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FOCUS GOURMAND : Merci pour le chocolat ! - Reportage réalisé par Olivier Marro - pour Art Côte d’Azur

Si notre culture latine fait que nous soyons venus sur le tard au chocolat la Côte d’azur découvre aujourd’hui ses chantres de l’or noir autour de quelques talentueux stylistes pâtissiers.

(c) H.Lagarde

Connu depuis les aztèques le chocolat a fait le tour des siècles et du monde. Et pourtant ce n’est que depuis une quinzaine d’années que l’on a redécouvert les vertus de l’or noir. Comme les huîtres ou le foie gras, le chocolat s’est démocratisé sans perdre de sa magie en offrant d’autres perspectives gustatives. Les chefs pâtissiers et les maîtres chocolatiers qui ont suivi l’évolution des chefs en cuisine ont revu leur ouvrage en invitant de nouvelles techniques, formes et rites de consommation. Ainsi rentrer aujourd’hui chez certains d’entre eux, c’est ouvrir une boite de pandore d’où surgissent des saveurs jusqu’alors inconnues.

Nice : Christophe Canet

Escarpins, macarons : les métamorphoses du sucre et du cacao entre les mains expertes de Christophe Canet !
(c) H.Lagarde

Son père et son grand-père étaient établis en Normandie. Depuis 1927 les Canet ont les mains dans le chocolat. Christophe est la troisième génération d’une famille de chefs pâtissiers…
Après un apprentissage à Gap, des débuts à Monaco et au Vista Palace, Christophe Canet œuvre à Nice depuis 7 ans dans l’ex-pâtisserie « Chéreau ». « Depuis les années 80 c’était la référence au niveau régional et national », explique le chef pâtissier de 37 ans qui avec son épouse a fait prendre un nouveau virage à cette adresse gourmande à deux pas des halles de la Buffa.

Et si Christophe travaille tout l’univers du sucre, il s’est fait connaître en revisitant le grignotage. Le Mac amour est un macaron en version snacking inspiré de la Pomme d’amour et préparé à base de produits nobles. Un nouveau délice pour petits et grands que ce macaron à la pomme verte planté sur un bâton et trempé dans du sucre rouge, dont le croustillant du caramel contraste avec le fondant du fruit défendu. Sur cette lancée, il s’est amusé à revisiter les chocolats en version sucette « une boule croquante fourrée avec trois parfums, passion coco, caramel fondant, ganache au thé ».

Le Mac Amour !
(c) C. Canet
Des macarons au citron de Menton...HUUM !!!
(c) H.Lagarde

Pour ce chercheur de saveurs « le macaron permet tout ce que l’on ne peut pas faire avec un gâteau ». Ainsi sa collection se décline en quinze parfums naturels, ou à base d’huiles essentielles de fleurs (jasmin, lavande, violette, rose, etc.). Dans le même esprit ses bouchées au chocolat sont réalisées à partir des couvertures Barry. Pour cette vénérable maison dont il est ambassadeur il présentait au dernier Salon du chocolat à Paris une étonnante robe en dentelles de chocolat réalisée avec une styliste anglaise sur le thème du bio.

Des chassures en chocolat signées Christophe Canet
(c) H.Lagarde

Afin de sélectionner ses grands crus, Christophe n’hésite pas à visiter les plantations : « C’est important car je pars toujours d’un cru pour imaginer mes mariages de saveurs ». Une exigence que l’on retrouve dans ses 35 variétés de bonbons dont cinq ou six nouvelles telle une ganache à la fève de Tonka « qui rappelle la savane ». Ses must : les palais d’or, le Mogador au pain d’épice, le caramel au beurre salé, le praliné à la coriandre. N’ayant de cesse de s’adresser à nos cinq sens, l’artiste œuvre sur les textures, le goût, le visuel, comme sur le rite de dégustation.

