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DESSIN : Benvegut a EUSEBILAND (Made in Eusébi)

Jean-Marc Eusébi, nous a quittés voici trois ans, mais il est resté dans le cœur de tous ceux qui l’ont aimé dans « la Baie des Paradoxes ». Afin de rendre hommage à cet attachant et prolixe dessinateur, auteur de pièces, créateur de presse et de chars de carnaval, le groupement des CEDAC de Nice accueille du 12 octobre au 27 novembre le meilleur et le pire de l’extravagant Monsieur Eusébi.

Cet automne les CEDAC de Nice ont décidé de faire revivre l’un de leur plus fidèle complice Jean-Marc Eusébi. Alexandra Masson, présidente du groupement s’en explique « Jean-Marc Eusébi a réalisé dès 1988 les catalogues du CEDAC, graphismes, campagnes et affiches. De notre côté nous avons soutenu bon nombre de ses aventures sur le papier de la Baie des Paradoxes à Emma ratatouille. Nous avons eu avec lui un vrai parcours, une complicité active et chaleureuse. Chaque fois que Jean-Marc avait un projet, il venait nous voir. On essayait d’offrir une lisibilité à son travail talentueux qui avait le don de fédérer les niçois de 7 à 77 ans sans distinction aucune »

Alexandra Masson, JM Eusébi, Max Denfer et Dominique Estrosi-Sassone © J-Ch. Dusanter

Eusébi se fait les CEDAC

Alors dès le 12 octobre tous les CEDAC de Nice se mettront à la page d’Eusébi. Un univers fantasmagorique, truculent, irrévérencieux qui investira Nice en ses quatre points cardinaux. Les grand thèmes ont été dégagés en accord avec sa famille. A Cimiez, nous accueillerons une rétrospective de l’ensemble de son œuvre ! Au CEDAC Terra Amata, « Eusébi et Nice » à Saint-Antoine « Eusébi et le carnaval ». A la Costière « Eusébi et le théâtre » sera ponctué de représentations pour les enfants. Enfin à l’Ariane nous déploierons l’univers de la Carna-crèche concoctée avec le CEDAC afin de mélanger deux grandes traditions « Noël et le Carnaval ». De mon coté j’ai continué à faire vivre la Carna crèche au CEDAC et au CUM dont je suis aussi la présidente. Chaque année dans le cadre d’ateliers de nouveaux sujets sont créés, si bien que nous avons aujourd’hui à Django Reinhardt une grande Carna crèche avec une dizaine de santons, dont la nativité réalisée par Eusébi. Il y aura aussi des affiches, des céramiques et des planches du journal « Barre à mine » ou de son premier album « Caresses d’écorcheur »
Cet événement sera l’occasion de lancer officiellement, l’association placée sous l’égide de son fils Raphaël « Les amis de Jean-Marc Eusébi » présidée par Alexandra Masson et Olivier Bettati. Bref l’affaire Eusébi n’est pas prête d’être classée, une bonne nouvelle par ces temps de grise mine !

La caresse de l’écorché

Il aurait su trouver les mots et le coup de crayon pour nous parler de la crise, de la grippe A ou de la mort de Michael Jackson. Jean-Marc Eusébi restera à jamais cet elfe sur-vitaminé dont le regard bleu perçant était aussi imprévisible que le ressac de Coco Beach, un lieu où il aimait se ressourcer entre amis. Né à Nice le 15 février 1962, ce fils d’agriculteur de la Vésubie a troqué très tôt la pioche pour le crayon gras et le pinceau. Dessinateur de BD, auteur dramatique, éditorialiste, graphiste de publicité, enseignant en art et communication, imagier du Carnaval de Nice, quand on demandait au « touche à tout inspiré » son activité principale, il déclarait sans ambages « La schizophrénie ! ». Il aimait Matisse et Reiser, « la déconnante » pas vraiment light, la provocation et la tendresse (dans cet ordre), était capable de faire les 400 cents coups avec les enfants qu’il rencontrait lors d’interventions en milieu scolaire comme avec les vieilles dames (indignes). Concepteur de chars et de 56 grosses têtes, s’il regrettait parfois que les plus impertinents de ces projets ne soient pas retenus, son attachement au pays demeurait : « Certains chars partent au Japon, ce qui n’est pas pour me déplaire car si je défends l’identité niçoise c’est pour qu’elle sorte de ses gongs et passe la frontière de la xénophobie ». Mais les racines, ne lui suffisaient pas. Il voulait aussi les feuilles, des feuilles blanches pour en faire voir de toutes les couleurs à ses contemporains. Un travail, une mission qu’il partagea avec quelques complices du cru : Louis Pastorelli (Le CD + BD Coucou Cougourdon) et Nux Vomica (Le Carnaval de Cougourdon) Michel Sajn (Scène d’Azur) Max Denfer ("La Guerre des étals" Bd en édition bilingues français-niçois), Richard Cairaschi, Boccarossa et tant d’autres….Et à toutes fins utiles, l’artiste mettait les bouchées doubles. En 2003, il signe le char du "Roy de la com média" avec "ArleKing", l’un des plus grands mannequins articulés du monde culminant à 15 m., adapte pour la scène deux de ses BD. En 2000 « Hôtel Beau Potage » avec la Cie du Théâtre Chou. Trois ans après "Carnavalloween" avec la Cie Miranda. Mais freiné par la maladie, l’auteur ne pourra achever le scenario tiré d’une pièce en chantier « Dillan Mahmoud, un beurre in the mood ».

