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REPORTAGE : L’Art Tisse… des liens ! - Reportage réalisé par Olivier Marro - pour Art Côte d’Azur

L’Art Tisse entre dans la carrière en 2002 à Valbonne afin d’y
porter un projet d’Artothèque.

Huit ans plus tard l’association a
étoffé ses activités en faveur de l’art contemporain. Retour sur un parcours.

(c) H.Lagarde

« A mon arrivée à Nice je me suis inscrite à l’Artothèque de la Médiathèque municipale. Quand cette dernière a fermé ses portes, je me suis décidée à me lancer dans l’aventure » explique cette ex-journaliste et critique d’art à « Ouest France », qui débarqua dans notre région suite à la mutation de son mari à Sophia Antipolis. Après s’être occupée d’artistes locaux et notamment de l’exposition à la Fondation de Sophia du plasticien Rémy Tassou initiateur de l’art cybertrash (œuvres créées à partir de
déchets informatiques), Patricia Civel parvient à convaincre la Mairie de Valbonne d’ouvrir une Artothèque dans le village. Huit ans plus tard l’association y œuvre toujours afin de promouvoir l’art contemporain sur tous les fronts.

Faites comme chez vous !


On y entre les mains dans les poches, on en ressort avec une toile sous le bras. Patricia Civel serait-elle une fée qui transforme le quidam en amateur d’art ? Non, c’est la magie de l’Artothèque que cette femme - qui a toujours souhaité faire l’interface entre les créateurs et le public - est parvenue à ressusciter dans une région plutôt chiche dans ce domaine. « Seule la ville de Carros disposait alors d’un tel service ».

Une toile de Moya à louer pour son salon !
(c) H.Lagarde

La première intervention de l’Art Tisse (comprendre l’art tisse… des liens) fut donc de doter Valbonne d’un outil qui permette à chacun de faire entrer dans son domicile un peu d’art à moindre frais. Car tout ici, au cœur du vieux village, est à louer : « Les gens qui viennent choisissent une œuvre parmi les 600 sélectionnées auprès d’une cinquantaine d’artistes que nous soutenons ». L’Artothèque a démarré avec un petit groupe estampillé art contemporain dont Alexandra
Allard et Margaret Michel, mais a dû élargir sa palette afin de répondre à la demande. « Si la plupart des disciplines sont aujourd’hui représentées, peinture, sculpture, photo, nos artistes doivent témoigner d’une réelle démarche plastique. Nous ne proposons pas de marine ou de paysages bucoliques ». Les œuvres choisies sont soigneusement emballées et confiées avec une bio de l’artiste pour une somme de 8, 16 ou 24 euros par mois selon le format. Une carte d’unité de location (12 x 8 euros) est même proposée pour simplifier la procédure. Une centaine d’œuvres est dehors en permanence, ce qui correspond au ratio habituel d’une artothèque. Les œuvres qui partent le mieux ?

« 

Quelques unes des toiles à louer !!!
(c) H.Lagarde

Nos fidèles, s’ils sont en majorité des quinquas, n’ont pas tous les mêmes origines et goûts. Nous avons une grosse clientèle nordique qui a un faible pour les toiles abstraites ». Certaines entreprises de la technopôle qui font appel à l’Artothèque comme Thales (Ex Alcatel) sont elles plus sensibles au travail avant-gardiste de Tassou. D’autres font le déplacement de Nice, comme ce Cabinet comptable qui vient deux fois par an pour rehausser le niveau de son accueil. « L’Artothèque offre l’opportunité à des néophytes de s’habituer à consommer de l’art. Elle permet d’initier des personnes qui n’auraient probablement jamais poussé la porte d’une galerie. Ma fierté est d’avoir réussi à susciter quelques vocations de collectionneurs. Mais nous ne sommes pas une galerie, nous faisons bien d’autres choses, notre objectif n’étant pas lucratif ».

Expositions, sensibilisation, évasion

Une exposition de l’artiste Michel Reyboz à l’artothèque

Ainsi soutenue par la municipalité de Valbonne qui lui prête ses locaux et subventionne à hauteur de 40% l’association, l’Art Tisse propose toute l’année des activités autour des enjeux liés à l’art plastique. « Dès notre création nous avons souhaité offrir un lieu d’accrochage temporaire aux créateurs régionaux ». Ainsi en huit années d’exercice et à raison d’une tous les quinze jours, 87 expositions ont été organisées par Patricia, épaulée depuis peu par Benjamin à la Salle Saint Esprit. « J’ai connu les années 80, le dynamisme des années Jack Lang. Mais quand je suis arrivée sur la Côte, l’École de Nice battait de l’aile. Alors je suis allée voir du côté de la Friche des Diables Bleus où j’ai rencontré puis exposé Louis Dollé comme au hangar Saint-Roch où Maurice Maubert évoluait. En fait nous avons suivi l’évolution du tissu artistique et in fine exposé à Valbonne bon nombre d’artistes en devenir ou confirmés : Patrick Moya, Rémy Tassou, Yves Hayat, Michel Reyboz, Margaret Michel, Champollion, et d’autres moins connus mais dont l’engagement pouvait avoir valeur d’initiation.

L’entrée de l’artothèque
(c) H.Lagarde

Et si l’association L’Art Tisse n’est pas clairement identifiée, c’est justement parce que ses engagements visent des populations diversifiées. L’Art Tisse qui compte aujourd’hui trois salariés à temps plein intervient également en partenariat avec les collectivités pour des missions sociales ou pédagogiques. « Je me déplace dans les écoles de Valbonne mais aussi à Mougins pour proposer des tableaux aux élèves qui, après débats, finissent par en choisir un que nous accrochons in situ. Nous avons développé ce service également avec les maisons de retraites. Nous travaillons aussi auprès des personnes à mobilité réduite afin de leur faciliter l’accès à l’Artothèque et à nos expositions ». Si les 200 adhérents que compte l’association ont souvent des goûts très classiques Patricia ne ménage pas son talent pour faire évoluer leur approche de l’art. Ainsi depuis deux ans l’association propose à ses fideles des voyages culturels avec un médiateur : l’artiste Alain Biancheri. Un guide avec lequel ces derniers ont pu découvrir la Biennale de Venise ou Berlin et sa scène alternative. « Cette année nous hésitons entre la Foire de Balle, Barcelone ou Bilbao. Ce service axé sur l’art in situ nous permet d’agir de façon plus exigeante en proposant la visite de lieux emblématiques de l’art actuel. Et cela fonctionne, notre public est en demande ». Cette volonté de tirer par le haut tous les publics, se manifeste également dans la programmation de la Salle Saint esprit dont le calendrier est déjà plein jusqu’en juin. « En huit ans, nous avons fait passer tout le monde et n’avons à rougir d’aucune exposition. Aujourd’hui il est temps de ralentir la fréquence et de nous recentrer sur des invitations d’artistes plus pointus ».

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