À son actif : des pipettes de coulis à verser sur le gâteau, un entremet ludique vendu avec des baudruches remplies d’air parfumé à la mandarine, et des accessoires féminins en chocolat tels ces talons aiguilles à croquer. Son rêve : réserver un coin galerie pour resserrer le lien entre l’art pâtissier et les arts plastiques car le jeune homme quand il quitte l’atelier du sucre prend les pinceaux. Un espace qui devrait voir le jour début 2011 car la maison Canet fera peau neuve sur le thème de l’histoire du chocolat : « Malgré ses lointaines origines très peu de personnes savent ce qu’est vraiment le chocolat. C’est important, plus on comprend plus on aime ».

La Turbie : Richard Vacher

Richard Vacher
(c) H.Lagarde

Natif de Nîmes Richard Vacher arrive sur la Côte à 11 ans puis gagne la capitale où il fait son CAP. De retour à Nice Jacques Fourmont un Meilleur Ouvrier de France (MOF) en pâtisserie lui met le pied à l’étrier. Tout en œuvrant dans les cuisines des palaces dont deux ans aux côtés de Joël Garault à l’Hermitage, Richard commence à être reconnu par ses pairs. Il obtient la médaille d’argent au Concours mondial culinaire à Bâle, fut champion de France en pièce artistique en 1995, et deux fois demi finaliste du concours de MOF.

C’est en s’installant à son compte à la Turbie qu’il lâche la bride à son talent. En 2008 il y créé son atelier et sa boutique pour se consacrer au monde de la douceur : Pâtisserie, chocolaterie, confiserie, glacerie. À 45 ans Richard s’inscrit dans la nouvelle vague pâtissière initiée dans les années 90 par Pierre Hermé : « Nous avons tous suivi son parcours depuis Fauchon. Avant on ne parlait que du chef de cuisine. Aujourd’hui comme eux nous avons su réinventer le métier, prendre de la distance avec l’héritage ». Chez « Richard Création » le chocolat occupe un bon tiers de l’activité. « Nous travaillons à partir de différents crus de chocolat, il y en a pour tous les goûts, des plus acides au plus fruités c’est comme le vin avec les cépages ». Comme le peintre avec sa palette Richard puise dans les crus Valrhona pour créer ses 25 variétés de bouchées.

Champion de France en pièces artistiques, Richard Vacher rend les gourmands esthètes en explorant le chocolat sur son versant graphique

Cet hiver il a craqué pour un chocolat café avec une ganache à la pate de spéculos. Pas question de faire entrer un arôme artificiel dans l’atelier. « Pour le rubis j’ai voulu que l’on sente le goût de la framboise naturelle. Les guimauves, les pâtes de fruits, les infusions aux thés ou aux épices, tout est fait maison ». La tendance ? « Après une période où l’on a vu des chocolats au tabac on revient vers des saveurs plus classiques. Pour moi le meilleur dessert au chocolat c’est un éclair avec une bonne pâte à choux fourrée d’une crème pâtissière avec du bon chocolat. Notre pâte à choux est faite avec une pâte sablée et du sucre cassonade qui donne du croustillant ». Pour autant le pâtissier aime faire du hors-piste. Après avoir intégré l’APRECA (Association des Pâtissiers de la Restauration en Côte d’Azur) il a rejoint les chefs de l’association « les Toques brulées » qui se produisent en public. « Un jour je me suis amusé à faire une mousse Tagada avec de l’azote. En boutique ce genre d’exercice est impossible ».
Mais cela ne l’empêche pas de faire des créations originales comme le Diabolo : « un biscuit brownie avec un crémeux à la noisette et une mousse de chocolat blanc glacé ».
Et s’il se reconnaît quelques maîtres, Chibois, Ducasse ou Roger Verger qui l’éveilla au produit, les beaux-arts entrent aussi dans la démarche de celui qui présenta au Show’Colat de NICETOILE d’étonnants décors en chocolat inspirés de l’univers de Lewis Carroll : « J’ai pas mal de livres d’art chez moi. Quand je vais à Paris je passe par le Musée d’Orsay. Tous ces artistes que l’on a connus sur la Côte nous ont été d’une grande inspiration. Sans Arman et ses violons découpés je n’aurais pas fait l’an dernier à Pâques un œuf éclaté », commente celui qui a ouvert une seconde boutique à Nice et rêve de s’installer dans son berceau à Monaco.

