ses séries photographiques en noir et blanc réalisées durant ses voyages autour du monde, et la plus récente, inédite et en couleur, dans le métro parisien.
D’une génération différente, mais animé comme Chris Marker d’une conscience politique à l’échelle internationale, JR, révélé à Arles en 2007, qui a toujours eu un souci radical de solidarité et de fraternité et refusé le fatalisme, vient de recevoir le prestigieux prix TED aux États-Unis. Il présente au Théâtre antique l’évolution fulgurante de ses projets d’affichages citoyens, en clôture de la semaine d’ouverture.

Cette empathie nous l’avons souhaitée avec les artistes et commissaires d’exposition mexicains, en maintenant, malgré les soubresauts de la politique, plusieurs expositions de ce pays où la photographie tant historique que contemporaine est remarquable.

RÉPUBLIQUE

Des vintages de la révolution mexicaine (1910), premier moment de la photographie documentaire moderne, sont rassemblés pour la première fois avec le soutien de la Fondation Televisa de Mexico. Une très belle rétrospective consacrée à Graciela Iturbide est présentée avec l’aide de la FUNDACION MAPFRE à Madrid et de sa commissaire Marta Dahó. Des artistes contemporains montrent leur distance critique sur la société mexicaine d’aujourd’hui. À travers ces projets se révèle une représentation d’une République conquise de haute lutte et d’une démocratie bien vivante.
Une longue amitié lie Arles et le Mexique. Après avoir visité Arles, Pedro Meyer a créé à Mexico le Centro de la Imagen, devenu le centre de référence pour les photographes latino- américains. Manuel Álvarez Bravo, chargé il y a trente ans de créer une collection de photographies pour la Fondation Televisa, a approché de nombreux photographes lors des premières Rencontres dirigées par Lucien Clergue.
La Fondation Televisa présente également à Arles l’exposition consacrée au directeur de la photographie Gabriel Figueroa initialement prévue à la Conciergerie à Paris.

DOCUMENTS

En 1939, dans une France au bord de la capitulation, le président mexicain, Lazaro Cardenas, sauve les républicains espagnols enfermés par la police française au camp d’Argelès en les évacuant vers le Mexique. C’est le chemin de cette démocratie mexicaine qu’a suivi la valise de négatifs de la guerre d’Espagne de Robert Capa, Gerda Taro et Chim (David Seymour). Elle est exposée pour la première fois en Europe après avoir été révélée à l’International Center of Photography de New York cet hiver.
Trisha Ziff, qui a permis de retrouver ce trésor, donne la première de son film poignant sur le périple de cette valise, en ouverture des Rencontres au Théâtre Antique.

Cette section du programme, liée à la photographie de presse, célèbre les 30 ans du New York Times
Magazine par la création, avec la Fondation Aperture, d’une exposition montrant l’excellence en matière de
photographie documentaire et de portrait.
Alors que le photo journalisme souffre d’un violent phénomène de délocalisation et de dumping qui refuse de dire son nom, une soirée de projection « mano a mano » rassemble l’agence VII et le collectif Tendance Floue, de caractères si différents, qui ont marqué les dix dernières années.
Enfin un hommage est rendu par ses amis à Roger Thérond, patron historique de Paris Match, grand collectionneur
de photographies et l’un des premiers membres du Conseil d’Administration des Rencontres d’Arles, décédé en
juin 2001.

POINTS DE VUE

Tous récemment nommés dans leurs fonctions, les cinq nominateurs du prix Découverte 2011
représentent les nouvelles générations de conservateurs, éditeurs, collectionneurs. Simon Baker, Chris Boot, Le Point du Jour (David Barriet, David Benassayag, Béatrice Didier), Sam Stourdzé et Artur
Walther proposent pour cette dixième édition une sélection de quinze expositions de très grande qualité.
Créé à l’initiative des Rencontres en 2002, avec le soutien immédiat de la Fondation LUMA, le prix Découverte a aussi été l’occasion d’inviter à Arles plus de cinquante nominateurs qui se sont
succédé dans cet exercice. Leurs choix extrêmement variés montrent combien le champ de la
photographie n’a cessé de s’étendre. Force est de constater, à travers l’exposition qui les rassemble, que tous les artistes primés, souvent rencontrés en plein essor, ont acquis une grande notoriété.
L’un d’entre eux, Wang Qingsong, lauréat en 2006, représente le grand mouvement de la photographie chinoise
contemporaine très présent à Arles ces dernières années. Il expose sa nouvelle fresque-performance de
42 mètres de long. Beaucoup d’autres expositions, projections, colloques, séminaires, débats, stages, émaillent ce programme des Rencontres et, comme toujours à Arles, des initiatives parallèles viennent l’enrichir.

Foam, très beau musée d’Amsterdam, célèbre ses dix ans en interrogeant What’s next ? (Et Après ?), la Fondation
LUMA poursuit ses propres programmes sous la forme d’un séminaire, d’une exposition de Trisha Donnelly et
remodèle le prix LUMA créé en 2010, le Méjan poursuit avec Actes Sud et, cette année,
avec la Collection Lambert son intense activité photographique et Arles verra surgir nombre d’initiatives
dont la spontanéité et l’implication militante nous réjouissent.

RÉVOLUE OU RÉVOLUTION ?

Depuis dix ans, face à ce qui paraît parfois comme des choix fragiles, voire ésotériques, des présentations non académiques, certains demandent régulièrement si la photographie est un genre révolu. Eh bien non, elle n’a jamais été aussi dynamique, variée, libre, signifiante. Ses territoires se déplacent, ses outils se multiplient, et le public qui s’y intéresse ou qui la pratique est exponentiel.
La photographie est devenue la première pratique culturelle des Français, selon une étude du ministère de la Culture. Avec les partenaires publics et privés, nous remercions chaleureusement ces visiteurs, professionnels, de loisir ou scolaires que nous rencontrons plus nombreux tous les étés. Ils sont la récompense du travail, parfois plus ardu qu’il n’y paraît, mené avec enthousiasme par les équipes des Rencontres d’Arles depuis dix ans.
Cette affluence témoigne un nécessaire respect pour ceux qui ont fait le choix difficile d’être artistes. Par cette qualité ils ne se marginalisent pas mais se mettent au centre de la société. Ils en sont les témoins indépendants, les premiers critiques. De leurs regards et de leur libre agenda, nous nourrissons notre perception du monde. Puissent-ils nous convaincre d’élargir nos points de vue, afin d’agir avec plus d’empathie dans une société qui se doit d’être plus solidaire.

Pour toutes ces raisons, je reste convaincu qu’un festival est un média, un temps de pause pour une réflexion esthétique et donc politique sur le monde. J’espère que ces dix dernières années ont distillé ce message, pour que l’avenir continue d’échapper tant aux lois du marché qu’à celles des académismes. Pour que la photographie, les photographes, mais aussi les commissaires et directeurs artistiques, continuent à nous surprendre par de nouvelles grammaires non conformes aux idées préconçues que l’on pourrait se faire de la photographie.

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