Eusébi voyait tout en grand ou plutôt dans les grandes largeurs de l’esprit. L’un de ces premiers avatars de papier « Membror » en témoigna de façon si cru et si efficace, que cela valut au journal « Barre à Mines » de comparaitre devant le tribunal de Nice. Mais le brulot « bimestriel de contre-information » monté avec Jack Lalli, fidèle lieutenant, défraya si bien la chronique en 15 numéros qu’il s’attira également les louanges de la presse nationale et comparut cette fois très cathodiquement à Canal +. Au-delà de l’attachement qu’il suscitait auprès des femmes comme des hommes (surtout des femmes !), Eusébi était indéniablement de la même trempe sanguine et jubilatoire que les Reiser ou Vuillemin. Que grâce lui en soit rendue encore pour très longtemps !

©J-CH Dusanter

"EUSEBI c’est comme ça qu’on l’aime"

Jean Marc Eusébi c’est l’urgence d’être et de vivre avec passion ses passions. Il est toujours là pour moi, donc je parle au présent. Un hyper actif qui aime la Bd, le rock, le ciné, le bon vin et les femmes. Nos points communs d’une rencontre choc au (feu) cinéma Le Balzac à Nice pour une soirée « ciné rock dédicace » pour laquelle il conçut l’affiche...
Dans la Bd, il aime Reiser, Vuillemin, et bien sur le journal Hara Kiri et Prof’ Choron, tous incontournables ! De bonnes influences pour Jean Marc qui avec ses dessins et bulles t’emportent loin, dans ses délires, de la vie quotidienne.
Ses premières Bd « Cons d’hommes » (1986) et « Caresses d’écorcheur » (1988) sont un must de bon mauvais goût. Et oui, il a un esprit fin, c’est un créatif infatigable, un génie ! Dans sa vision de situations rocambolesques, il dérape vite, pardon il surfe à l’aise pour te faire plier en 4 !... De là à notre aventure avec « Barre à Mine » il n’y a qu’un pas... 25 ans d’amitié, d’échanges d’idées et de création de journaux, d’organisations de concerts et d’événements (Soirées Rock et Strip-tease, Convention du disque et de la Bd…).
Mais c’est aussi et surtout plein de « fourres de rire ». Je n’ai jamais autant ri, et encore aujourd’hui en relisant ses planches... Sa nissartitude et son ancrage au païs nissart il en fait des prouesses artistiques pour le Carnaval de Nice, des chars et grosses têtes qui ne sont pas aux antipodes de son travail initial bien « destroy » mais une simple continuité et évolution ! Un homme de goût, quoi… !
Jack Lalli, Journaliste La Strada

De Jean Marc Eusébi, je garde le souvenir ému (et craintif) d’une première et tonitruante rencontre la nuit tombée dans les locaux de l’Etendard, hebdo mal pensant qui se faisait un devoir d’accueillir en ses murs le saignant Barre à Mine : des Christ à poil, des chats gays, des convictions aussi… Voilà qui –après l’effet de surprise - délaya nos plumes pendant quelques mois, réarmées par un esprit vengeur tombé tout droit d’un incontrôlable astéroïde pétaradant. La seule fois où Jean-Marc s’est tu (sur ordre), c’était devant la Cour, au tribunal de Nice, jugé pour ses crayonnés méfaits par de noirs corbeaux en compagnie du pote Lalli : magnifique et inoubliable plaidoirie en leur faveur de Me Borghini, happé par l’ambiance, qui ne tarda pas à s’égarer sciemment dans des références bibliques aux tendances zoophiles… Sans doute un peu trop près de Jean-Marc, le divin baveux, et l’ignominie bon enfant fut contagieuse, à notre grand plaisir, avec ce fond de réflexion et de sagesse qui rendait toute parole glauque imparable. Aux marches du Palais, tout juste le temps de fustiger quelques braves gens (qui n’aiment pas que…) et nous voilà tous repartis derrière Eusébi pour l’une de ces aléatoires bringues qui nous menaient souvent dans d’inconnus logis, où le verbe volait haut pour s’abattre en piqué sur l’hôte et ses invités, plus ou moins bienveillants devant nos facéties les plus grasses. Rien que du bonheur, partagé par un improbable gang d’artistes survolté par son gourou. Ca manque un peu d’épices, ces temps-ci…
Isabelle Auzias, Rédactrice en chef de la Tribune Côte d’azur