Cannes : Jean-Luc Pelé

Jean Luc Pelé, ex champion d’arts martiaux est intraitable avec le chocolat et ses macarons, ils doivent être forts en goût et faibles en calories !
(c) H.Lagarde

Jean-Luc Pelé n’est pas un pâtissier chocolatier comme les autres. Après avoir semé le grain à Paris, ce quarantenaire de goût et de défi a décidé d’installer à Cannes son atelier gourmand.

Né en 1964 en Normandie, Jean-Luc Pelé est initié aux fourneaux par sa grand-mère. A 14 ans son goût pour les madeleines et les gâteaux de Suzanne prend le dessus. « Le sucré instaure une relation particulière. Les gens ont toujours le sourire en dégustant du chocolat ». Et ce plaisir, c’est le credo de ce professionnel qui après son bac passe les CAP de boulanger et pâtissier puis intègre, la maison Lenôtre où pendant sept ans il opère à tous les postes se forgeant de solides bases pour appréhender le métier ». Une carrière qu’il embrasse en 1992 en créant sa boutique à Meudon.

À 26 ans c’est la première d’une longue série ! « J’ai créé huit boutiques pour les revendre. Anticipant la mode, Jean-Luc se fera sa place avec les pains de tradition à l’ancienne. Dès lors, plus aucune matière première n’entrera par hasard dans ses ateliers.
Ce parcours de vingt ans durant lequel il est boulanger, pâtissier et chocolatier lui permet de maîtriser techniques et produits. Mais lassé de ce rythme Jean-Luc Pelé quitte la grisaille pour le soleil avec son épouse, ses enfants et son frère, pour s’installer rue Meynadier en 2007. « À Cannes, j’ai rencontré une clientèle de connaisseurs qui prend le temps d’apprécier la nouveauté ». Une exigence à la hauteur de la qualité qu’il soutient. « En se concentrant sur les macarons et le chocolat. Le pâtissier peut tout oser et privilégier le 100 % « fait maison » à partir de produits sélectionnés chez les petits producteurs locaux. Les œufs viennent de Vence, les fleurs et herbes de Grasse, les agrumes de Menton ». Le cacao n’étant pas une spécialité régionale, Jean-Luc part sélectionner ses 18 crus de cacao préférés en Amérique du Sud, Caraïbes ou Madagascar.

J’ai passé trois ans afin de purger les macarons et mes ganaches de beurre de 35 % de leur apport en sucre !
(c) H. Lagarde

Celui qui fut aussi champion de France de Karaté en 1986 a hérité d’une hygiène alimentaire qu’il aime faire partager. « Un maximum de goût pour un minimum de graisse et de sucre ! J’ai passé trois ans afin de purger les macarons et mes ganaches de beurre de 35 % de leur apport en sucre ! ». Cette ganache fraîche c’est sa passion : « Sur une trentaine de bouchées, un tiers sont des ganaches à partir de crus de chocolat purs ou parfumés avec des infusions ». L’épure est aussi de mise côté boutique où les créations miroitent comme des bijoux dans leurs écrins pendant qu’œuvrent les artisans derrière une paroi vitrée. Au rayon nouveauté un macaron foie gras et figues, un autre au Yozu (agrume japonais), un autre à l’huile d’olive, vanille et chocolat blanc. Et pour les jeunes de plus en plus nombreux à fréquenter les lieux : un macaron au citron vert et vodka… « mais ils achètent aussi un macaron au chocolat à 80 % de cacao, il y a vingt ans on n’aurait pas vu ça ! ». Afin de diriger son équipe de 25 employés, Jean-Luc a convoqué ses fidèles lieutenants et son jeune frère Patrice formé chez Lenôtre. Et quand on lui parle beaux-arts le créateur se livre : « On travaille afin de créer un événement en 2011 en associant les artistes de la région et la sculpture en chocolat.

Des éclairs oui mais faits par Jean Luc Pelé !
(c) H. Lagarde

Nous avons le même langage et le même amour de la matière ». Le chocolat une matière qui sera à l’honneur dans sa nouvelle boutique rue d’Antibes où trônera bientôt un mur ruisselant de chocolat de 2, 50 mètres de haut. Du bonheur comme s’il en pleuvait !

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