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La vie de Château

Tourettes-sur-Loup, dont le Château mairie est l’un des plus actifs relais du FRAC de la région, cultive outre sa célèbre violette, l’ambition de redevenir un grand village culturel à l’écoute de son temps et de ses habitants. Visite guidée…

Apporter du sang neuf au village en injectant encore plus d’art dans ses vieilles pierres, c’est le remède prescrit par Evelyne Dubosq, adjointe à la culture depuis le deuxième mandat du maire José Bertaina. Une femme de passion et de partage qui sait de quoi elle parle. Evelyne vit ici depuis 35 ans aux côtés de son époux et de leur fils, tout deux artisans, et pratique le terrain en tant qu’artiste à la tête d’une association de spectacles vocaux. Ce terroir propice à la culture de la violette l’est aussi pour la culture de l’esprit. Il suffit pour s’en rendre compte de sillonner ses ruelles pavées qui égrainent leurs galeries d’art ou de recenser tous ces créateurs qui y ont élu domicile. Parmi les plus connus, des grands noms de la sculpture : J-C Fahri de l’école de Nice, le Québécois Robert Roussil et l’américain David Logan. L’architecte Antti Lovag y vit en ermite depuis 1968 dans sa maison bulle classée au répertoire des monuments historiques. Mais l’un des premiers à avoir posé son empreinte fut le grand compositeur français membre du groupe des six. « C’est ici qu’en 1955 s’installèrent les premiers artisans d’art. Un vent de création qui attira dans nos murs, Francis Poulenc. » La maison où le musicien écrivit sa partition du « Dialogue des Carmélites » est encore bien là. En 1993 le Village fêta le trentenaire de sa disparition autour d’un événement qui ressuscita pendant trois jours de concerts et d’exposition l’artiste et ses amis, Cocteau et Picasso. « Sans moyens mais sans complexe, avec l’association dont je m’occupe, nous sommes allés alors frapper aux portes des Musées Picasso d’Antibes et Cocteau à Menton qui acceptèrent de collaborer gracieusement. Nous souhaitons rééditer cet événement en 2013 à l’occasion du cinquantenaire de sa mort. » En attendant, la municipalité s’efforce d’améliorer la signalétique du village afin de faire revivre aux visiteurs cette histoire et bien d’autres qui font de cette cité médiévale à 14 km du rivage, un village d’art au même titre que Saint Paul ou Vallauris.

Evelyne Dubosq devant le bas relief en bois de Robert Roussil

De Garouste à Nino Rota

Mais le village vit aussi au présent à l’image d’une autre bâtisse de mémoire qui accueille toute l’année derrière sa façade rafraichie du XVème siècle des expositions d’art plastique. L’ancien Château des Villeneuve où siège depuis plus de 25 ans la mairie est devenu un haut de lieu d’expositions depuis sa réfection entreprise par Maximin Escalier, maire de Tourettes, il y a une trentaine d’années. Depuis 2002, le FRAC a conclu un partenariat avec la municipalité pour y exposer dans ses grandes salles une partie de sa collection. « Une proposition qui s’inscrit dans la politique du FRAC visant à sensibiliser les publics les plus larges à l’art d’aujourd’hui », explique Fabrice Albanese Médiateur culturel en charge de l’espace. Ainsi furent présentés dans ces nobles pierres des peintres aussi reconnus que Garouste, Fromanger, Piotr Klemensiewicz ou actuellement Didier Mencoboni. Du 18 novembre 2008 au 24 mai dernier c’est Marie Ducaté qui avait déployé son univers onirique dès l’entrée de l’exposition où une frise de papier de 40 mètres serpentait d’une salle à l’autre. « Cette exposition ludique nous a permis de nous rapprocher de Vallauris où l’artiste exposait parallèlement son travail de céramiste », commente Evelyne Dubosq qui a souhaité récupérer le lieu durant la période estivale. « De mai à octobre, le FRAC se retire et nous jouissons de l’espace afin d’intégrer à nos propositions la vingtaine d’artistes résidant chez nous. »

Créer du lien avec les habitants

Cet été les cimaises du Château accueillirent ainsi le travail d’une figure locale qui séjourna de 1960 à 1994 dans le village : « Andrew Mac Donald, un peintre doué d’un talent de coloriste aux origines danoises et écossaises, se promenait toujours en kilt dans nos ruelles. Il a beaucoup peint, peu vendu, mais beaucoup bu et aimé. Après sa disparition, sa famille nous fit don de 120 toiles. Dans son appartement sur les remparts nous avons trouvé un coffre entier de dessins réalisés depuis son arrivée dans le village ». En septembre c’est le collectif « Nan’art » qui prit la suite avec un accrochage réunissant six femmes artistes du cru. « Pour l’année prochaine, les débats sont ouverts, je serais tentée par la photographie après avoir accueilli avec le FRAC du 19 novembre au 30 mai 2010 les toiles abstraites de Didier Mencoboni ». Dans tout ce qu’elle entreprend, l’adjointe à la culture essaye de créer une dynamique permettant de fédérer les habitants autour des événements. « On s’est aperçu qu’en mixant les expositions avec des performances musicales, le public qui boude l’art contemporain finissait par se déplacer. Nous avons fait un ballon d’essai avec un quatuor de guitare qui s’est déplacé du hall du château aux salles du Frac où était exposés l’œuvre de Garouste ainsi que d’autres toiles assez sombres et tout le monde a suivi ! ». Sur ce principe, l’exposition autour du cirque à travers la collection d’Alain Frère fut relayée par les Nuits de Tourettes durant lesquelles les musiciens invités jouèrent des œuvres de Niño Rota. « Nous avons également profité du succès des Rendez-vous du Château dont les concerts affichent complet pour laisser pendant les entractes les salles d’exposition ouvertes au public ».
« Je souhaite que le château redevienne ce qu’il a été : un lieu de culture ouvert à tous », conclut Evelyne Dubosq devant le bas-relief en bois sculpté de Robert Roussil qui habille son grand Hall et que la municipalité vient d’acquérir. Rouvrir le chemin de ronde en l’animant d’un parcours de mimes, transformer la tour de l’horloge en résidence d’artistes, l’adjointe à la culture fourmille de projets mais garde la tête sur les épaules car elle sait « qu’il y a encore du grain à moudre » dans ce village historique d’artisans.

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