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LA DANSEUSE De Stéphanie Di Giusto

Autodidacte, Loïe Fuller fut la première danseuse solo internationale en inventant des chorégraphies à l’aide d’illusions d’optique, d’éclairages et de costumes faits de voiles de soie qui lui donne des airs d’immense papillon ou de gigantesque orchidée.
Jeune fille un peu rustre du grand ouest américain, elle a fui dans le Paris de la Belle Epoque, au début du XXe siècle.

Dans une époque ouverte à la création, Paris alors ville-lumière, vitrine de toutes les avant-gardes, se gorge de son mythe. Elle y crée sa « danse serpentine », et devient pionnière de la danse moderne et de l’art technologique avec des effets spéciaux pour les costumes.
En ajoutant des éclairages phosphorescents, elle est à la base de l’abstraction et du spectacle multimédias. Elle sera ainsi l’incarnation même de l’utopie symboliste sur scène.

Pratiquement fixe, elle ne dansait pas tout à fait, mais ses bras, prolongés de longs bâtons qu’elle faisait tournoyer, démêlaient des plis de tissus de soie et inventaient des gestes magnifiés par des lumières de couleurs.
Si sa danse n’en est pas vraiment une, sa liberté d’invention réussit à faire un spectacle splendide. Libre, obstinée, sans conventions, elle s’entraîne davantage comme une boxeuse qu’une danseuse et montre une ténacité sans relâche.
Passant de la scène des Folies Bergère à celle de l’Opéra de Paris, elle s’entoure de ballerines parmi lesquelles figure une débutante nommée Isadora Duncan.

Avec le temps, Isadora Duncan éclipsera celle qui avait pourtant contribué à la faire connaître en Europe. Fervente danseuse, répandant autour d’elle grâce et beauté dans une performance entre hellénisme et modernité, cette jeune prodige, avide de gloire, va précipiter la chute de Loïe Fuller.

Stéphanie Di Giusto a été intriguée par le côté fille de ferme de cette danseuse au physique ingrat, ne possédant aucun des canons de beauté en vogue à l’époque. De plus, le manque d’estime d’elle-même qu’avait l’artiste a désinhibée la réalisatrice, l’incitant à se jeter dans l’aventure de son premier long-métrage et à s’imposer elle aussi comme artiste.
La jeune réalisatrice a cherché à filmer l’énergie et le côté rageur qui animait cette danseuse hors norme et a aussitôt pensé à Soko pour l’incarner, ce qui a entraîné un entraînement physique intensif de la part de l’actrice obligée de travailler avec une danseuse six heures par jour durant un mois. La réalisatrice ne voulait pas qu’elle soit doublée.

Découverte dans Augustine, le premier film d’Alice Winocour, Soko montre parfaitement le clivage entre l’icône de la féminité qu’elle représente en dansant et la fille banale un peu brusque qu’elle redevient dès qu’elle n’est plus en scène. Passant de sa simple robe de coton à des mètres de voiles légers pour donner de l’ampleur, elle s’y exprime davantage par des mouvements qu’elle ne va cesser de magnifier.

La comédienne a été obligée de s’entraîner comme une boxeuse - comme le faisait Loïe Fuller en voulant littéralement révolutionner les arts scéniques de l’époque.

En opposition, dans le personnage pervers et manipulateur d’Isadora Duncan, Lily-Rose Depp apporte un contrepoint rafraîchissant avec sa grâce naturelle. Mélanie Thierry, Gaspard Ulliel, François Damiens, Louis-Do de Lencquesaing complètent la distribution.

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