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MARSEILLE - The Saint of bleecker Street : un moment de grâce

L’Opéra de Marseille vient de réussir un coup de maitre avec la programmation d’un ouvrage rarement représenté de Gian Carlo Menotti, The saint of Bleecker Street qui sur la problématique de la foi et du doute raconte le parcours mystique de la jeune Annina ; Menotti s’étant pour l’occasion inspiré du personnage de Thérèse Neumann……

Les théâtres lui préfèrent en effet généralement des pièces moins exigeantes scéniquement comme Amahl, The Medium ou The Consul, et l’un des grands mérites de la récente production marseillaise tient justement dans la concision et la fluidité de la mise en scène. Stephen Medcalf adopte un dispositif unique, un carrefour dans Little Italy à Manhattan où toute l’action va se dérouler aussi aisément que si l’on tirait le fil d’une pelote de laine.

Cette option facilite les mouvements de foule et processions diverses de la communauté de Little Italy, ces « ritals » encore prisonniers de leurs traditions mais déjà enchâssés dans un nouveau monde défilent avec des drapeaux vert blanc rouge, et font la fête, Turiddu ou Santuzza viendraient à apparaitre que personne ne songerait à s’en offusquer….

Annina (Karen Vourc’h)/ Do Marco (Dmitry Ulyanov)
Photos Christian Dresse

Et quel bonheur de retrouver l’univers musical de Gian Carlo Menotti, il fut parfois injustement brocardé, traité de « Puccini du pauvre » mais l’engouement du public à l’égard du compositeur italien ne s’est jamais démenti, sans doute parce que son écriture vibrante et débridée palpite au rythme du cœur et de l’âme et ressuscite en tout un chacun les émotions les plus simples comme les plus profondes.
La production est servie par un quatuor vocal de haute volée, chacun des protagonistes possédant l’essentiel des qualités requises pour la palette de rôles.

L’Annina de Karen Vourc’h dont le lumineux soprano lyrique rayonne dans l’aigu et le haut médium assume toutes les tensions de la tessiture. Nonobstant un manque de projection uniquement perceptible dans le bas médium, l’incarnation décline toutes les vertus requises, une simplicité presque fragile, un investissement émouvant, une belle ductilité de timbre……

A ses cotés Atila Kiss-B campe un Michele vocalement ébouriffant, négociant avec une aisance déconcertante les séquences paroxystiques, le ténor hongro-roumain a incontestablement « La » voix du rôle.

Giuseppina Piunti est la femme de chair que Menotti voulait pour Desideria, celle dont les intonations capiteuses ou véhémentes scelleront le destin !

Dmitry Ulyanov complète ce quatuor magique avec une magistrale interprétation de Don Marco pétrie de noblesse de ton et d’une musicalité sonore et cuivrée.

Michelle/ Annina
Photos Christian Dresse

L’orchestre Philharmonique et les chœurs de l’Opéra de Marseille confirment le caractère ascendant de leur trajectoire sous la direction de Jonathan Webb, ce spécialiste du théâtre musical du XXème siècle rend pleinement justice au mélisme du compositeur, tout en se parant ça et là d’une réserve parfois inattendue en privilégiant la clarté du discours aux effets d’opulence mélodique.
In fine ce spectacle bouleversant est un véritable moment de……Grâce !

Annina (Karen Vourc’h)/ Do Marco (Dmitry Ulyanov)
Photos : Christian Dresse

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