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Inside Llewyn Davis

S’inspirant (de loin !) des Mémoires de Dave Van Ronk, rival malheureux de Bob Dylan, les Frères Coen dépeignent un personnage de loser qui vénérait Brecht et le jazz New Orleans. Llewyn Davis est un chanteur folk qui a bien des difficultés à vivre à New York en 1960, lors d’un hiver rigoureux. Refusant tout compromis artistique, il ne décroche aucun contrat, d’autant plus que son partenaire s’est suicidé. Tout lui paraît insurmontable, surtout que, bien souvent, il est responsable des galères qui lui arrivent. Sans appartement et sans argent, il squatte la table et le divan de ses amis où il finit par être ressenti comme un intrus et un pique-assiette. Chez l’un d’eux il laisse échapper le chat, ce qui provoque le début d’aventures absurdes, durant une semaine de folie où le musicien, guitare en bandoulière, court après ce chat, Ulysse. Tout devient diabolique en s’acharnant contre lui !

Affiche du film
© Studio Canal

Avec son mélange de comique décalé, de mélancolie sans illusion et d’absurde kafkaïen, le film - très musical - est teinté de l’humour noir habituel chez les frères Coen. La plupart des acteurs ont été choisis pour leur talent de chanteurs, avec une mention spéciale à l’excellent acteur latino Oscar Isaac, à la jolie voix plaintive, et dont c’est le premier grand rôle. Les chansons ont été interprétées live sur le plateau pour donner plus de réalisme. Le chanteur Justin Timberlake, Carey Mulligan et John Goodman (l’un des interprètes fétiches des frères Coen) donnent la réplique à ce personnage qui n’ignore pas se conduire comme un grand enfant sans espoir de réussite professionnelle, bien que non dépourvu de talent.

John Goodman dans "Inside Llewyn Davis"
© Studio Canal

Réalisateurs hors normes, film indépendant, scénario étrange : nous sommes loin du prémoulé hollywoodien. Le Jury du dernier Festival de Cannes a accordé son Grand Prix (très mérité !) à cette comédie ironique et noire des sixties. Le même jour que sa sortie en salles, revient sur les écrans Barton Fink, chef d’oeuvre largement récompensé au palmarès cannois de 1991. Cette histoire d’un scénariste en panne d’inspiration est une approche drôle et grinçante de l’impuissance créatrice. Le sujet n’est certes pas sans évoquer celui de Inside Llewyn Davis. Les années passent, mais les mêmes préoccupations trottent toujours dans la double tête des frères Coen !

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