L’art contemporain transgresse la notion même d’œuvre d’art telle qu’elle est communément admise. L’acte artistique ne réside plus dans la fabrication de l’objet mais dans sa conception, dans les discours qui l’accompagnent, les réactions qu’il suscite... L’œuvre peut être éphémère, évolutive, biodégradable, blasphématoire, indécente. C’est bien dont il est question avec l’œuvre de Paul McCarthy et de Mike Bouchet, qui travaillent sur des installations éphémères remettant en cause le statut et l’architecture même du bâtiment qui accueille leur exposition. Allant jusqu’à l’extrême parfois, usant de la dérision sur des icônes populaires, de la Walt Disney industrie, en passant par la religion… Leurs œuvres se situent donc au croisement du sensationnalisme et de la culture populaire. Les deux artistes sont connus pour sortir les objets familiers hors de leur contexte, les transformant en quelque chose d’inattendu. Ils explorent dans leurs œuvres l’univers subversif du consumérisme, de l’idolâtrie à travers un travail de désorientation.
Mike Bouchet et Paul McCarthy se connaissent depuis plus de 25 ans et ont fait, chacun à sa façon, des observations impliquant le Musée Guggenheim. Ces observations similaires, qui ont commencé comme une plaisanterie, les ont amené à produire un grand nombre d’œuvres et par la suite un projet spécifique au Portikus Museum de Francfort. Ce projet prend ces préoccupations dans une structure d’exposition à plusieurs niveaux, impliquant de nombreux espaces dont des emplacements extérieurs. Intitulée « Powered A-Hole Spanish Donkey Sport Dick Drink Donkey Dong Dongs Sunscreen Model », cette exposition qui a eu lieu du 14 février au 20 Avril 2014, déclinait un certain nombre d’installations et d’œuvres, ayant comme point de départ une satire du Musée Guggenheim de Bilbao.
- Bouchet-McCarthy, Bilbao Battleship 6, 2014, 70.9 x 43.3 in. 180 x 110 cm
L’exposition « Double Deck » qu’accueille la galerie Marlborough de Monaco, est le prolongement de l’exposition de Francfort. Son titre fait référence, dans ce nouveau contexte, à divers notions, aux analogies des ponts doubles, la galerie étant sur deux niveaux, et à proximité du port, mais aussi toujours à l’architecture du Musée Guggenheim de Bilbao basé sur le port de Bilbao.
L’exposition dévoilera un nouvel agencement de la galerie et une trentaine de tableaux : des portraits d’architectes internationaux à l’instar de Santiago Calatrava, Mario Botta, Pei Ming, Le Corbusier, Mies Van der Rohe, Sir Norman Foster…, et d’acteurs comme Liam Neeson ou Sylvester Stallone, une série de tableaux illustrant des publicités pour la crème solaire « Bilboa », ainsi que des tableaux du Guggenheim de Bilbao transformé en bateau de guerre. Sur le parvis de la galerie, sera installée une grande structure gonflable représentant une bouteille géante de la crème solaire « Bilboa ».
« Bilboa » est un mot que l’on trouve lorsque l’on fait une faute de frappe du mot « Bilbao » sur Google. Le mot est suggéré par Google qui fournit les images de cette crème solaire italienne. Les artistes ont donc décliné à partir de cette image une série de peintures présentant sous toutes ses formes cette crème et huile solaire. Avec « Bilboa » la notion "Fun in the sun" que Mike Bouchet et Paul McCarthy proposent ici a aussi beaucoup d’analogies au regard de la nature spectaculaire du Bilbao Guggenheim, dans l’association ironique de l’architecture militaire du bâtiment. L’idée que des marins se mettent de la crème solaire est tout à fait absurde, mais peut-être belle. À un certain point, les œuvres de cette collaboration commencent à prendre leur propre indépendance, et deviennent séduisantes et complètement autonomes. Ces œuvres deviennent doublement intéressantes à Monaco et surenchérie l’idée du "Double Deck".
Mike Bouchet et Paul McCarthy apportent clairement dans cette exposition leur positionnement face au monde de l’art : ils produisent des œuvres qui critiquent les espaces d’art, les institutions, eux-mêmes, leur propre rôle dans l’art et ainsi conçoivent de nouvelles méthodes de gestes créatifs, soulignant le rôle des artistes comme des bouffons de cour et partageant leur réflexions qui soulèvent, à notre époque, des questions importantes, avec beaucoup d’humour.
