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CHAPITRE 11 (part III) : Chronique d’un galeriste

3e partie de la chronique proposée par Alexandre De La Salle cette semaine...

Installation de l’exposition à la Galerie Alexandre de la Salle en 1980 © DR

L’oreille de Van Gogh

Après Frida Khalo, la figure de Van Gogh était peut-être inévitable, et inévitable aussi, peut-être, que ce soit Christian Loubet qui en fasse l’éloge, Christian Loubet si magistral dans son enseignement.

Dans la plaquette de l’exposition Krefeld à la galerie Suzel Berna en mars 1990, il écrivit :
« L’oreille de Van Gogh. Dans l’éclat métallique de structures agressives surgissent des visages ou des éléments d’un corps morcelé. La matière se défend de toutes ses lames. Mais l’élan vital s’impose à travers la chaleur et la sensualité d’une carnation.

Invitation de l’exposition à la Galerie Alexandre de la Salle en juin 1991 © DR

Dans le dégradé du rose pâle au rose vif du sang sur la peau griffée, on discerne l’affirmation de l’être humain et la vibra¬tion chromatique provoque une émotion en écho.

Modèle imagi¬naire et sublime, Frida Kahlo (femme, révolutionnaire et peintre) interprète les aspirations de l’artiste.

Retrouvant la démarche d’un surréalisme fécondé par la psychana¬lyse (Magritte en visite chez De Chirico), Krefeld pratique le dépla¬cement et l’amalgame.

C’est l’oreille de Vincent qui s’envole, au fil du rasoir, du visage de Frida tandis que se concentrent comme aimantés, les épines et les clous de toutes les passions.

Ces martyrs emblématiques, nous ne faisons que les entrevoir comme s’ils se révélaient au moment de leur traversée, dans les morceaux intimes de leur corps déchiré (le sein, la bouche, l’oreille) et avec ce regard figé qui nous interpelle.

Sur le théâtre géométrique d’une Futuropolis mécanique où pesait un silence insondable, voici les visions prémonitoires d’une résur¬rection. Des murs s’écroulent. Rosemarie Krefeld est née à Berlin en 1942... (Christian Loubet, Professeur d’histoire de l’Art à l’Université de Nice).

Hommage à Urian

A l’époque un éditeur de livres d’art avec lequel j’ai collaboré plusieurs fois voulait nouer le travail de Rosemarie à un texte, qu’Avida Ripolin a réalisé, une sorte de chanson de geste… le livre ne s’est pas fait, le texte demeure, avec pour titre : « Krefeld : Hommage à Urian ».

Rosemarie Krefeld (photo Gaby Giordano)

Voici le début et la fin de ce très long texte, codé, aussi étrange que les œuvres qu’il évoque :

Le cratère
qui est un oeil noir aussi
mène à la forêt
forêt-fusée
l’espace est le domaine de la mort
Du V2 fusèrent
les clous les runes
l’enfant les saisit
riant follement
pour retourner au joli bois
le Schönwalde
le chemin pèse
il est contrat diabolique
festin de runes couteaux hachoirs
qui giclent vers le corps tendre
du fils de la fille
sous les bandelettes
le corps est tronc aveugle
Urian le démon Kaufmann

Fragment (capture de film video)


tend le pacte pour voir
voir une seconde
la mort sera le prix
pour retrouver le père Médusé dans la pierre
le marbre noir
Le Personnage qui se tient derrière
oui dit l’enfant
à l’horloge sonnante
il accepte le festin de souffrance
et avance à travers l’horrible joli bois
la forêt close où les renégats
ont volé l’héritage
vous voilà dans une belle forêt
noire
la masse grise indifférenciée boulimique

Fragment (capture de film video)


vorace d’identité
veut faire place à la masse vive
crue disponible
qui est là et s’appelle Vie
Et la musique d’Urian joue
le festin est annoncé
et le messager s’avance sur sa moto d’acier
le jeune soldat prêt à mourir
le substitut
ELLE s’avance aussi
pour le toucher
il est glacé
et sa tête
sa tête est tête de hibou
avec le bec
et les yeux
cratères dans lesquels
encore et
encore tombent les splitter
obus-échardes
ELLE sait qu’il est son convive pour le
repas terrible
doit donc percer
son corps
de hachoirs de clous
d’aiguilles du tailleur égarées
dans le musée infidèle
afin que lui
Saint Sébastian aussi
mijote le festin
(…)
Toutes traces effacées
la colline chantera
les partitions d’Urian
les rats de la peur seront noyés
que vienne la musique des horizons
mais pas maintenant
quand l’horloge sonnera
après le Festin de Souffrance
ambigü
seul bonheur possible
dans le champ de pierres
sont piquées les aiguilles du tailleur
tombes sans tombes
portes de marbre noir
le blouson de marbre du jeune homme
accoucheur
aux cent visages
seuls sont permis les fracas de moto
pendant qu’ELLE
dans son dos de métal
reçoit les verres cassés d’Urian
Elle écrit avec son sang
avec les débris de verre
elle écrit l’étiquette perdue
elle écrit la corneille
kre kre kre kre kre
elle écrit le champ
feld feld feld fled
(…)
membres mêlés plus d’yeux plus de langue
mais un même sentir dur sanglant
un corps léger un seul nappé de ciel
ailé le corps beau
ailée la corneille
et le IIIIIIIIIOOOOOOOOOOOUUUUUUUUUUUUU
le vieil homme démasqué
peut dormir en paix
Et pour ELLE, enfin, la vie...

Pour accéder à la première partie de cette chronique, cliquer ici : http://www.artcotedazur.fr/artcotet...

Pour accéder à la seconde partie de cette chronique, cliquer ici : http://www.artcotedazur.fr/artcotet...

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