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THEATRE : Nouveau Roman - Texte et mise en scène de Christophe Honoré

Tour à tour romancier, cinéaste, écrivain pour enfant, critique de cinéma, scénariste, Christophe Honoré, artiste donc multicarte, présentait cet été au Festival d’Avignon, sa récente pièce « Nouveau Roman », reprise à l’automne au Théâtre de la Colline, avant une tournée dans le Sud de la France, dès janvier (1).

© Jean-Louis Fernandez

Que reste-t-il du Nouveau Roman ? Quelles traces a-t-il laissées ? De façon ludique, sans rien de pompeux ni de didactique, Christophe Honoré essaie de faire partager les souvenirs qu’il en a gardé depuis ses études universitaires. Aussi, a-t-il imaginé de porter à la scène les principaux auteurs de ce mouvement littéraire, en partant de la fameuse photo prise en 1959 devant les Editions de Minuit où l’on voit Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Claude Mauriac, Robert Pinget, Samuel Beckett, Claude Ollier et leur éditeur Jérôme Lindon. Manquent à l’appel Michel Butor et Marguerite Duras, mais ils sont incarnés dans la pièce, ainsi que Françoise Sagan en visite comme écrivain à succès, loin de cette avant-garde.

Pour tout décor une vilaine moquette fleurie et un bureau de juge sur une estrade, avec quelques écrans où sont « programmés » des écrivains actuels et autres intellectuels qui commentent les oeuvres de cette mafia littéraire. Eux, ils s’agitent joyeusement dans une sorte d’éternité insolente, étant demeurés jeunes. Chacun est présenté par Claude Mauriac, alias Julien Honoré. Les hommes sont parfois interprétés par des femmes et vice-versa, qu’importe ! Seules leurs oeuvres comptent. Pour cette poignée d’irréductibles singuliers, un roman est l’approfondissement de la réalité, et son propos est avant tout une affaire d’invention : le réel n’est pas pris dans des formes convenues. La pièce montre leurs rapports aux médias et leurs relations entre eux, où rivalité et mesquinerie dépassent souvent les liens amicaux. Ils chantent, dansent, virevoltent, et pourtant peut-être sont-ils aujourd’hui nos grands écrivains qui assurent encore la renommée de la littérature française à l’étranger, alors que le milieu littéraire parisien les a oubliés sinon bannis, pensant que le Nouveau Roman a pourri la fiction française sans tenir compte de l’intrigue et des personnages contrairement à la littérature américaine.

© Jean-Louis Fernandez

A la fois pointue et accessible, la pièce interroge le statut de l’écrivain parle de la question de sa reconnaissance et de son implication dans la société,. Qu’est-ce que les écrivains attendent de la société et de leurs lecteurs ? Leur expérience collective et intime, expérience modelée par la résurgence de leurs contradictions et de leurs petitesses, a demandé un important travail de recherche et de documentation à partir des oeuvres et des entretiens qui ont été filmés et dont des extraits ponctuent la pièce. Rien de ce que ces inventeurs ont écrit ne semble gravé dans le marbre, pourtant plus de 50 ans après sa naissance, cette avant-garde résiste. A Robert Pinget de dire : « Mes livres s’adressent à ceux qui les aiment. » Et à Nathalie Sarraute, plus « théoricienne », d’ajouter : « Chaque mot, comme un chien, a un pedigree. »

Les comédiens sont tous formidables s’appropriant les écrivains sans chercher l’imitation ni en faire des personnages fantomatiques. Anaïs Demoustier est une frêle Marguerite Duras et Brigitte Catillon un solide Michel Butor. Ludivine Sagnier joue Nathalie Sarraute, alors que Benjamin Wangermée sera successivement Claude Ollier et Françoise Sagan, ...
Tout groupe explose, voir ce qui est advenu des surréalistes. Le mouvement du Nouveau Roman se finira avec la lecture faite par Marguerite Duras du « manifeste des 121 » sur le droit à l’insoumission durant la guerre d’Algérie...
C’était l’époque !

(1) A Toulon du 10 au 12 janvier, Perpignan le 17 et 18, ....

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