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La Vénus à la Fourrure

Avec cette libre adaptation du roman érotique de Léopold Von Sacher-Masoch (qui a donné son nom au masochisme), Roman Polanski, 79 ans, un des derniers grands Maîtres vivants du cinéma mondial, et dont la réputation sulfureuse a par le passé trop souvent éclipsé un réel génie artistique, nous délivre une nouvelle fois avec ce film une oeuvre majeure en forme de huis clos insupportablement plaisant.

L’histoire est celle d’un metteur en scène de théâtre (Mathieu Amalric), imbu de sa personne, condescendant et manipulateur qui, après avoir auditionné en vain des actrices de piètre niveau pour jouer dans l’adaptation théâtrale de la "Venus à la fourrure", reçoit, alors qu’il s’apprête à partir du théâtre, la visite tardive de Vanda Jourdain (Emmanuelle Seigner) actrice de prime abord vulgaire, stupide, délurée et inculte, qui s’humiliera à le supplier de lui laisser une chance pour le rôle mais qui, connaissant ses répliques sur le bout des doigts, finira par transformer le maître "marionnettiste" en marionnette de l’amour.

Film jubilatoire, rempli de chausse-trappes, conçu comme un jeu sur les apparences et les postures, porté par une belle musique d’Alexandre Desplat et par l’étourdissante interprétation de Mathieu Amalric et surtout d’Emmanuelle Seigner, "La Vénus à la fourrure" est construit comme une mise en abîme où un metteur en scène talentueux, orgueilleux, dominant, Mathieu Amalric (qui ressemble à s’y méprendre à Roman Polanski, jeune) dirige avec sadisme une jeune actrice, jolie, plantureuse, apparemment légère, frivole et soumise (Emmanuelle Seigner, sa propre compagne) avant d’être contraint et forcé de reconnaître que Vanda a progressivement pris le pouvoir sur la scène.

En prétextant adapter au cinéma l’adaptation théâtrale d’un classique de la littérature érotique, Roman Polanski transcende en réalité ses obsessions récurrentes (1).

Dans le cadre d’une mise en scène extraordinairement fluide et d’un propos qui, contre toute attente n’est jamais glauque, il décortique avec humour les rapports hommes-femmes, artistes- modèles, dominants-dominés, et probablement sur un mode plus intimiste, ses propres relations avec les femmes.

Mais cette brillante comédie peut également se voir comme l’épisode fantasmatique éveillé de tout auteur, acteur, écrivain, cinéaste, amoureux ou démiurge, déstabilisé, désacralisé par l’improbable irruption sur la scène du théâtre de sa vie d’une femme, d’une actrice, d’une compagne, toujours sous-estimée et devenant néanmoins progressivement maîtresse de sa vie.

En somme, c’est une belle histoire universelle, un bon "Roman"...

Laissez-vous donc mener par le bout de ce film très attachant et cédez sans crainte au charme de Vanda et des ses éternelles sirènes de l’amour.

(1) Les thèmes suivants parcourent toute l’oeuvre de Roman Polanski :
Dérangement psychique, obsession du détail, thème du double, rapport de domination hommes femmes, doute permanent ; voir à ce sujet les films "Répulsion", "Rosemary’s baby", "Le locataire", "Le pianiste", "Lune de fiel" et "Carnage".

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