Des discussions autour d’un verre, espérer un autre monde, parler d’affiches, de spectacles, de l’un, de l’autre, reboire un coup, raconter l’histoire, la dessiner pour mieux la faire vivre, parler de Nice, de son manger et de son boire, de son histoire qui est aussi la nôtre, de l’avenir. Cet "à venir" qui est venu trop vite, et ce vide qui s’est créé et qui dure. Ton travail d’artiste nous reste, mais tu manques, Jean-Marc, tu me manques, Eusébi.
Richard Cairaschi, Auteur, metteur en scène, acteur et humoriste

La dernière fois que j’ai croisé ton regard, éternellement bleu et chaleureux, tes yeux trahissaient le combat inégal que tu menais contre cette saloperie de cancer. Deux années de souffrances. Jean-Marc, le temps ne doit pas effacer ton calvaire : l’oublier, ce serait te faire mourir une deuxième fois.
Pourtant, tous ceux qui t’aiment, et ils sont légions, conservent d’abord tendrement ancré au cœur de leur mémoire ton sourire décapant et l’image de ta silhouette impertinente. Ecorchée vive, railleuse et inventive. Parfois, elle semble se profiler parmi les hauts lieux du Comté de Nice au fil desquels tu déambulais, sans doute en quête du bonheur. Ces fiefs de la Nissartitude dont tu déclinais la diversité de manière si loufoque.
Jean-Marc, grâce à ton crayon, tes créations sont là à portée de mains et de nos souvenirs. Elles nous procurent la sensation qu’une part essentielle de ton être est encore parmi nous. Là, au coin de la rue.
Paul Barelli, Journaliste, Le Monde, le Petit Niçois

Et toi ! Tu crois que l’on peut vivre 80 ans à 300 à l’heure ? Et vas-y, des bandes dessinées, du théâtre, du journalisme, le carnaval, et quel roi Messire ! De la musique et même des crèches !!! Nom de D…
Tout, il faut que tu touches à tout et avec talent, en prime une imagination qui déborde comme une bière pression, tiens à propos c’est le moment de piquer une tête au « Plongeoir » ! Jamais eu peur de te jeter à l’eau, franchement tu en fais un peu trop, dit, la « Baie des Paradoxes » cela ne serait pas autobiographique, par hasard ? Paradoxe, tu as écrit paradoxe, le provocateur timide, le survolté Zen, le foisonnement au cordeau, le décontracté besogneux,
Avec ton regard bleu laser, qui dissèque, scanne, contrôle, redoublé d’une écoute qui guette, qui traque chaque murmure en suspens, et à ce moment, ton analyse suraiguë va délivrer son verdict ; ça claque sec comme un coup de fouet, d’un dessin craché, d’une phrase reçue comme un uppercut, tout est là, une synthèse ciselée au scalpel : bravo Maestro !!! Un vrai travail d’écorcheur !
Mais surtout quel pote, quel père, quel ami, quel amant !(cela s’est dit). En trois mots, mon très cher Jean-Marc, « Tu es EUSEBIEN », et c’est parfait, puisque c’est comme cela que l’on t’aime. Allez salut l’Artiste !
Jean-Charles Dusanter, qui a goutté à « La caresse de l’Ecorcheur »

Jean Marc c’était un regard, un écorché amoureux de la Vie, le passionné avec tout ce qu’il y a de dérapages, plus ou moins contrôlés à la recherche du bonheur suprême.
Il s’en est allé, comme il est terrible de manquer de temps, de ne pas profiter des moments les plus longs avec les êtres vivants, et s’apercevoir que le manque est crucial quand ils ne sont plus là.
Jean Marc ne pouvait pas laisser indifférent, comme tous les Artistes de ce monde il avait ce plus, cette flamme tout au fond des yeux, cette liberté inventive, cette création intempestive, cette verve acide.
Que la nature est dure avec ceux qu’elle honore, et comme une force vengeresse, il fallait que le créateur s’en prenne tout d’abord à son corps, avant de nous l’ôter totalement..Ahhhh c’est un fait certain, ils doivent bien se fendre là haut avec toi Jean Marc.
Bravo l’Artiste, tes créations seront donc eternels, le roi est mort, vive Arleking, l’Ecorcheur, Emma, Al capote et tant d’autres..
F.xavier CIAIS, Directeur de la publication Art Côte d’Azur.

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