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CHRONIQUE CINEMA : "Des hommes et des dieux" de Xavier BEAUVOIS - Par Robert Ceresola pour Art Côte d’Azur

Grand Prix du Jury Cannes 2010 César du Meilleur Film 2011 Prix d’interprétation masculine dans un second rôle : Michael Lonsdale Prix de la Photographie : Caroline Champetier

Le sang des innocents

Couronné de récompenses, du Festival de Cannes 2010 aux Césars 2011, "Des hommes et des Dieux" est le grand film français de ces derniers mois et en tout cas le plus rentable.

Fiction librement inspirée du massacre des moines du monastère algérien de Tibéhirine, au printemps 1996, Xavier Beauvois, précédemment connu pour avoir tourné en 1995 "N’oublie pas que tu vas mourir" ; "Selon Mathieu" ou l’excellent "Petit lieutenant" en 2006 (ayant valu un César à l’actrice Nathalie Baye) réalise un film sur la force du libre-arbitre contre le destin et sur la résistance à l’oppression de tous les fondamentalismes.

Il y raconte la vie de moines trappistes sédentarisés sur les contreforts de l’Atlas, de longue date intégrés et appréciés de la population algérienne, mais qui dans les années sombres de la montée de l’islamisme en Algérie (années 1990) vont être progressivement et inexorablement pris en tenaille entre d’une part des terroristes musulmans voulant éradiquer "les infidèles" du pays et d’autre part, l’armée séculaire les soupçonnant de venir au secours des rebelles.

Cette chronique d’un massacre annoncé nous est aujourd’hui parfaitement connue, sans que l’on puisse dire avec certitude qui furent les auteurs et commanditaires réels de cet assassinat barbare.

Loin de toute polémique, comme les personnages qu’il décrit, Xavier Beauvois (qui a malgré tout tourné ses plans au Maroc pour motifs de sécurité) nous gratifie d’une oeuvre de facture classique, très contrôlée, au lents panoramiques (trop lents parfois) et aux longs plan- séquences en parfaite symbiose avec la retenue et l’austérité commandées par le sujet.

La photographie extrêmement soignée de Caroline Champetier (César 2011) et la suprême récompense enfin accordée à ce merveilleux acteur, définitivement sous employé par le cinéma français qu’est Michael Lonsdale (l’inaltérable et très crédible Frère Luc) vous convaincront d’aller voir ce beau film noble et bouleversant pour lequel on peut néanmoins regretter qu’un prix d’interprétation masculine n’ait pas été accordé à Lambert Wilson.

Brillant essai sur l’ineptie de la monoculture religieuse et sur l’intolérance qui en découle, Xavier Beauvois a voulu souligner la parole d’intelligence des moines martyrs de Tibéhirine qui honorent et caractérisent le monde de libre pensée dont ils étaient issus.

"ll n’y a de religion que dans la liberté" tel pourrait être le message délivré par "Des hommes et des dieux".

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