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INTERVIEW : Fondation Maeght : « L’homme qui marche » sort de la cour ! - Interview d’Isabelle Maeght réalisée par Olivier Marro à la Fondation Maeght - reportage photo Hugues Lagarde, pour Art Côte d’Azur

Pour sa réouverture après 5 mois de travaux La Fondation Maeght invite depuis le 27 juin, Alberto Giacometti.
Une exposition estivale très attendue, dans ce lieu qui dès son inauguration il y a près d’un demi siècle accueillait déjà le sculpteur et son premier « homme qui marche »…
Après celle dédiée à Miro l’an dernier cette exposition estivale semble poursuivre un cycle visant à montrer au grand public, un peu comme on feuillette un album de famille quelques uns des illustres artistes de la collection Maeght qui tissèrent dès l’origine des liens étroits avec Aimé Maeght et sa famille.

Ainsi sa petite fille Isabelle Maeght (qui veille aujourd’hui avec sa sœur Yoyo sur la Fondation et les entités Maeght) a tenu à dévoiler les talents multiples de Giacometti (1901-1966) au travers de 170 pièces dont une soixantaine de bronzes qui retracent le parcours entre l’artiste et son grand-père mais aussi Adrien Maeght qui rencontra Giacometti dès 1947 alors qu’il n’avait que 17 ans.
Point d’orgue de cette complicité : Alberto Giacometti se verra confier son propre espace à la Fondation Maeght, inaugurée le 28 juillet 1964 : une cour qui prit le nom de Cour Giacometti. Les années suivantes, l’artiste poursuivra ses recherches sur la gravure dans les ateliers d’Adrien avant de disparaître en 1966.

Isabelle Maeght, Commissaire de l’exposition nous parle de ses choix pour faire revivre dans son berceau cette longue amitié qui ouvrit une grande page de l’histoire de l’art moderne.

Isabelle Maeght, Commissaire de l’exposition

Comment Aimé Maeght rencontra t-il Alberto Giacometti ?

- Isabelle Maeght : Par l’intermédiaire de Breton en 1946 car Giacometti fit parti un temps des surréalistes. Aimé qui venait alors d’ouvrir sa galerie à Paris lui proposa de participer à l’Exposition Internationale du Surréalisme qu’il organisa en 1947. Et même si le mouvement surréaliste était déjà loin de ses préoccupations artistiques, Giacometti accepta. Puis Aimé devient son marchand et complice et l’invita à plusieurs expositions personnelles à Paris dont la première en 1951. D’autres suivirent en 1954, 1957 et 1961.

Des liens qui ont conduit l’artiste à participer plus tard à la création de la Fondation à Vence ?

- Isabelle Maeght : Giacometti s’est investi totalement dans le projet architectural de la Fondation. Nous avons des photos de lui sur le chantier. Les œuvres présentes dans la cour centrale furent choisies avec lui. Giacometti a même fait refaire quelques-unes de ses œuvres comme le cube qui datait des années 30 pour qu’elles s’y s’intègrent parfaitement.

À l’époque Giacometti était également « suivi » par Pierre Matisse

- Isabelle Maeght : C’est vrai mais il n’y eut jamais de concurrence entre Pierre Matisse et Aimée Maeght. Ils s’étaient répartis les taches. Pierre qui avait une galerie à New York s’occupait de Giacometti aux USA et Aimé de l’artiste sur le front Européen.

Cette exposition est-elle la première consacrée à Giacometti à Vence ?

- Isabelle Maeght : Non, nous en avions déjà organisé une en 1978, mais elle n’abordait pas les relations entre Aimé Maeght et l’artiste. L’objectif cette fois est de montrer au travers d’œuvres emblématiques et d’autres plus rares mais aussi de documents, lettres, photos, films, la belle aventure qui unit ces deux hommes qui partageaient la même vision de l’art.

L’occasion de découvrir quelques perles rares ?

- Isabelle Maeght : Bon nombre de collectionneurs ayant accepté de nous confier des pièces dont ils ne se séparent pas habituellement, il y aura en effet beaucoup d’œuvres rarement exposées comme sa première sculpture, la tête de son frère Diego, la table surréaliste ou des plâtres qui appartiennent à la famille Maeght dont un, « la Femme debout avec Bouquet de fleurs » qui fut offert par Giacometti à mon père pour son anniversaire. C’est aussi la première fois que nous pouvons réunir les portraits de notre grand-père et de notre grand-mère.

Quelle est la part de l’emprunt extérieur ?

- Isabelle Maeght : Environ la moitié provient de notre propre fond, l’autre partie étant prêtée par de grands musées nationaux et internationaux ou par des collections privées.

En tant que commissaire d’exposition quels ont été vos choix ?

- Isabelle Maeght : J’ai voulu montrer toute l’étendue du travail de Giacometti, ses peintures, dessins et gravures et privilégier la période de l’après-guerre. Nous avons tenu à réunir « les places » ces groupes de sculptures comme « les neuf femmes de Venise ». Et si nous avons choisi de présenter l’œuvre sculptée à l’intérieur c’est pour offrir au public une autre lecture de ce travail. C’est aussi une façon de créer un dialogue entre sculptures et travaux moins connus. C’est ce regard plus intimiste et interactif entre les œuvres et la famille Maeght qui fait toute l’originalité de cette rétrospective.

Cet hommage arrive au moment où la cote de l’artiste atteint des sommets. Près de 75 millions d’euros, c’est le prix auquel fut vendu en début d’année chez Sotheby’s un « Homme qui marche » ?

- Isabelle Maeght : Nous n’avons pas attendu cette vente publique record pour décider d’exposer Giacometti, Le projet remonte à plus de trois ans.

« L’homme qui marche » sera d’ailleurs à l‘honneur, pouvez-vous nous en dire plus sur sa naissance ?

- Isabelle Maeght : Giacometti avait réalisé durant le printemps 1960 trois maquettes pour une commande de la Chase Manhattan Bank à New York. Un homme qui marche, une femme debout et une tête sur un socle. Le projet n’ayant pas été retenu, mon père a eu l’idée de les faire fondre et elles sont devenues cette œuvre de 1, 80 mètre qu’Aimé décida d’installer en bonne place dans la cour dédiée à Giacometti à la Fondation.

Combien d’exemplaires existe t-il de cette sculpture ?

- Isabelle Maeght : « L’homme qui marche » existe en deux versions tirées chacune en 6 exemplaires numérotés. Mais La Fondation Maeght est la seule à posséder les deux versions de « L’Homme qui marche » peintes par l’artiste sur le bronze.

Giacometti & Maeght 1946 – 1966 Fondation Maeght Saint Paul de Vence 27 juin > 31 octobre 2010

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