Only Lovers Left Alive est l’histoire belle et élégante d’un amour non conventionnel entre un homme et une femme. Leur romance court depuis plusieurs siècles, entre Detroit et Tanger, deux villes mythiques, devenues décadentes pour des raisons diverses. C’est un couple de vampires, dandys un peu las, qui tente de meubler son ennui entre souvenirs mondains, discussions littéraires et collection de guitares vintage. Ils se nomment Adam et Eve et vivent de façon bohême en marge de la société. Fatigués et désoeuvrés, ils déambulent, depuis la nuit des temps, à la recherche de sang frais, surtout O négatif, le plus recherché, et, pour avoir la certitude qu’il n’est pas contaminé, ils ont recours à des laboratoires corrompus.
Outre leur romance amoureuse, ces deux vampires, suceurs de sang au teint blafard et lunettes noires de rock stars, partagent un goût immodéré pour la musique. Le cinéaste suit leur vie sans fin, l’un à Detroit, l’autre à Tanger, où ils ont des difficultés à s’adapter à un monde en pleine évolution qu’ils voient se dégrader. Eux-mêmes se sentent menacés par la nature de plus en plus polluée, à cause de l’indifférence de ceux qui détiennent le pouvoir. Le spectateur peut voir ces vampires comme des métaphores de l’état actuel de la société humaine et les piques ironiques contre l’ordre économique ne manquent pas dans le film.
Un chaos anxiogène va être provoqué par l’arrivée d’Ava (Mia Wasikowska), la petite soeur d’Eve qui bouleverse leur quotidien. Aussi extravagante qu’incontrôlable, ce troisième vampire au sourire carnassier représente le monde moderne, avide et sans scrupules. Un peu trop portée sur la boisson écarlate, elle ressemble à un vulgaire humain. Ainsi les vampires perdent-ils peu à peu de leur inquiétante étrangeté. Sans doute, le mythe n’est-il pas fait pour prendre la poussière !
Un des points forts du film tient dans une musique très présente. D’autant plus incontournable qu’Adam est musicien et interprète des morceaux composés par le réalisateur et Jozef Van Wissem. Donc ballade musicale avant tout et balade dans l’espace à la recherche d’un sang frais, qui a des allures de produit illicite pour lequel il faut échapper aux autorités.
Sans références directes - sinon les noms des personnages - le scénario est inspiré du dernier livre de Mark Twain (La Vie privée d’Adam et Eve). Les deux vampires perdants magnifiques sont somptueusement incarnés par les talentueux Tilda Swinton et Tom Hiddleston. A travers eux, Jim Jarmusch dessine, avec beaucoup d’ironie, une sorte d’autoportrait élégant et drôle, chic et pince-sans-rire.
Nous sommes bien dans l’univers de ce réalisateur, même si nous ne sommes pas aussi enthousiastes que pour certains de ses films précédents comme « Dead Man » et « Ghost Dog ». Sélectionné en dernière minute en compétition officielle au 66e Festival de Cannes, Only Lovers Left Alive est reparti sans figurer au palmarès.